(Et, en passant, interdiction totale de la
question "pourquoi je vis ?" !!!)
La question
philosophique de "ce que je suis" ou "c'est quoi, moi ?"
est une mauvaise question. "Ce que" ou "quoi" supposent une
chose, une substance. Se demander plutôt "comment je suis ?"
ou "que suis-je en train de ?" ou "comment deviens-je ?",
ou "quel acte suis-je ?", c'est-à-dire des formule qui,
maladroitement, je le reconnais, tentent de désigner de l'exister (verbe
actif) plutôt que de l'être (verbe sinon passif, du moins statique, état
plutôt que acte), évoquer de l'activité plutôt que de l'essence, de l'acte
plutôt que de la substance. (Bergson, par
exemple, bien après Spinoza et bien avant moi, rejette la substance (le moi en tant que substance)
au bénéfice du devenir. Le devenir
dissout l'Être et l'Absolu.)
Il n'y a pas de
"moi", donc, de chose-moi, de substance, mais un processus durant ("en
train de–") qu'on appelle "moi" pour des raisons pratiques. L'existence
est un processus qui dure et qui fait.
Le Moi-Sujet. Grammaire : le sujet dans une phrase est ce
qui fait, ce qui anime le verbe. La
source du faire. Je suis ne veut pas dire grand chose. On se trompe dès
qu'on veut être, dès qu'on veut que le sujet soit sujet du verbe être,
dès qu'on parle de l'être (ou pire : de l'Être). Sur être il
n'y a rien à dire. Tout est. N'importe quoi est. C'est la moindre
des choses. Pure évidence, pure tautologie. Qu'est-ce qu'une chose (au sens le
plus large, caillou comme théorie) pourrait bien faire d'autre que "être",
à la base ? Si quoi que ce soit n'est pas, il n'existe pas = rien à
en dire. On ne pourrait même pas l'évoquer, l'imaginer. Le néant, ça n'existe
pas. Que pourrait-on bien dire de rien ? La question ne se pose même pas.
Sur le non-être, aucun mot, aucune pensée, par définition. Sartre a perdu son
temps avec son "L'Être et le néant" écrit sous amphètes, et nous fait
perdre le nôtre. Quant à "l'existence précède l'essence", faux
problème, même si c'est déjà une amélioration par rapport à une pensée
traditionnelle qui nous suppose une essence idéelle, une âme immortelle,
planant quelque part dans les cieux de la création divine et s'incarnant un
beau jour dans l'existence physique.
— Pourtant, ce que
tu racontes, c'est un peu de l'Existentialisme sartrien, non ? On peut le citer :
« Il n'y a de réalité que dans l'action… […] L'homme n'est rien d'autre
que son projet, il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc
rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie. »
— Oui mais non.
Simplement, je me passe de la formule "l'existence précède
l'essence", parce que je me passe de l'essence, qu'on la situe avant ou
après. Il n'y a QUE l'existence. Il n'est rien qu'on puisse définir comme essence
ou être. (Et encore moins avec des majuscules.) Sinon, il faudrait dire
que l'essence (sartrienne, provoquée par l'existence) ne serait que le résultat
de toute vie en sa fin : le cadavre et les œuvres.
— C'est
pessimiste, voire nihiliste.
— Au
contraire ! C'est optimiste, mais avec énergie. Sartre parle de dureté optimiste. Une sorte de
volontarisme kantien.
(Tiens ! Un
souvenir de jeunesse. Oral du bac philo. L'examinateur me donne un sujet sur Kant.
Je bute un peu et je lui explique qu'avec notre prof, Monsieur Pépin, on a
particulièrement préparé l'Existentialisme. Et là il me fait un exposé de vingt
minutes pour me montrer le lien entre Kant et Sartre. Après, il se met une
bonne note.)
L'Existentialisme
de Sartre ne nous laisse rien passer, il nous impose un MOI autonome, conscient, il nous force à la liberté
active et, partant, à la responsabilité, à l'engagement dans les œuvres. On ne
peut plus se permettre de mauvaise foi, prétexter qu'on a hérité d'un
tempérament faiblard, d'un ADN pourri, de parents castrateurs, de mauvais profs
ou de "pas de chance" – ou qu'on n'a pas fini sa psychanalyse. On ne
nait pas héros ou salaud, mais on a tous les moyens, parait-il, de devenir l'un
ou l'autre, et bien d'autres destins encore. « Il n'y a pas de doctrine
plus optimiste, puisque le destin de l'homme est en lui-même. » C'est
bien pour ça que "L'Existentialisme est un humanisme"… Comment
pourrait-on accorder plus de dignité à l'homme, dit Sartre (à UN homme, dirai-je)
qu'en lui disant : « Tu es responsable de ta vie ! »
Cela dit, je vais
le discuter, le Sartre et son Existentialisme…
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