L'humiliation du Chrétien,
c'est d'avoir été créé, c'est-à-dire
d'être un jouet, une marionnette – cf Job.) Mais l'orgueil compensateur, c'est
d'avoir été créé "à l'image de
Dieu", donc différent de
tout le reste de la "création" et supérieur à tout le reste, ce n'est pas rien !
L'homme existentialiste, sujet de lui-même, refuse l'idée
d'avoir été créé (il a raison, c'est idiot), mais il refuse en plus d'avoir une
histoire (darwinienne, génétique, culturelle) et finalement d'être inclus dans
le flux des causes et des effets : le déterminisme. Admettre le
déterminisme ferait de lui un objet, à nouveau, il serait agi par le monde, les
causes passées, il ne serait qu'un phénomène soumis aux phénomènes, une
marionnette, là encore, dans les mains d'un destin implacable qu'on ne peut
même pas prier (ni crucifier histoire de se défouler). Là encore, on subirait
l'humiliation métaphysique, la blessure narcissique.
L'orgueil prométhéen de
l'existentialiste c'est de se prétendre né de lui-même, autogéniteur tout au
long de sa vie… et, tout autant que le chrétien, différent du reste du monde et
supérieur au reste du monde puisque lui seul est libre, de cette majestueuse Liberté Métaphysique que tout le reste
(soumis au déterminisme) lui envie. (Très mégalo, non ?)
Décidément l'homme
sartrien est hors-sol !
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Le sujet
Bref, « il n'y a pas de
nature humaine puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. » Il faut
croire que l'idée (platonicienne) de "nature humaine" que Sartre
refuse est bien loin de la nature tout court, de la biologie, de l'hérédité, de
l'évolution des espèces…
Son "l'homme"
n'est donc en rien "objet", mais sujet,
forcément sujet. (Pourtant le terme est équivoque ! En dehors du sujet au sens grammatical, on peut
parler du sujet d'une thèse ou d'une
étude ou d'un tableau (ce qui désignerait plutôt un objet) … ou du sujet
d'un roi !… soit l'idée d'être assujetti,
la sujétion, ce qui est exactement le
contraire du sujet en tant que
l'homme libre, autonome, actif, "qui se jette vers un avenir", qui
est d'abord un projet, qui se fabrique lui-même… )
Une conséquence
intéressante de cette conception d'homme sujet (au sens positif, actif) de
lui-même, c'est que nos actes, en créant l'homme que nous voulons être, créent
en même temps une image de l'homme tel
que nous estimons qu'il doit être. Ceci aura forcément des conséquences morales, voire moralistes, et sociales,
et politiques. (Et il faudra bien évoquer à nouveau la filiation avec Kant et
son "impératif catégorique" et la vaste question de la
responsabilité.)
Disons déjà simplement que
la réciprocité, c'est bien : si je suis libre, sujet actif de ma vie, je
veux que tous soient libres ; si je fais du bien à quelqu'un, je veux
qu'il soit à même de me faire du bien ; si je me refuse à mentir à
quelqu'un, cela suppose que lui non plus ne me mente pas. Ce que je choisis est
toujours (censé être) le bien ; partant, ce qui est bon pour moi ne peut
être que bon pour les autres… Notre action responsable engage l'humanité
entière… Ouais… On est vraiment dans l'idéal, dans la pure théorie. Si je me
marie c'est que j'approuve le principe du mariage et donc, logiquement, que je
le veux pour tous…? Si je fume, je veux que tout le monde fume ? Obligé ?
Disons que je veux au
moins que tout le monde ait, comme moi, la liberté et l'opportunité de se
marier ou pas, ou de fumer ou pas, rien de plus. (Mais, moins théoriquement, on
peut tenir compte de l'exemple donné, du mimétisme.)
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