… c'est déjà la fin ?
— Comment ça, la fin ?
C'est que les clichés et les coutures commencent à
transparaitre au grand jour (au soleil de l'été suédois de Sandham)… Le flic
est mal rasé, vieillissant, mutique, peut-être alcoolique, plein de problèmes
personnels, genre vieille affaire non résolue, divorce en cours ou mal digéré,
gérer une fille adolescente de type… euh… adolescente. (Ou un adolescent
prédrogué ou une gamine hyperactive de dix ans.) Il fait équipe avec une
fliquette jeune et jolie (mais pleine de problèmes personnels) ou d'âge moyen
et pas jolie (et pleine de problèmes personnels). En fait, les nombreux
personnages sont tous bourrés de problèmes personnels : divorce en cours ou
récent pas digéré, mère ou père malade ou mourant, avoir perdu son rasoir,
handicap, deuil, tentative de suicide, sourde culpabilité, déménagement en
cours (plein de cartons pas défaits), chat puant… Alors ils regardent des
photos avec un air triste ou ils se regardent dans la glace avec un air triste-interrogatif-anxieux.
Le flic, lui, en particulier c'est une vieille affaire qui le poursuit, où il a
merdé – culpabilité mal rasée. Ne pas oublier de placer une rousse, un
djeun' qui a toujours l'air de cacher quelque chose (est-ce que par hasard il
se droguerait ou serait homo ?) une djeune qui a toujours l'air de cacher
quelque chose (est-ce que par hasard elle serait enceinte ?)
Ne pas oublier le terme "atmosphérique".
Les séries, en effet, sont plus ou moins "atmosphériques". Ça tient à
la lenteur, à la lumière, aux voix sourdes et surtout à la musique. Ce qui fait
le lien entre toutes ces séries atmosphériques, c'est la musique. Pas vraiment
des mélodies, plutôt des nappes (de brouillard) lancinantes, comme une mer
perçue de loin ou la circulation automobile perçue de loin ou le vent dans les
arbres.
Bien sûr, on fait un gros usage de téléphones
mobiles.
— Mais ça, comme bien d'autres éléments que tu cites,
c'est dans toutes les séries modernes pas seulement policières, pas seulement
nordiques…
Le mobile c'est un peu comme le raccourci-clavier sur
l'ordi : ça évite des déplacements, des recherches type « Où y a-t-il
un téléphone, dans le coin ? » ou des chevauchées de deux jours dans
le wild pour prévenir quelqu'un et
arriver trop tard. Ça économise du décor. Et puis l'appel sur le mobile permet
d'interrompre une conversation qui risquait de s'éterniser, ou de briser un
moment d'émotion, un aveu prêt à sortir…
Un générique très graphique, style HBO, est toujours
le bienvenu.
Est-ce politique ? Oui mais local : les
magouilles des petits politiciens locaux qui veulent construire un barrage ou
raser un refuge pour réfugiés, ou vendre un port aux Chinois, et qui,
évidemment, n'aiment pas qu'on mette le nez dans leurs affaires et ont
évidemment quelques amis voyous, ça peut servir.
Un curé défroqué ? Oui, avec des tendances
homosexuelles inassouvies ou une vieille affaire de pédophilie, ailleurs, qui
lui a valu son déplacement dans ce trou perdu et qu'il traine comme une tâche,
même si personne ici n'est au courant. Culpabilité encore et toujours…
— Tu donnes toutes les recettes, là, et pas seulement
chez les nordistes… mais pourquoi tu dis que c'est fini ?
C'est fini à cause des recettes, en fait. Donc à
cause des répétitions, de l'abus des trucs que l'on retrouve, que l'on
reconnait. Aussi à cause des imitations. Les Américains refont Millénium, pas
mal, mais inutile (et sans Noomi Rapace, à quoi bon ?). Et ils refont Real
Humans, remake recopie conforme au dialogue près, à la scène prés, pour ce que
j'en ai vu… inutile.
Et voilà des Belges qui font "La Trève",
qui reprend à peu près tous les clichés ci-dessus cités, l'accent en plus, et
que mon magazine télé préféré présente comme "les enquêtes du taciturne inspecteur Peeters, un polar
atmosphérique dans la veine des thrillers
nordiques." L'accent, oui, des gueules… et des invraisemblances
scénaristiques criantes (le flic qui va se coucher en laissant sur la table
basse devant sa fille adolescente de type adolescente le dossier hypersensible
de son enquête en cours).
Passé un moment, y en a marre. L'ennui l'emporte et
faut zapper. Pourtant…
— Pourtant…?
Pourtant Bordertown, série finnoise qui accumule ces
clichés "nordiques") est vraiment bien… (Le flic est suffisamment
bizarre pour être intéressant.) Pourtant la nouvelle saison de Broadchurch (qui,
quoiqu'anglaise, accumule ces clichés "nordiques") est vraiment bien…
Alors le polar polaire n'est peut-être pas fini…
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