samedi 28 février 2015

L'EXCEPTION ISLAMIQUE


L'islam n'est pas un problème, peut-être, mais l'islam A un problème.
Si Houellebecq a intitulé son dernier bouquin "Soumission" et si j'ai moi même donné ce titre à un post précédent, ce n'est pas par hasard ou par provocation, et on peut aussi se rappeler que c'était le titre du film qui a valu à Théo Van Gogh de se faire assssiner.. Le principe de soumission est d'origine – et c'est sans doute une des clés du problème.
# Islam. Wikipédia. Étymologie
Le mot "islam" est la translittération de l'arabe islâm, signifiant "résignation", "reddition", "soumission", "allégeance", sous-entendu "à Dieu". Le radical sémitique SLM désigne l'acte de se soumettre d'une manière volontaire, de faire allégeance.
Le mot "islam" avec une minuscule désigne la religion dont le prophète est Mahomet (Mohamed, Muhamad). Le terme d'"Islam" avec une majuscule désigne l'ensemble des peuples musulmans, la civilisation islamique dans son ensemble.
Le nom d'agent dérivé de cette racine est muslim "celui qui se soumet", à l'origine du mot français musulman.
L'adjectif "islamique" qualifie tout ce qui se rapporte à l'islam en tant que religion et en tant que civilisation.
La religion musulmane a été désignée autrefois en français par le mot islamisme (comme judaïsme, christianisme, bouddhisme, animisme, etc). Mais ce terme tend à être remplacé par le seul "islam", le mot "islamisme" s'étant spécialisé pour désigner les courants politiques, radicaux ou non, du revivalisme musulman. L'islamisme est une doctrine politique qui vise à l'expansion de l'islam.
On trouve aussi, particulièrement dans les anciens romans de chevalerie, les termes mahométisme et mahométan, qui sont tombés en désuétude depuis plus d'un siècle. Actuellement, leur usage, sans être insultant, prend le sens péjoratif de religion étrangère, inactuelle et surannée. #
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Évidemment, la soumission prolongée engendre une accumulation de rage et de désir d'émancipation et de vengeance. C'est le syndrome du mouton enragé. Le soumis musulman ne peut pas retourner sa rage contre l'islam, il se tourne donc vers l'Occident, censé être son persécuteur objectif. Mais il se suicide… ce qui laisse entendre qu'au fond, il est pris dans une contradiction mortelle, une autocontradiction : sa vraie rage, c'est contre l'islam, Allah, le Coran, la charia… donc contre lui-même.
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Peut-être relire La Boétie "Discours de la servitude volontaire". En version "français moderne" chez Mille.et.une.nuits, tout petit bouquin qu'on peut garder dans sa poche, ça peut toujours servir.
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Et se rappeler que : « L'esclavage est une très mauvaise préparation à l'exercice de la liberté. » (Anthony Trollope. The West Indies. 1860. Extrait du Dictionnaire de la bêtise, de Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière. R. Laffont.)



(à suivre)

