LO N° 485 (26 septembre
2012)
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Procès durs
— Des procès avec de beaux
titres de romans XIXème : Les
Reclus de Montflanquins, Les Irradiés d'Epinal.
— Les Explosés de Toulouse… Les
Enfioulés du Finistère… L'Imposteur aux mille vies… Agnès et Agnelet… Les
Amiantés d'Eternit… Les Intoxiqués
d'Abidjan… L'Innocence des musulmans…
— … Le Massacreur d'Utoeya.
— Et La Tuerie de Chevaline… une véritable boucherie.
— Quand on tue tout le monde, c'est une
holotuerie ?
— N'empêche que la condamnation d'Anders
Breivik, c'est très emmerdant.
Le cas Anders Behring Breivik repose le problème
de "coupable ou malade mental ?", et de "qu'est-ce qu'un
fou ?" L'homme s'exprime rationnellement : par exemple il ne reconnaît pas ce tribunal parce
que celui-ci fait partie d'une société (un gouvernement, une politique) qui
admet ou prône le multiculturalisme. Il est dans sa logique. (De même un viandard n'admettra pas d'être
jugé par un tribunal de végétariens.) Mais est-ce de la raison ou de la rationalisation (ou bêtise autojustificatrice) ?
Il reconnaît les faits, il se veut
responsable de ses actes, il assume, comme on dit. « Oui j'ai bien tué ces
77 personnes, je l'ai fait volontairement, mais je ne me reconnais pas coupable : c'est de la légitime défense. J'ai eu
raison de le faire. » Ce qui serait irrationnel de sa part, c'est de se
reconnaître coupable (= en tort).
Par ailleurs, il ne bave pas, ne hurle pas,
il n'a pas un petit ressort au dessus de la tête comme dans Tintin, il est
calme et froid, il n'a pas un comportement de ouf. C'est que, quand on pense et
imagine le fou, on imagine toujours le "fou furieux", bavant, roulant
des yeux et délirant à jet continu. Crise, spectacle…
D'un côté, les Norvégiens préféraient qu'il
soit considéré sain d'esprit, responsable de ses actes, afin que le procès
puisse aboutir à une condamnation, qu'il soit puni comme criminel coupable et
non enfermé comme fou irresponsable, c'est-à-dire "non coupable".
D'un autre côté, lui-même revendiquait tellement la rationalité de ses actes,
il craignait tellement de passer pour fou, que ça aurait été bien pire punition pour lui d'être enfermé (et soigné) jusqu'à
la fin de ses jours dans un hôpital psychiatrique. (Mais la condamnation, dans
un cas comme dans l'autre, doit-elle être une punition ?)
Mais le déclarer "responsable de ses
actes", n'est-ce pas considérer que faire ce qu'il a fait est (quelque
part) rationnel ?… Donc
"défendable"… Presque "normal"…?
Moi, ça m'embête…
Ben Laden s'exprimait avec douceur. Mohamed
Merah avait tout d'un gentil garçon, même
pas barbu…
— Faisons revenir nos soldats d'Afghanistan,
on les tuera ici.
Et que dire de Ratko Mladi¢ ?
Un islamiste qui s'attaque à la hache au
caricaturiste danois Kurt Westergaard n'est-il
pas tout aussi fou que
Breivik ? Les foules qui hurlaient et mettaient le feu aux ambassades
danoises n'étaient-elles pas tout aussi folles ? Mais le caricaturiste, lui, n'est pas fou (jusqu'à
plus ample informé). (Sur les auteurs du film "L'Innocence des
musulmans", je ne me prononcerai pas. Très cons, sûrement.)
Et donc la question redevient "qu'est-ce
que la folie ?" On (= nous, quidams, simples mortels) a tendance à
opposer raison et folie, mais nous confondons raisonnable et rationnel.
« La raison est ce qui effraye le
plus, chez un fou. »
(Anatole France)
En réalité la folie s'empare de la raison,
puise ses forces dans la rationalité et produit à jet continu de la
rationalisation – qui peut justifier tout et n'importe quoi. Un vrai beau délire est fondé sur un
raisonnement, un discours d'une logique trop rigoureuse qui s'est mis en boucle,
en cercle vicieux ; il devient impossible d'en sortir, c'est ça la folie.
Ce qui l'évite, ce sont des traits irrationnels : l'humour, l'empathie, la capacité à sortir
de soi-même, à adopter un point de vue extérieur…
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Palmarès de la bêtise mortelle
« L'utérus, scientifiquement parlant,
n'est purifié qu'au bout de 130 jours d'abstinence sexuelle, sinon la femme
risque d'avoir un cancer du col de l'utérus. C'est pourquoi la polygamie peut
la protéger contre cette maladie puisque l'époux peut lui accorder un
"congé" en allant vers les autres épouses. Il s'agit là de vérités
scientifiques. » (Adel
Atmi, salafiste tunisien) (d'ap CH-H 1057. Sept 12)
"Vérités scientifiques" sans doutes
sorties du catéchisme coranique.
