JOURNAL INTIME APOCRYPHE DE LOLA LOKIDOR ET RUFUS
TUCRU (suite suite suite)
•••
UNE SCÈNE À L'HÔPITAL
Tucru : — Entrez
Rufus : — Mais j'y suis déjà.
Tucru : — Bon, alors sortez et frappez et
attendez que je vous ouvre.
Rufus : — OK. (Il sort.)
Il frappe. Toc-toc !
Tucru : — Entrez (sur un ton vague qui laisse
un doute).
Rufus : — C'est que… vous avez dit que
vous m'ouvririez. Je ne sais pas si je peux entrer en ouvrant la porte
moi-même.
Tucru : — Non, vous ne pouvez pas, en effet.
Il y a un verrou. Moi-même, je suis attaché à la chaise, les mains menottées.
Je ne peux pas vous ouvrir. Enfoncez la porte. C'est une question de vie ou de
mort.
Rufus : — Du moment que c'est vous qui…
Pourtant, tout à l'heure, j'étais dedans… Et vous m'avez dit de ressortir.
Tucru : — Effectivement vous êtes ressorti.
Pendant ce temps, j'ai mis le verrou, je me suis attaché et menotté. Enfoncez
la porte.
Rufus prend son élan et enfonce la porte d'un
violent coup de pied. La porte gicle et frappe Tucru en pleine face. Son
nez pisse le sang.
Rufus : — Désolé, Monsieur. Euh…
Monsieur…?
Tucru : — Pas de nom, espèce de fou, on nous
écoute !
La conversation aurait pu en rester là, morne, mais Rufus
reprend : — Ce qu'il nous faudrait, c'est un bon orage, là maintenant.
Tucru : — Non. Ce qu'il nous faudrait c'est un
troisième interlocuteur. Une femme de préférence.
Rufus : — Lola ?
Tucru : — Oui, mais si on a Lola, on aura
aussi Lokidor, c'est embêtant.
Rufus : — L'eau qui dort… Il faut s'en méfier, parait-il.
Lola Lokidor déboule dans la pièce. Elle est vêtue d'une
blouse blanche, comme une sainte, bien qu'il n'existe pas de sainte rouquine.
Elle pointe un pistolet, on ne sait pas encore sur lequel des deux.
Lola : — Et vous croyez que de ce Tucru il ne
faut pas se méfier, vous ?!
Tucru : — Je vous l'avais dit. (À Lola :)
Lola Lokidor, pourquoi êtes vous habillée ?
Rufus : — C'est ce que je lui dis toujours.
Mais vous, Tucru, pourquoi ne l'êtes-vous pas, habillé ? (En effet, Tucru
est toujours attaché à sa chaise, les mains menottées et pisse toujours le sang
du nez, mais on découvre alors qu'en plus il est à poil. Est-ce choquant ?
En réalité, tout le monde est nu, sous ses vêtements. — Même le pape ? —
Même le pape.) En plus, il bande, transpercé par la beauté. Car Lola Lokidor,
même habillée, est un poignard hors du fourreau, une épine de cactus, un
lance-flamme, une dent de dragon, un narval. Elle presse la détente de son
pistolet. Pour éviter la balle fatale, Tucru se jette par la fenêtre, chaise et
menottes comprises. Dehors, il s'écrase au sol comme une merde, creusant sa
propre tombe par son impact. La porte arrachée le suit, lancée par Rufus. Elle fera une parfaite pierre tombale :
elle est en marbre. (Faux, bien sûr, on est au théâtre.)
Lola, échevelée :
— Bon débarras. Elle remballe son arme, jette sa blouse et s'offre à Rufus, nue
comme le pape. (C'est seulement alors qu'il découvrit que les yeux de Lola
étaient pers.)
•••
Dans le
courant de la nuit, Rufus quittera la clinique par un tunnel connu de lui seul
et récupèrera (par dessous) le cadavre aplati de Tucru, menotte comprises,
c'est plus sûr. Il se retrouvera donc entier – bipolaire toujours mais
entier – sans que personne s'aperçoive de rien.
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