mardi 24 février 2015

LA FOI DES AUTRES


— La liberté de blasphémer, c'est bien, non ?
— Oui. Mais "la liberté" est une notion vague tant qu'elle n'est pas entérinée par le droit civil. Tu peux te dire : « Dans l'absolu, rien ne m'empêche de blasphémer… » Mais le monde n'est pas "dans l'absolu". Dans le relatif du monde (= la réalité), cette liberté est limitée non pas par la loi ou la censure d'État (le droit de blasphémer, en notre république laïque, effectivement, on l'a), mais par la censure venue des fous, des assassins… la terreur, le djihad, les fondamentalistes islamiques. (En d'autres temps, ce fut par la Sainte Inquisition Catholique et Romaine, mais je parle de maintenant.)
— « Ne pas insulter la foi des autres », dixit le pape, mais sans nous menacer du bucher, quand même…
— Déjà, ne pas insulter les autres, les gens, d'accord – jusqu'à un certain point. Mais "la foi" ?! C'est qui, c'est quoi ? Peut-on insulter une croyance, une idée, une opinion, un savoir, une abstraction ? Peut-on dire devant Platon : « Ho ! Les Idées Platoniciennes, vous êtes connes ! » Dire devant Einstein : « Hé ! La Relativité, t'es vraiment de la merde ! » Et pareil, devant un croyant : « Ho Dieu ! T'es un gros tas tout vieux ! » Quand au Prophète qui a vécu il y a 1400 ans… c'est insulter quoi ? Les vers ?
Insulter des idées, des abstractions, des concepts, ça ne veut rien dire.
— Ho toi même ! Ton raisonnement n'en est pas un. Ce n'est pas ce que le pape veut dire quand il parle de "ne pas insulter la foi des autres".
— Bien sûr, je joue la mauvaise foi, merci. Ce n'est pas ce que les autres croient qui est en cause, vrai ou faux, on s'en fout, mais le fait qu'ils y croient, la foi en soi, la croyance en elle-même, cet état d'esprit et de corps, cet "être au monde" qu'on appelle Foi, de préférence avec une majuscule parce que c'est sacré, bien sûr.
— Et parce que c'est censé être une faculté humaine élevée, une spiritualité.
— À ce compte là, croire qu'il ne faut pas passer sous une échelle – ça porte malheur – est à classer dans les facultés humaines élevées, dans la spiritualité ! Ce qui se passe, quand on est rationnel et athée (et athée parce que rationnel), c'est qu'on ne peut que mépriser cet état de foi, et donc on n'est pas très gentil avec ceux qui l'ont.
— Ou bien s'en foutre, simplement, non ?
— S'en foutre, oui, soit au sens de ne pas y prêter attention (c'est-à-dire traiter par le mépris, l'indifférence) ; soit s'en foutre au sens de s'en moquer ; ensuite, faut voir : ça peut être se moquer gentiment ou méchamment (insulte).
Le vrai problème vient quand ceux qui ont la foi s'appuient dessus pour faire chier le monde. Par des discours, c'est anodin, mais aussi en attentant, boum-boum ! à la vie des autres au nom de leur foi (leur dieu, leur prophète, leur tabou de l'image, etc.). QUI, alors, insulte leur foi ? Qu'ils soient sincères ou manipulés, que leurs raisons soient… (euh… non… on ne peut pas employer ce terme : ils ne sont pas agis par des raisons, seulement par des causes… comme une avalanche ou un troupeau de buffles…) Donc, que leurs impulsions soient politiques plus que spirituelles, psychopathologiques plus que religieuses, sordides plutôt que nobles, élevées, peu importe : ils agissent "au nom de" leur foi (l'islam, en l'occurrence) et ils le gueulent bien haut.
Partant, moquer ou insulter leur foi, c'est juste se défendre.
— Je ne vais pas te ressortir l'Inquisition, mais les Américains emmerdent le monde aussi, de nos jours, et au nom de "God with US" (us comme "nous" et comme U.S.)
— Mais les Américains ne sont pas venus tuer nos copains de Charlie Hebdo ! Ça aussi, ça fait partie de ce qui brouille toute discussion. On ressort notre passé colonialiste, notre incapacité à intégrer les immigrés et à gérer les banlieues, notre tolérance bien pensante… et les Américains impérialistes – cause de tous les maux du monde. Pensée des années 60… et surtout pensée facile, doxa moderne de la gauche plate qui empêche d'affronter les problèmes de fond mais qui n'empêche pas de porter des jean's, de boire du coca et fumer des malboros…
— On mange du couscous, aussi…

lundi 16 février 2015

DÉCORANISER LE CORAN ?