Todd Akin, un élu républicain
du Missouri candidat au Sénat, interviewé
sur sa position contre l’avortement, y compris en cas de viol, a affirmé récemment que lorsqu'une femme est victime
d'un "véritable viol" (sic), elle tombe
rarement enceinte, et ce grâce à des réactions biologiques naturelles de défense.
« De ce que j'entends de la bouche des docteurs, la
grossesse après un viol est très rare. S'il s'agit d'un véritable viol, le
corps de la femme essaie par tous les moyens de bloquer tout ça. » Et de conclure, l’air grave : « Je
pense qu’il doit y avoir une punition, mais que la punition doit toucher le
violeur, non l’enfant. »
Autres "vérités
scientifiques" sans doute issues d'un catéchisme chrétien.
Quant à la "punition"… Un avortement, ça punit l'embryon ?!
— Quand un enfant mort naît, ce
n'est pas la même chose que quand un enfant né mord.
L'Association américaine des obstétriciens
et gynécologues (ACOG) a pour sa part réagi dans un communiqué : « Ces
affirmations sont médicalement fausses, choquantes et dangereuses. Chaque année
aux Etats-Unis, entre 10.000 et 15.000 avortements suivent une grossesse après
un viol ou un inceste et un nombre inconnu de grossesses sont menées à leur
terme. [Suggérer qu'une femme violée contrôle sa fertilité] va à
l'encontre des vérités biologiques de base. » L'ennui, c'est que ce Monsieur Akin,
par ailleurs membre de la commission des sciences (!) de la Chambre des représentants,
croit à ce qu'il dit et que beaucoup de conservateurs le croient.
— Tu sais… la science… Quand on
voit que un Français sur quatre
croit encore que le soleil tourne autour de la Terre…
— Et si Jésus avait été aussi
sage qu'on le dit, il aurait été athée…
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Laïciathée
Affirmer la laïcité sans affirmer l'athéisme,
c'est du bidon. C'est incohérent philosophiquement et c'est vain politiquement.
Une sorte de tolérance molle, de laxisme, de lâcheté. Pour un croyant, dans sa logique
obnubilée par sa foi, la loi divine sera toujours forcément au dessus de n'importe
quelle loi humaine, républicaine ou autre. (Et là, je parle aussi bien de
Breivik que des autres personnages cités plus haut, islamistes ou christianistes…)
Même les lois de la nature, pesanteur ou théorème d'archimède, peuvent être
bafouées par Dieu (c'est le principe des miracles), c'est dire ! Alors
qu'est-ce qu'il en a à foutre, le croyant, le fidèle, le soumis à sa foi, d'un arrêté municipal qui interdit la burqa
dans l'espace public ou la circoncision (dans l'espace privé de la culotte du
zouave), ou d'une loi qui autorise la contraception et l'avortement, alors que
Dieu a dit « Croissez, multipliez », qu'est-ce qu'il en a à foutre de la
liberté d'expression, du droit à la caricature, du droit au blasphème ?
Dieu est son droit, Dieu est LE Droit.
Alors pas le choix ! Il faut affirmer
fortement « Pour l'Etat, pour la République, il n'est pas de Dieu »
et combattre toutes les croyances religieuses comme n'importe quelle secte
manipulatrice. (Je ne parle pas de tuer les gens, hein !)
Comme disait Toulouse-la-Rose dans Barricade
N°4, évoquant une éventuelle 6ème république : « Cette
nouvelle constitution […] pour affermir la neutralité de la laïcité, […] n'aura
pas d'autre choix que celui de se proclamer athée. » (Mais lisez tout l'article, je ne vais pas
vous le recopier…)
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Signes ostentatoires
attentatoires
A chaque religion son signe
vestimentaire. Les musulmans ont le voile et la djellaba, les juifs la kippa,
Christine Boutin la cornette de bonne sœur, les bouddhistes la robe safran, les
animistes des plumes dans le cul…
Et les athées ?
Pas le choix : tous à poil !
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Pourquoi un croyant tue-t-il un athée ?
— L'athée s'en fout que tu sois croyant, il
ne te fait aucune concurrence, en fait.
— Mais si ! l'athée est l'ennemi suprême
du croyant. Parce qu'il effondre les bases mêmes de son monde, de sa vision du
monde, sa weltanshauung,
comme on dit en philo, sa conception de l'être, son paradigme fondateur. L'athée,
par sa seule présence, coupe les fils qui, du ciel, tiennent le croyant debout,
comme une marionnette suspendue à un ballon d'hélium. L'athée, lui, tient
debout les pieds sur terre – sur La Terre, même : pas seulement le
sol, mais la planète. Le non-croyant n'obéit qu'à la loi essentielle : la
loi de la pesanteur (la seule loi essentielle, peut-être, arkhê de l'univers). L'athée admet, accepte, reconnaît
la loi de la pesanteur. Il lui est même reconnaissant, elle qui lui plaque les
pieds au sol et le fait tenir debout. L'athée ne prend pas l'avion. (C'est une
métaphore… encore que…)
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Paru dans Zélium N° 11
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