Lola Lokidor venait juste
de quitter Rufus Tucru après une brève séance de gymnastique lunaire. (La
gymnastique lunaire, c'est comme la terrestre mais avec un tiers de la pesanteur.
Il y a intérêt à avoir un plafond capitonné.) La séance s'était mal
terminée : Lola voulait bien faire des pompes, mais elle avait les bras
trop courts.
— Ya quelque chose qui
gène, se justifiait-elle. Bicoze aye ame
eu geurl.
— Va te faire empailler, rétorqua Rufus, cru comme un
rorqual.
Pourtant, arrivée dans la
rue, elle sentit que Rufus la suivait, encore en sueur malgré la température
antarctique. (Rufus Tucru avait un tic : il cherchait toujours, où qu'il soit,
le distributeur de café.)
— Qui est l'asthmatique dans la Cadillac ?
demanda Lola.
Déconcerté,
ou plutôt décontenancé, Rufus Tucru s'approcha en crabe. Une femme noire
ébouriffée tenait le volant comme une assiette truquée. C'était Lola qui, par
un mirobolant Subterfuge (avec Majuscule) s'était clonée, encore rousse (ce qui
est un euphémisme) mais noire de peau.
— Je m'appelle Vénus Stromboli, déclara-t-elle
d'emblée.
< Encore un nom pour stripteaseuse >,
pensa Rufus. C'était en effet sur son buste que son tempérament volcanique
s'affichait avec le plus d'évidence.
— Qu'est-ce que je vais
bien pouvoir faire de toi ? demanda-t-il avec une tête d'enterrement
d'avance.
— Ces fariboles me turlupinent, ajouta-t-il avec
une tête de cucurbitacée neurasthénique.
Lola (ou Vénus) démarra comme une bombe et disparut à
l'horizontale.
Rufus, hagard, se retrouva entouré d'une bande de
pickpockets. Ses poches se vidaient sous ses yeux. Il lui restait une poignée
de mains. Il les échangea contre une paire de pieds. C'était moins drôle mais
il en avait davantage besoin car c'était l'heure de la fuite. Il profita quand
même du fait qu'il avait deux mains pour
leur en flanquer une dans la figure (à chacun).
Il rentra chez lui épuisé. Aurait-il seulement la
force de s'endormir ? Et de rêver, peut-être…? Il resta fixe un long
moment, au milieu des meubles transformés en fantômes sous leurs housses de Noël.
Regardant ses pieds, < il faut que j'empeigne mes chaussures >, pensa-t-il,
versatile. < Tiens, je me ferais bien une petite vaisselle, moi, comme ça,
pour le plaisir >, pensa-t-il ensuite aparté.
Quand ce fut fait, il s'étendit sur son tapis
persan entouré d'une rangée de tessons
de bouteilles.
Il relut L'Éloge de la fuite puisque c'était l'heure,
alla faire pipi, puis tenta d'écouter L'Art de la fugue, mais décidément il
n'aimait pas Bach. Il s'endormit, comme il l'avait souhaité.
Rufus Tucru rêve :
< L'esprit de Noël erre inlassablement. Il est à
la recherche d'une proie. Il a l'aspect d'une petite flamme lévitant comme un
mini-drone. Il jette son dévolu sur un gros bonhomme habillé en rouge nommé Joseph.
Il se pose sur sa barbe – qui s'enflamme instantanément. « Ho…
Hooo… », fait le gros homme en mourant.
L'esprit de Noël s'écarte et, se retournant, repère
une jeune fille en costume de Marie, très jeune, 14 ans, peut-être. Il se
glisse sous sa robe de mariée orientale, remonte le long de sa cuisse et…
— Mais !… Arrêtez ça tout de suite, intervient
l'éditeur. C'est obscène. Vous n'avez pas honte de salir ainsi la magie de Noël ?!
— Appelez-moi Léon, réplique l'esprit de
contradiction. Il s'éloigne, se met à la recherche de la féérie de Noël. Quand
il l'a trouvée, il lui offre une poêle qui n'attache pas. (C'est pourtant pas
la fête des mères.) >
(Note de
l'auteur : J'aurais bien aimé écrire un joli conte de Noël "tout
public", quand même… Mais je ne sais pas pourquoi, faut toujours que ça se
barre en couille…)
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