Évidemment, le cas de "blasphème" évoqué dans l'article précédent ("Le Problème de l'islam avec le blasphème", de Mustafa Akyol) est le plus anodin.
Imaginons la scène : vous discutez avec des potes à la terrasse du troquet du coin (devant un thé à la menthe). Il y en a qui se mettent à faire des blagues salaces sur Allah ou sur Mahomet… Vous devriez les égorger séance tenante ? Non. Le Coran vous conseille juste de ne pas entrer dans leur jeu, d'aller faire un tour de pétanque avec d'autres copains et de revenir quand ils auront fini.
Mais il y a, bien entendu, comme LG me le fait remarquer sur FB, des sourates beaucoup plus féroces, qui appellent au meurtre sous toutes ses formes, celles-là concernant les "infidèles". "Sourate de la guerre", "sourate de l'épée". Et on fait souvent remarquer leur évidente contradiction avec le verset qui dit « Pas de contrainte en religion ».
Abdelwahab Meddeb, qui ne se gène pas pour décoraniser le Coran en proposant d'en éradiquer les horreurs (concernant la violence et le sort des femmes, en particulier) évoque largement ce problème de contradiction interne dans "Sortir de la malédiction" (P. 113 & sq.). Son érudition est telle qu'il est un peu difficile à suivre (raisonnement "jésuitique" ?), mais, si j'ai bien compris, c'est une question de chronologie. (Eh oui, l'archange Gabriel n'a pas dicté tout ça en bloc au Prophète en un seul jour de grand soleil… De plus Mahomet était semble-t-il analphabète et a donc bien du se faire aider par des lettrés – qui avaient bien lu la Bible hébraïque et chrétienne, eux – pour mettre tout ça au propre…)
Les versets guerriers sont les plus tardifs. Versets dits "de l'épée", IX, 5, et "de la guerre", IX, 29, lequel appelle à « combattre à mort  les "scripturaires", c'est-à-dire les juifs et les chrétiens qui ne croient pas à la "religion vraie", c'est-à-dire l'islam, à moins qu'ils n'acceptent de payer la redevance de la protection d'une main franche, signe de leur humiliation et de leur infériorité reconnue. » En résumé, chacun a le choix entre trois possibilités : • se soumettre à la Loi, c'est-à-dire être musulman ; • payer le tribut, (régime juridique de la dhimma) ; • à défaut de l'une ou l'autre, se laisser égorger tranquillement. Les choses sont claires. C'est la capitation ou la décapitation. Une menace combinée à une "protection" contre un impôt… ça s'appelle du racket. Sur un plan à la fois logique et moral, il y a aberration et cynisme totalitaire de la part du dominant à vendre ce droit d'être un impie contraire à la Loi : « Tu te convertis, sinon je te tue… ou alors tu payes pour avoir le droit de garder ta foi impie. » (Quant au dominé… il n'a pas vraiment le choix…) Expérience de pensée : imaginez une France chrétienne, avec un État non laïque, qui exigerait des immigrés minoritaires un "impôt musulman"…
« Les islamistes avalisent la patente contradiction révélée ici en réduisant le sens du verset en question à un appel à la guerre perpétuelle, dont ils n'envisagent pas les conséquences apocalyptiques. »
Pourtant, « ces versets fétiches des intégristes peuvent être neutralisés par trois autres. » Celui, souvent cité, qui dit « Pas de contrainte en religion. » (II, 256) et deux autres qui prônent la discussion et l'appel à la persuasion, en utilisant la raison et la civilité (XXVI, 125 et XXIX, 46).
La question est alors « quoi abroge quoi ? » Quels versets sont à même de corriger ou neutraliser quels autres ? Ceux qui lisent le Coran et tiennent compte de ses injonctions sont de deux genres : ceux qui considèrent que le plus récent corrige le plus ancien, et c'est donc bien le plus récent qui est à prendre en compte ; contre ceux qui considèrent le plus ancien comme le seul authentique, parce que "révélé" hors de toute conjoncture politique.
