LO N° 462 (30 OCT 11)
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QUELQUES RÉFLEXIONS, UN PEU EN VRAC, SUR LA COMMUNICATION DE MASSE DANS SES AVATARS ACTUELS TELS QUE LE TÉLÉPHONE PORTABLE, FACEBOOK OU TWITTER.
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Téléphone portab' : ça se confirme, c'est pas bon pour les enfants très sensibles à la tumeur cérébrale.
Jetez.
La société de croissance suppose l'obsolescence programmée (le prêt-à-jeter). D'où les tas d'ordures ingérables (Limeil-Brévannes).
La croissance n'a été que de 1,5% en 2010, au lieu des 3% "prévus" (par qui ?) C'est la faute aux grèves. Et aux gens qui n'ont pas assez jeté de téléphones portab's. Mais l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité vont arranger ça. Le pain, pareil : l'augmentation du prix de choses indispensables entraîne mécaniquement de la "croissance"… enfin, du PIB. (Les accidents de la route aussi.)
Avec le téléphone portab' (dit aussi "mobile", ou "cellulaire"…) disparaissent de jolies expressions comme "passer un coup de fil". Dit-on "passer un coup de sans-fil" ou "un coup de portab' ?
Il y a une différence de taille entre passer un coup de fil à UNE personne déjà connue et envoyer un SMS, un tweet, un courriel à, simultanément, 50 (ou 5 000) personnes, connues et/ou inconnues. Des "amis Facebook" par exemple (disons "des contacts"). Différence de nombre, de taille, de durée.
Nombre : le téléphone abolit la distance entre DEUX personnes.
Taille (contenu) et durée : le téléphone permet des conversations (dialogues) longues (si on a les moyens).
Les communications Internet (il va bien falloir trouver un terme général pour ces Communications Instantanées en Nombre (= CIN ?… e-com ?…) abolissent la distance, ce n'est donc pas nouveau. Par contre, ce qui s'abolit, là, serait aussi peut-être le dialogue personnel, d'individu à individu, c'est-à-dire la communication interpersonnelle, à deux : le dialogue… (et s'abolirait finalement l'individu ?). Le temps n'est pas aboli, mais se gère différemment : ces CIN supposent la brièveté (les 140 signes d'un message twiter…) On ne bavarde pas longuement à 5 000 comme on peut le faire à deux. Moins d'intimité, donc. Est-ce à dire que cette Communication Interindividuelle de Masse (=CIIM) ne peut être que brève et superficielle…? "Légère"…? (Voire chaotique : il y a de la chaommunication). Ou carrément dégradée, dégénérée…?
Abolition, souvent, de l'orthographe (on quitte l'écrit pour un domaine quelque part entre le parlé et l'écrit). Limitation du vocabulaire, du contenu…. Moins de quantité en contenu = moins de qualité ? Peut-être… Mais un contenu apporté à plus de gens à la fois, qui, eux-mêmes peuvent répondre en petite quantité de contenu adressé à un grand nombre instantanément ("en temps réel", comme on aime bien dire maintenant, expression qui mériterait toute une analyse…). Chacun en dit PEU, mais à BEAUCOUP de gens à la fois, en PEU de temps. Par rapport aux communications précédentes, chacun en dit MOINS, mais à PLUS de gens à la fois, et en moins de temps.
DEUX personnes en DIA-logue (dia = deux) en direct ou par téléphone, instaurent une réalité commune, un champ sémantique partagé, un "lieu" de communication où ils s'incluent. Un petit lieu… une bulle à deux places. De même 500 personnes en polylogue par e-com créent un "lieu" de communication, mais beaucoup plus vaste : un "champ" de communication collectif. La nouveauté essentielle est là : le NOMBRE.
D'où le terme de "réseaux sociaux".
La question est de savoir si ce grand nombre induit obligatoirement un contenu pauvre.
