Pari perdu
Blaise Pascal, mort d'une morsure d'ornithorynque
philanthrope, errait lamentablement entre la semelle et l'enclume. L'enfer peut
attendre, se disait-il, péteux, transi comme un agneau. Suspendu entre l'aube
et les limbes, il ne cessait d'adresser sa supplique aux anges qui passaient,
silencieux, sinistres vautours : vols blancs dans le silence gris. Autour,
néant gris, vide gris sans forme, plan astral sans cadastre, absence absurde
absorbant la vue sans même un mystère. (Pourtant, quelque part, ça grouille.)
Ni ciel ni terre ni souterrain, ni détestable espace interstellaire, ni chute, ni
escalade, ni symétrie bilatérale.
Il est difficile d'être, en ce lieu, d'avoir plus qu'une existence administrative. La
vue ? Lieu pâle, opalin, brume balbutiante. Le son ? Faux, opacifié –
du coton dans les ouïes. Le toucher ? Pas même une résistance de l'air. Pas
même un Deus Absconditus…
Pourtant, dans ce rien, il y avait un fait
extraordinaire : il n'avait mal
nulle part.
Ce n'est qu'en prenant conscience de ce fait qu'il
sut qu'il était mort.
Alors tout éclata.
Jeu de cubes multicolores en plastique, kaléidoscope
kinesthésique, papillons queue de paon par millions, chaos de chambre d'enfant,
tintamarre de couleurs bollywoodiennes… il cahotait au sein d'un arc-en-ciel – coma
halluciné sous les vertèbres des réverbères.
Perdu pour
perdu, il reprit une assiette de purée.
•••
Ayant vendu
son âme au diable
Il ne pouvait
la rendre aux cieux
Il ne put que
se rendre odieux
Tirer les
anges par la queue
•••
Tiens, si j'en profitais pour déblatérer sur Blaise
Pascal (à peine) plus sérieusement ?
• Pascal (Blaise) (1623-1662).
> Pascal était-il con ? Par exemple, il a sorti
ça, face aux critiques des dogmes : « Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? Une poule
ne fait-elle pas des œufs sans
coq ? »
Et puis son fameux pari (stupide). Selon lui, si vous pariez
sur l'existence de Dieu et la vie après la mort, paradis et enfer inclus, et
que vous vous conduisez selon sa morale, soit il existe et vous gagnez tout :
l'éternité au paradis ; soit il n'existe pas et vous ne perdez rien, que
votre vie terrestre que de toute façon vous perdrez. Si vous pariez sur son
inexistence et rien après la mort et que vous vivez dans le péché, soit il
existe et vous "gagnez" l'éternité en enfer, soit il n'existe pas et
vous ne perdez rien, que votre vie terrestre que de toute façon vous perdrez.
« Il est indubitable que, que l'âme soit mortelle ou immortelle,
cela doit mettre une différence entière dans la morale ; et cependant
les philosophes ont conduit la morale indépendamment de cela. »
"Indubitable" ???
Et donc selon lui, il est
évident qu'il faut parier sur Dieu et tout ce qui va avec. C'est con. Et
pervers. Pour se lancer dans un tel pari, 1) il faut déjà a priori supposer possible
l'existence de Dieu, le paradis, l'enfer… 2) dire qu'on ne perdrait rien est
faux : on gâcherait sa vie en austérité, prière, culpabilité rongeante, peur,
angoisse métaphysique, usure des genoux, etc. Partant du principe que la vie
terrestre, on n'en a qu'une et que "un tiens vaut mieux que deux tu
l'auras", le pari est vite fait contre la croyance, contre Pascal. Simple "bon sens".
— Le "bon sens", citer des proverbes comme un
quelconque Sancho Pança, c'est un peu bébête, non ?
> Pascal, par ailleurs mathématicien de génie,
était-il fou ? Il y aurait lieu en tout cas de se lancer dans une
psychanalyse du dit Blaise Pascal. (Cf. Livre des Bizarres : génie précoce,
mais hanté par une terreur de l'eau, sentant constamment un gouffre auprès de
lui et ne supportant pas de voir ses parents proches l'un de l'autre, il
souffre de douleurs quotidiennes, subit vers vingt ans une attaque de paralysie
du bas du corps – est-ce pourquoi il inventa la brouette ? –, ensuite
visions, étourdissements, convulsions… Ça explique peut-être son fameux
pari : quand on mène une vie de douleur, on n'a rien à perdre… Et la
sexualité, comment ça va, mon Pascalou ? Il meurt à trente-neuf ans.)
> Georges Brassens : Le Mécréant, 1960.
Mon
voisin du dessus, un certain Blaise pascal,
M'a
gentiment donné ce conseil amical :
Mettez-vous
à genoux, priez et implorez,
Faites semblant de croire et bientôt vous croirez.
… Principe que Pascal avait piqué à saint Augustin
qui disait que « si on force les hérétiques à croire ou à affecter de
croire, ils finiront, avec le temps, par s'habituer et par croire
sincèrement. »
(extrait de mon dictionnaire théophobe personnel)
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