Pour Meddeb « ce sont les premiers versets, purement religieux, ceux révélés à La Mecque, qui doivent l'emporter sur ceux qui ont été inspirés à Médine dans un contexte politique, juridique, militaire, appartenant à une conjoncture datable. Aussi n'est-ce pas le verset de la guerre ni celui de l'épée qui abrogent les trois versets libéraux, comme le prétendent et veulent l'imposer les islamistes. » L'idée est que « les versets de la guerre et de l'épée appartiennent à une conjoncture historique et anthropologique révolue. » On pourrait dire qu'ils sont plus "anecdotiques" et donc moins "sacrés" et qu'ils ne peuvent donc pas être détachés de leur contexte historique et érigés comme Loi absolue valable pour tous les temps. (Ça me fait un peu penser aux paroles guerrières et sanglantes de la Marseillaise, qui avaient sans doute leur validité à l'époque et qui, de nos jours, sonnent odieuses.)
(Quant à la datation des sourates permettant de tenir ce raisonnement, ou l'inverse… il parait qu'il ne faut pas forcément tenir compte des numéros attribués aux sourates dans le livre: toujours si j'ai bien compris, elles ne sont pas rangées par ordre chronologique… C'est le bordel, quoi… C'est vraiment affaire de savoir historique et donc je crois Meddeb sur parole.)
En ce sens le terme de "fondamentalistes" est usurpé par ceux-ci puisqu'ils considèrent comme des "fondamentaux" des textes plus dictés par la conjoncture historique que par la révélation divine. N'empêche que les sales versets sont toujours là et que le premier crétin venu peut s'en prévaloir. Et donc reste cette question que dans le Coran, comme dans la Bible (ou dans Ainsi parlait Zarathoustra… ou dans un recueil de blagues carambar) on peu pêcher à son gré tout et son contraire, choisir ce qui nous arrange le mieux, en particulier ce qui est le plus simplet, l'opposition binaire, compréhensible par l'inculte ou le semi-lettré. On peut parler de populisme islamique.
On peut aussi considérer que les versets contradictoires s'annulent l'un l'autre, comme "moins + plus = zéro", et donc oublier tout ça… à part que, comme le commente aussi YLC sur FB, les islamistes nous forcent à être intelligents. Curieux, subtils, documentés… oui… Mais je me rappelle un article de Onc' Bernard (Maris) qui se plaignait de ça. Je n'ai pas retrouvé l'article, mais en gros, il écrivait « à cause de ces cons-là, voilà qu'il faut que je me mette à lire le Coran, alors que tout au fond, athée convaincu, je n'en ai rien à faire. »
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J'ajoute que Philosophie Magazine N° 87, mars 2015, fait un dossier "Guide d'autodéfense contre le fanatisme". Rémi Brague et Abdennour Bidar y décortiquent un certain nombre de versets, dont ceux que je cite ci-dessus, soulèvent la question de l'abrogation, discutent la différence islam/islamisme, etc. Un autre article s'attaquent à la psychologie des djihadistes, avec en particulier le témoignage de Dounia Bouzar qui a créé le CPDSI, Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam. Et d'autres articles encore abordent "Désamorcer le délire d'opinion", "Plaidoyer pour la liberté d'offenser", "Le nihilisme islamiste"… et le cahier encarté laisse la place à Voltaire tolérance", dont le Traité sur la tolérance est en tête des ventes de philosophie depuis un mois !
Un hors-série "Le Coran" devrait sortir à la fin du mois.
Courrier International a aussi sorti un hors-série "L'islam en débat".


