Valls en a marre des
explications psycho-socio-historico-politico-culturelles (PSHPC) qu'il voit
comme des "excuses". Mais non, ce ne sont pas des excuses,
justifications, légitimations ou pardons. Les excuses ou le pardon, c'est de la
morale (ou de la justice, sur son versant "circonstances
atténuantes"). La légitimation, c'est encore autre chose : une
justification idéologique (demandez à Camus si quoi que ce soit justifie le terrorisme). Le pardon, c'est
typiquement chrétien. Les excuses, l'empathie, le "je sais ce que tu
ressens", ça peut faire du bien, sur le plan affectif, tant à celui qui
reçoit qu'à celui qui émet, celui qui est pardonné comme celui qui pardonne.
Tout cela, ce n'est pas le rôle des explications.
La recherche d'explications,
c'est (ou ça essaie d'être) de la science, du moins de la compréhension par le
travail analytique. Ça peut emmener loin parce que les PSHPC, c'est en fait toute
la Culture. C'est la Culture qui chapeaute tout ces domaines, y compris le
domaine politique politicien… (J'entends la Culture au sens anthropologique, d'où la majuscule.) Concept
analytique, grille où s'entrecroisent, comme dans les mots croisés,
psychologie, sociologie, culture, religion, mœurs, sexualité, génétique… et
bien sûr politique. L'explication anthropologique a le tort d'être complexe et
de prendre du temps.
On préfère en général les
explications simples. Elles sont forcément simplettes, mais on adore ça :
on veut toujours des coupables, ou mieux : un coupable. Le UN, Dieu, l'origine, le Big Bang ou Big Brother, la
cause unique (paradigme issu du monothéisme). Mais le monstre de Frankenstein
est un puzzle. Toutes les explications causales sont vraies, toutes les raisons
déraisonnables du mal, sont vraies. Il ne faut pas les opposer mais les
conjuguer, les entrecroiser comme dans la grille des susdits mots croisés. Tout
est vrai, tout est en cause : la religion et l'absence de religion, la
radicalisation islamique et l'islamisation du radicalisme, la politique
partisane, le vote et l'abstention, l'urbanisme béton, la nourriture chimique,
le racisme, le laxisme et la raideur, la faillite de ceci ou cela, mai 68 et la
pratique du 69, la pornographie, Internet, le chômage, la drogue, le pétrole………
Restent les faits.
Les explications PSHPC
n'excusent pas, ne légitiment pas, ne pardonnent pas et n'effacent pas les faits. Ne rassurent pas non plus. Et
n'excluent pas la répression policière, judiciaire, guerrière, qui sont des
choix politiques. Par contre, en faisant avancer la compréhension, elles peuvent
améliorer la prévention d'autres faits similaires prévisibles. Analyser,
comprendre ne sert pas à excuser (ce qui est, au fond, victimiser) ni à
condamner (culpabiliser et traquer les coupables derrière les coupables) mais à
chercher comment éviter ça, comment faire mieux la prochaine fois. Prévenir.
Punir les coupables (et
surtout les empêcher de sévir de nouveau, ce pourquoi on les enferme), il faut
bien, sans doute, c'est en tout cas l'urgence. D'où l'état d'- . C'est le
boulot de la police et de la justice : soigner le symptôme. (Mais pourquoi
donc faut-il encore un accent circonflexe sur "symptôme" ?!) Comme en
médecine, il faut bien soigner le symptôme qui masque le terrain pour pouvoir
soigner le terrain. Car, l'important c'est de soigner le terrain : soigner les
cités (sociologie), les enfants des cités, un à un (psychologie), l'école
(éducation, culture)… Et aussi bien la religion, celle qu'on répugne à nommer
et à pointer du doigt par peur d'être accusé de racisme : l'islam, puisqu'il
faut l'appeler par son nom. (Rassurez-vous, j'en ai autant pour les autres
religions, comme lieux de maladies individuelles et collectives.)
Et ça, c'est l'action, et
c'est le boulot de… de qui, au fait ?
De l'éducation, pas seulement nationale, c'est-à-dire en fait d'un peu
tout le monde : des parents, culturels officieux ou officiels, soignants ou
éducateurs "de terrain", médias, etc., tout un monde qui, en
principe, est chapeauté par l'État, le domaine politique : les politiques,
les élus – qui sont les délégués de cet "un peu tout le monde".
— Mais… tu rêves,
là !
— Oui… Non… Mais… Inutile
de faire le énième discours sur la démission du politique… Si eux ne font pas
ce qu'il y a à faire, les "un peu tout le monde" cités plus haut,
ainsi que "tout un chacun" font ce qu'il peuvent à leur échelle. On
ne compte plus sur la politique, ou le politique, qui est censée impliquer et
s'impliquer dans tout le domaine PSHPC, mais qui l'a un peu oublié.
Les hommes politiques, les
élus, ça les arrange, de refuser les analyses PSHPC trop pointues, parce que,
forcément, ça les met en cause. Ça met en cause leurs actions et inactions, les
erreurs commises à droite comme à gauche depuis 40 ans ou plus dans les
politiques migratoires, de la ville, de l'éducation, de la santé, leur
clientélisme, leur démission. Ça pointe leur responsabilité, et ça ils n'aiment pas. Alors ils font la sourde
oreille (à moins que ce ne soit de l'aveuglement). Ils se contentent donc de
l'action au sens le plus superficiel du terme : soigner le symptôme :
le renseignement, la police, la répression, la prison, la guerre contre Daesh
au loin, les traques, arrestations et au besoin abattages d'auteurs
d'attentats, ici. Ce n'est pas à exclure, comme dit plus haut : il faut bien
dégager le terrain.
Mais ce n'est pas la fin, c'est le début du boulot.
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