Autocritique ?
La culture musulmane
manque, semble-t-il, actuellement, d'outils (auto)critiques rationnels, comme
si elle ne savait pas poser pour elle-même la question de la modernité. Alors que l'Inde, la Chine,
le Japon ont trouvé ou trouvent des réponses à la question de leur insertion
dans la modernité (même s'ils ne trouvent pas forcément les bonnes réponses et
même si le concept de "modernité" demanderait à être interrogé
profondément). On peut même se demander si la culture musulmane "se
pense" : est-ce qu'une FOI pense et se pense ? Pourtant, si :
des Abdennemour Bidar ou Abdelwahab Meddeb nous le prouvent, philosophes
laïcisés, occidentalisés, dit-on, comme d'autres, journalistes ou essayistes
vivant au Liban, en Grande Bretagne, en Inde, en Hollande… Un réveil à la suite
des récents évènements ? Charlie Hebdo, bien sûr, mais aussi les talibans
à Peshawar, al-Chabab en Somalie, Boko Haram au Nigeria, et Daesh, leurs
massacres et autres exactions monumentales… et les quasi quotidiens attentats au
Proche et Moyen Orient…
(Ce qui suit s'inspire en
particulier d'une série d'articles parus dans Courrier International tournant
autour de ce que Meddeb a appelé "La Maladie de l'islam" - Seuil -
2002)
Le ver dans le fruit
Je me posais la question à
propos de la pédophilie dans la prêtrise catholique : y aurait-il dans le
catholicisme un noyau de perversion originel, ab ovo ? Autre chose que le
« Laissez venir à moi les petits enfants » du Jésus. Je n'ai pas la
réponse.
On peut se poser le même
genre de question sur le nazisme né au cœur de l'Allemagne ou le stalinisme au
cœur du marxisme. Le ver est-il dans le fruit dès la conception ?
Je me pose une question
similaire pour l'islam : Y aurait-il un ver dans le fruit ? Mais je
dis bien DANS le fruit, né dans le fruit par génération spontanée, pas un virus
"venu d'ailleurs". Y aurait-il un noyau pourri, une erreur
fondamentale (fondamentaliste) qui ferait de tout musulman, potentiellement, un
tueur, un violeur, un guerrier conquérant ? Avec un brin de parano et de
romanesque, je pourrais voir dans chaque adepte une sorte de "cellule
dormante" ayant reçu un ordre post-hypnotique qu'un mot clé pourrait
réveiller à n'importe quel moment (cf mon chapitre sur Le Vieux de la
montagne). Au point que j'ai du mal à adhérer au discours des gentils musulmans
qui disent « Le terrorisme, ce n'est pas l'islam… la violence, ce n'est
pas le fait de l'islam… les terroristes, ce ne sont pas des vrais musulmans…
l'islam, c'est la paix… etc. » Mais tant que des tueurs se réclament de l'islam pour égorger,
décapiter, exploser, massacrer en masse, terroriser, tyranniser, violer, etc.
etc. etc., personne ne peut dire que l'islam est une religion de paix.
Être d'une religion, c'est se réclamer d'une religion.
Les terroristes crient bel
et bien « Allah akbar ! Vengeons le Prophète, etc. » Ils se
réclament bel et bien de l'islam. Ils terrorisent, tuent et tout le reste
"au nom de l'islam". Et les musulmans raisonnables les condamnent
"au nom de l'islam". Finalement, est-ce qu'on peut dire ou faire
n'importe quoi "au nom de l'islam" ?
Et puis chacun nait dans une religion, chacun acquiert à la naissance la religion de
ses parents, on n'y est pour rien et on n'y peut rien. On peut en sortir ?
Oui, facilement dans le christianisme, difficilement pour l'islam… Sinon, on
peut l'assumer et le revendiquer. Les terroristes qui crient « Allah
akbar » sont de vrais musulmans, puisque nés dedans ET s'en revendiquant
(fortement). Des mauvais, certes, mais des musulmans. Autrement dit, IL Y A des
mauvais musulmans ; ou des musulmans mauvais… comme il y a des chrétiens
mauvais, des juifs mauvais, de bouddhistes mauvais… Faut il s'en étonner ?
Qu'ils mentent consciemment
ou qu'ils se trompent via une lecture à la fois orthodoxe et tordue (!) des
textes, je veux bien, mais leur revendication "au nom de l'islam, au nom
du Prophète" reste un fait. Un fait
public.