dimanche 8 février 2015

LE PROBLÈME DE L'ISLAM AVEC LE BLASPHÈME


Je traduis ici un article lu en anglais dans le New York Times. Traduc sans doute un peu maladroite faute de travail, mais le sens y est.
Mustafa Akyol
Est-ce que les "musulmans modérés" vont finir par élever la voix contre leurs coreligionnaires militants ? Dans le monde entier, on a posé la question, mais, comme par le passé, sans l'examiner sérieusement.
Certes, les hommes d'État, membres du clergé et intellectuels musulmans ont ajouté leurs voix aux condamnations du terrorisme par les dirigeants du monde entier. Mais ils doivent soulever une autre question essentielle : la discussion et la réinterprétation de la position traditionnelle de l'islam à propos du "blasphème" ou de l'insulte envers le sacré.
Les terroristes de Paris étaient apparemment animés par le zèle de punir le blasphème, et la ferveur envers la même cause a produit ce genre de militance au nom de l'islam dans diverses affaires (fatwa contre Salman Rushdie, manifs contre le Jylland-Posten et ses caricatures de Mahomet en 2005).
Les moqueries sur Mahomet, réelles ou perçues comme telles, sont au cœur de presque toutes ces controverses sur le blasphème.
À première vue, ça peut sembler sans importance, mais il y a quelque chose d'étrange là dedans, car le prophète Mahomet n'est pas l'unique figure sacrée de l'islam. Le Coran loue d'autres prophètes – comme Abraham, Moïse et Jésus – et dit même aux musulmans de "ne pas faire de distinctions" entre ces messagers de Dieu. Pourtant, pour quelque raison, les islamistes extrémistes semblent seulement obsédés par le prophète Mahomet.
Encore plus bizarrement, la moquerie envers Dieu – qu'on pourrait s'attendre  à voir comme le blasphème le plus outrageant – semble avoir échappé à leur attention. Les magazines satiriques comme Charlie Hebdo ont sorti des dessins ridiculisant Dieu (dans les contextes juifs, chrétiens et musulmans), mais ils n'ont été pris violemment pour cibles que quand ils ont ridiculisé Mahomet.
• Bien sûr, je ne dis pas ça pour dire que les extrémistes devraient s'en prendre violemment aux caricaturistes pour des raisons théologiques plus variées ; à l'évidence ils ne devraient pas s'en prendre à eux du tout. Mais cette focalisation exclusive sur Mahomet mérite d'être examinée. Une explication évidente serait que Dieu et les autres prophètes sont sacrés aussi dans le judaïsme et le christianisme, alors que Mahomet n'est sacré que pour les musulmans. En d'autres termes, le zèle ne s'appuie pas sur le respect du sacré en général, mais sur ce qui est sacré pour nous – nous les musulmans. Ainsi, cette sensibilité unique autour de Mahomet apparait comme une affaire de nationalisme religieux, focalisé sur la communauté terrestre plus que sur la foi profonde dont le point principal serait le divin.
Cependant, ce nationalisme religieux est guidé par la loi religieuse, la charia, qui inclut des clauses punissant le blasphème comme péché mortel. Il est donc d'une importance vitale que les penseurs musulmans ouvrent aujourd'hui avec courage cette controverse. Ils peuvent commencer par reconnaitre que, même si la charia s'enracine dans le divin, la grande majorité de ses commandements ont été édictés par des hommes et reflètent en partie les valeurs de l'époque de son édiction (du 7ème au 12ème siècle), époque où d'autres religions comme le christianisme considéraient le blasphème comme un crime capital.
En fait, la seule source de loi islamique que reconnaissent indiscutablement tous les musulmans est le Coran. Et manifestement le Coran n'ordonne aucune punition terrestre pour le blasphème – ou pour l'apostasie (abandon de ou renoncement à la foi), concept apparenté. Dans le même ordre d'idée, le Coran n'ordonne pas non plus la lapidation, l'excision ou le bannissement des beaux arts. Toutes ces innovations doctrinales sont des interprétations médiévales liées aux normes de leur époque et de leur milieu.
Typiquement, les punitions sévères pour blasphème ou apostasie sont apparues quand des empires musulmans despotiques avaient besoin de justifications religieuses pour éliminer leurs opposants politiques. L'un de ces premiers "blasphémateurs" était le pieux universitaire Ghaylan al-Dimashqi, qui a été exécuté au 8ème siècle par l'empire des Omeyyades. Sa principale "hérésie" était d'insister sur le fait que les dirigeants n'avaient pas le droit de considérer leur pouvoir comme "un don de Dieu", et qu'ils devaient prendre conscience de leur responsabilité envers le peuple.
Avant ces extensions et durcissements de la charia liés à la politique, le Coran disait  aux musulmans qui faisaient face à des moqueries de la part des païens : « Dieu vous a dit dans le livre que quand vous entendez les révélations de Dieu contestées ou moquées, ne restez pas assis en compagnie de ceux-là, et ce jusqu'à ce qu'ils parlent d'autre chose ; sinon vous deviendriez comme eux. »
Juste « ne restez pas assis en compagnie de ceux-là », c'est la réponse à la moquerie que le Coran suggère. Pas la violence. Pas même la censure.
Les sages dirigeants musulmans du monde entier apporteraient un grand bienfait à l'islam en prêchant et en réitérant de tels commandements non violents et non oppressifs en réponse aux insultes envers l'islam. Cette instruction pourrait aussi aider leurs coreligionnaires les plus intolérants à comprendre que la colère n'est rien d'autre qu'un signe d'immaturité. Le pouvoir de toute foi ne vient pas de la coercition envers les critiques et dissidents. Elle vient de l'intégrité morale et de la puissance intellectuelle de ses croyants.
(Mustafa Akyol, in International New York Times, 15 janvier 2015. Auteur de "Islam Without Extremes : A Muslim Case for Liberty".)
(Traduction personnelle, 28 janvier 2015. Les soulignés sont de moi.)