Puisque c'est le "jour de la liberté de la
presse", enfonçons le clou.
(D'après Raphaël Enthoven, in Philosophie Magazine N°65)
Penser implique une posture laïque, voire athée,
voire antithéiste.
Si tu crois, tu ne penses pas.
Si tu admets que les autres croient, tu admets qu'ils
ne pensent pas.
Partant, pas de société possible.
Albert Camus : « On ne
peut parler et communiquer avec un être asservi. » ("L'Homme révolté".)
La liberté d'expression, cadeau des Lumières,
s'accompagne de la liberté de remettre en cause l'ordre établi politique,
financier, religieux, les mœurs (la morale), les coutumes (le costume…)
On ne peut pas en même temps célébrer la liberté de
la presse et appeler au respect des religions. La liberté de la presse nous
préserve de la dépolitisation, du repli sur soi, du gouvernement de la peur et
de la tolérance qui maquille cette peur.
Dans la société traditionnelle, l'individu se coulait
dans un ensemble de traditions, mœurs, règles collectives, sans même y
penser : formatage. L'individu moderne, émancipé, se retrouve faible,
isolé, et « ivre des droits qui le
protègent et lui permettent de ne penser qu'à lui. » Du coup,
paresseux, il ne veut pas d'ennuis, il veut la tranquillité publique et il est
donc prêt à accepter la tyrannie pour avoir la paix. Tyrannie d'un tyran ou de
l'opinion publique.
Le vote universel (la démocratie) et la censure ne
peuvent cohabiter. Pourtant, face à un trop de fronde, d'impertinence, de
provocation, on entend "Ce n'est pas le moment", (et quand donc ?
quand la société sera apaisée ?)
ou "jeter de l'huile sur le feu, c'est mal", ou "irresponsable !",
tout cela qui n'est pas de la censure au sens strict mais exprime la peur du
désordre, la préférence pour une autocensure plutôt que le risque des
réactions. La tranquillité contre la liberté. Cette forme de censure fait
partie du sécuritarisme : la tranquillité avant tout, tant pis pour la liberté.
La société moderne, exténuée, nomme tolérance sa lâcheté (= la remise en
cause de ses principes), tente de digérer l'indigeste parce qu'elle a peur de
l'effort, de l'affrontement, de la lutte. (La phobie de se faire traiter
d'islamophobe !) Elle accepte/crée alors une dictature parallèle à celle
de la religion (de l'intégrisme religieux) qui impose que le sacré est
supérieur à la liberté. Voilà maintenant que la sécurité est supérieure à la
liberté.
1 commentaire:
"La société moderne, exténuée, nomme tolérance sa lâcheté". C'est une belle phrase, ça pourrait être de Cioran... ou Corneille si c'était un peu plus équilibré pour faire un alexandrin !
J'ai coché la case "je ne suis pas un bobo"
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