La culture de masse habituelle (livres, films, télévision) fonctionnait à sens unique : émetteur > récepteur(s). (Quand on envoie un message collectif, on dit "vous", c'est un peu étrange, dans la mesure ou chacun des lecteurs est seul et lit un message comme s'adressant à lui personnellement. Certains, partant de cette constatation écrivent des messages collectifs en disant "tu". C'est troublant, pour le récepteur : s'adresse-t-il vraiment à moi-personnellement ? Tutoie-t-il tout le monde à la fois ? Est-ce une sorte de démagogie ? Imagine-t-on un homme politique qui ferait un discours public en disant "tu", pour s'adresser à chacun personnellement ?) Je corrige quand même cette idée un peu simplette de sens unique émetteur>récepteur : avec le temps il y a feed-back : votes par téléphone, courrier des lecteurs, accession aux commandes de la télévision par des gens qui ont été élevés par la télévision ("les enfants de la télé"), mimétisme réciproque, circuits…
La pratique des com's de masse type réseaux sociaux ne se prête sans doute pas à la philosophie ou à la réflexion profonde, celle qu'on pratique seul ou en petit comité (élitiste ?). Elle favorise plutôt l'action de masse : je ne donne pas à lire une réflexion intellectuelle à quelques familiers, j'envoie un slogan à des millions. Ce qui entraîne en retour des réactions plutôt que de la réflexion. (Face à un fait quelconque, les journalistes demandent aux politiques, entre deux portes : « Quelle est votre réaction ? » Mais on voudrait bien plutôt de leur part de la réflexion et des actions, plutôt que des réactions (épidermiques, viscérales, immédiates, et souvent, par définition, réactionnaires : le singe n'a que des réactions ; de l'homme on attend de la réflexion, c'est toute la différence.)
On envoie un slogan, donc, ou une injonction pratique : « Rendez-vous tel jour telle heure tel lieu » – pour un apéro géant ou pour une révolution…? Pour boire un coup en écoutant du rock ou pour renverser un gouvernement…?
Contenu pauvre, communication de masse, slogans, réactions superficielles, brièveté… On dirait que je rejette en bloc. Mais non, je ne fais pas de nostalgie, de "c'était mieux avant"… le téléphone, je déteste. J'essaye juste de (me) poser des questions. On ne sait pas très bien ce qui est en cours avec ça… ce phénomène. On n'a pas de nom, on n'évalue pas les conséquences, mais c'est bien ça qu'il se passe.
(L'inventeur de Facebook ne se doutait pas que son truc deviendrait l'instrument des révoltes arabes de 2011.)
(Et les "puissants", face à cela, sont impuissants. et sortent les mitrailleuses.)
Il s'agit de mondialisation, bien sûr.
Michel Serres : « Le monde, connecté comme nos réseaux, se mondialisa dès sa fondation ; nous mimons ce processus. » Si on pousse plus loin cette idée, on doit se dire que le monde (vivant et plus, la biogée) a toujours été "mondialisé", toujours en réseau et réseaux de réseaux, interactions d'interactions… (C'est la définition de l'écologie en tant que science.) Les hommes, détachés de la nature, dénaturés, déconnectés, démondialisés, sont-ils en train de se renaturer en se remondialisant…? Peut-être est-ce une manière de voir les choses. À part que le réseau connecté mondialisé humain est humain, trop humain et reste détaché de l'ensemble naturel, végétal, animal, climatique… et même exploite et perturbe cet ensemble naturel.
Peut-on parler d'"intelligence collective", comme celle des bancs de poissons ou des vols d'étourneaux qui fonctionnent par masse sur des principes d'interactions simultanées que nous avons du mal à comprendre. L'image d'un troupeau de moutons qui suit un leader (fuhrer, chef, conducator…) on la connaissait bien… mais c'est autre chose, là, maintenant : tous et chacun suivant tous et chacun, tous se guidant et se suivant les uns les autres.
Un trajet très fréquenté s'aplanit, se débroussaille, devient donc de plus en plus aisé. Mais si tout le monde passe exactement au même endroit, ça devient une ornière (habitude ancrée, tradition bien établie, mot d'ordre indiscuté…)
Bon, euh… y a pas de conclusion, je vous ai prévenu que c'étaient des réflexions en vrac.
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