Note à propos de l'article précédent : C'est avec plaisir que je
reprends la formule du commentaire de Sylvie Denis : « le rock et les terrasses, c'est juste (entre autres choses) ce
qui est possible quand on vit dans une démocratie. » Autrement dit, non
des valeurs en soi. Ce qui est une valeur, c'est cette possibilité, terme que je
préfère largement à celui de liberté, trop idéal et dont on abuse.
• Bien sûr, ça s'explique, même si c'est fou. On est même
abreuvé, submergé d'explications, politiques, géopolitiques, sociales,
psychologiques… Mais expliquer n'est en
aucun cas justifier. Il ne s'agit en aucun cas d'un « Oh, il faut les
comprendre, les pauvres petits ! » (Je parle évidemment des tueurs…) L'explication ne pardonne rien
parce qu'elle n'abolit pas les faits.
Le fou criminel qui a eu une enfance difficile a des "circonstances
atténuantes", il n'était pas en possession de tous ses moyens psychiques,
tout ce que vous voulez, OK… mais n'empêche, quelques profondes que soient les
explications, les faits restent. Les
morts restent morts, les estropiés restent estropiés et ce qui ne nous tue pas
nous rend malades. Rien de justifie. On peut se rappeler la controverse Sartre-Camus :
"Les Mains sales" corrigé par "Les Justes", et le démontage
de toutes les justifications idéologiques du terrorisme par Michael Waltzer. (On
voit ça en bref dans Philosophie Magazine N° 95, pages 52, 53.)
Mais, comme nous humains, en général, on veut du sens, on
travaille encore et encore à expliquer leur cas. Moi aussi, ici. Parce que ces signes notés
précédemment ne suffisent pas à nous rassurer.
Ni à nous assurer dans notre droit à la peur, à la tristesse, à la colère. Et
pourtant si : nous avons de quoi avoir peur, de quoi être tristes et de
quoi être en colère – et nous en avons le droit.
Les
explications, ça vaut pour la science, pas pour la peur, le deuil, l'amour ou
la haine. Et pas pour la justice qui ne veut que des faits, qui n'est ni
psychologue ni moraliste mais qui a la loi à faire respecter.
• Un attentat aveugle,
masqué, comme une bombe déposée dans une poubelle et qui explose au hasard,
fait-il moins peur ou plus ? J'ai l'impression que des gens qui nous
tirent dessus à visage découvert, de très près, ça a quelque chose de plus
effrayant, plus traumatisant. (Cela dit, je n'ai jamais vécu ça…) C'est voir la
mort en face, avec des visages humains qui nient notre humanité et par là même,
perdent la leur. Par leurs actes, ces
gens ont perdu leur humanité. Et les droits qui vont avec. Non pas par ce qu'ils
sont, ni même par leur histoire propre telle qu'inscrite dans l'Histoire… Mais
par leur actes. Les faits.
• Chercher les raisons de la violence aveugle (plus
exactement les raisons qui animent les auteurs de violences aveugles), c'est se
confronter à un oxymore ou une aporie. "Violence aveugle" et
"raison" s'opposent si violemment qu'on ne peut parler que d'interprétations ou d'explications, non de raisons. Explications par des mécanismes
sociaux, géopolitiques, religieux, psychologiques, des mécanismes qui ne sont en rien des justifications, ce que seraient des raisons.
• Le musulman, et en
particulier le djeun' de banlieue issu de l'immigration, dans l'espace
européen, n'est pas vraiment reconnu,
d'où humiliation. L'humiliation entraine le ressentiment qui entraine la
violence… et le Califat t'entraine : quelqu'un, ailleurs, te propose une
terre promise et te dit « Là, tu seras respecté ». Il t'accroche par
un détail et donne une réponse à ce poids que ressent tout adolescent et tout
djeun' voué au chômage : l'exigence de "devenir un homme" ou
simplement d'être un individu (assuré
dans son identité). Il t'en soulage et en même temps te promet la gloire
individuelle du martyr.
Ce qui veut dire qu'on peut aussi se poser la question ainsi :
avons-nous affaire à une radicalisation de l'islam ou à une islamisation de la
radicalité ? Plus exactement une islamisation du schéma "humiliation
/ ressentiment / vengeance". La violence, le désir de tuer contenu en
chaque être humain (surtout s'il se sent bloqué dans une société bloquée)
prendrait la voie et la voix de l'islam pour se justifier. Une forme précuite
pour se réaliser. Une structure toute prête pour se donner une raison de vivre
et de mourir, avec discours prétexte et moyens techniques fournis clé en main.
Possible. C'est le schéma de tous les enrôlements : sectes, partis,
"associations de malfaiteurs liés au terrorisme" (de l'armée,
aussi…?)
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