L'ouverture
des portes est programmée pour 6 heures.
Il faut ramasser les choux-fleurs avant qu'ils ne se
mettent à courir précocement. Mais ils ne se laissent pas facilement approcher.
Le chat que tu as mis dehors gémit. Sa voix d'enfant
mort-né acidifie l'espace neigeux. Il faut le rentrer, lui donner du lait
d'abeille. Tu sors pourtant – dans la ruée du ciel. Il pleut comme un rapace,
ta robe oxydée va être toute taggée et tu ne trouves pas de tapis. Tu regardes
le ciel avide, mais il a déteint au lavage et les avions font des trous
dans l'air : on voit toutes les coutures.
Demi-tour. Est-ce qu'il reste du café ?
•••
Basket
Tel un Indien amer sortant de sa réserve naturelle,
il s'attaqua à mes baskets à coups de chauvesouris. Les coups pleuvaient comme
vache qui rit et mes lacets, lassés, prirent la tangente. Mes semelles
battaient le pavé avec rudesse. Je décidai alors de me faire pousser une
moustache et d'émigrer en Australie où sont les kangourous et les
eucalyptus de l'apocalypse.
•••
Que c'est
triste les pays de lest.
La guerre froide a fini sur la chaise électrique. Le
Danube n'est ni bleu ni beau. Dans ses profondeurs femelles, des monstres
marins forment un cauchemar grotesque où se marient carpes et lapons. Les
zombies de Tchernobyl et leurs chiens sans poils ont depuis longtemps perdu
leurs eaux et de gros poissons fugitifs dansent au bal du jugement dernier.
Le désert est sanglant, la lumière est morbide. Sur
ces territoires intermittents, le vent parcourt les steppes sans changement
(l'espace les boit). Les landes sceptiques peuplées d'anacoluthes invertébrés
sentent l'épicéa. Le ciel est gris comme un rat.
Sous l'étoile Absinthe, des architectures
vindicatives se moquent du coucher de soleil. L'oxygène manque. La gloire
passée a détraqué les balcons sans coup férir. Des somnambules marchent pieds
nus au bord de l'asphyxie sous influence d'art contemporain. Des moteurs mal
consciencieux râlent au pied des murs. Un chien-robot ronge un os d'acier.
Derrière les barreaux des prisons, on regarde une
effeuilleuse aux seins verts qui danse sur une musique opératique d'une laideur
révoltante. Un bandeau néon enserre son front, empêchant ses cheveux de tourner
en boucle. Ses dents sont déboisées. Ses longs bas luisent. Une clarinette
ennuyeuse l'accompagne, et sa langue alanguie flirte avec les guitares. (C'est
bien trop sentimental.)
Un instant, ses seins poussent en fleurs,
printaniers, s'épanouissent en été, fruits juteux. Puis tombent à l'automne. Ne
reste que l'hiver squelette.
Shut up,
sugar !
Allez vous-en, il n'y a personne à tuer, ici : nous sommes tous atteints
de la maladie du bonheur.
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