Et ça donne donc envie de
dire "à l'islam", c'est-à-dire aux bons musulmans et musulmans
bons : « C'est votre
maladie, c'est d'abord à vous qu'ils
font du mal. Puisque ce ne sont pas de "vrais musulmans",
désolidarisez-vous d'eux un peu mieux que par quelques déclarations
embarrassées, c'est-à-dire débarrassez-vous d'eux, chassez les, bannissez les,
jetez les. Tuez les, au besoin. On ne vous demande pas d'avoir honte ou de
vous excuser pour eux, on vous demande de vous/nous en débarrasser. »
Daech et Al Qaïda ne sont pas des groupes de défense des
droits des musulmans.
Et donc, si on vous
demande, musulmans, de faire le ménage chez vous, d'éliminer les moutons noirs,
de soigner et nettoyer l'islam, c'est pour que plus personne ne puisse faire
"ça", ces horreurs, "au nom de l'islam", qu'il n'y ait plus
aucun prétexte, dans l'islam, qui permette de justifier "ça". (Ça
suppose aussi, comme dit dans un post précédent de "décoraniser le
Coran", de virer les versets guerriers, meurtriers…)
Désolidarité
Un problème intérieur est
peut-être qu'il existe une solidarité entre musulmans, une pensée en tant que
"nous", liée à la soumission
et à l'aspect tribal, le nationalisme
religieux, qui soude la communauté des croyants, la oumma, par delà les frontières, y compris les moutons noirs. Derrière les condamnations, il reste
cette pensée sourde « Oui, ils font le mal, c'est vrai, mais ce sont quand
même, malgré tout, nos frères musulmans. » Et donc, pour concrétiser le
discours tenu plus haut (le « ce ne sont pas des vrais musulmans,
débarrassons-nous en »), il faudrait un grand retournement mental qui
permette à toute la communauté musulmane d'émettre des fatwas qui excluent ces
hommes, qui les apostasient, qui les vouent à l'enfer. L'ennui, c'est que, 1)
malgré l'idée de l'oumma, l'islam est
divisé en de multiples courants et sectes ; et 2) il n'y a pas de
hiérarchie admise par tous, à même d'émettre un ordre valable pour toute la communauté
des croyants, comme peut le faire, dans l'Église catholique, le pape et ses
bulles.
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En parlant de "maladie
de l'islam" ou d'un islamisme "caricature de l'islam", je me
rends bien compte que ce je dis là peut être offensant ou perçu comme tel, ou
"donneur de leçons", et qualifié d'islamophobie.
Pour ma défense je dirai
d'abord que je me réfère à des penseurs musulmans qui ne m'ont pas attendu pour
parler, parfois férocement, de maladie, de cancer, de fascisme né de
l'intérieur, etc. Déjà cités, Bidar, Meddeb… J'y ajouterai nombre d'auteurs
issus de différents pays à majorité musulmane lus dans Courrier International. J'aurai
sans doute à citer aussi le psychanalyste tunisien Hechmi Dhaoui
("Musulmans contre Islam ?", entretiens avec Gérard Haddad).
Ensuite, pensons seulement
à notre corps. Chacun de nous porte des milliards de bactéries, virus,
parasites divers, tous potentiellement pathogènes. À l'état normal, nous sommes
"porteur sain", c'est-à-dire que ces microbes de toutes sortes se
tiennent tranquilles, vivent leur petite vie en compagnie de nos cellules
personnelles. Mais il sont susceptibles de susciter une maladie au sens propre
à l'occasion de conditions nouvelles : froid, chaud, manque de vitamines,
affaiblissement des défenses immunitaires… Le plus souvent, on ne choppe pas
une maladie invasive, on l'a en soi, oubliée, ignorée, mais prête à se
réveiller… comme une "cellule dormante"… expression qui nous
rappelle, fort justement, le terrorisme.
Donc, un peu de patience et
j'aborderai ce thème et ce terme d'islamophobie.
2 commentaires:
Parmi les musulmans il y a bien entendu des gens raisonnables horrifiés par ce qui se passe, mais il y a beaucoup de gens qui condamnent mollement ( mollahment ? ), en pensant au fond "bien fait pour leurs gueules à ses chiens d'infidèles", dans les cours des collèges et lycées de France tu entends ça. Et toi, tu dois bien faire attention à ne pas faire "d'amalgame", à ne pas être "offensant ou donneur de leçons".
C'est compliqué pour les démocrates athées, ça l'est moins pour les religieux qui s'en foutent de te choquer par leurs pratiques archaïques et leurs fanatisme.
Oui, c'est compliqué, de "combattre" sans "battre"… C'est que le démocrate athée est un être civilisé…
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