C'est un soulagement de savoir que la pluie tombe verticalement
Il
a tant plu ces derniers temps que c'est la jungle à la maison.
Tropicale
et trop calme après la mousson.
La
lumière vacille verte, rayée.
Les
bananiers fleurissent et les bayous glougloutent.
La
radio n'émet que des borborygmes : une symphonie imbibée, molle, déroule
ses vagues accusatrices dans mes lobes et synapses.
Les
perroquets iroquois dansent du scalp sur le sable. (Les perroquets parlent
toujours trop.)
Les
singes se signent les uns les autres (avec ironie).
Les octopus en fleur, onctueux, parlent avec
componction.
Les gorilles s'égosillent
en rafales.
Des
scolopendres plats escaladent les troncs et laissent pendre leurs pattes
escalopes, ils oscillent du coccyx et l'écorce luit.
Des
Zo'és nus comme des Èves dansent au ralenti : ils n'ont pas de montres,
ils sont impeccablement propres et les moustiques géants négligent leur peau.
Bientôt
c'est une invasion de pygmées qui s'annonce. Ils sont tatoués de pied en cap mais
ça ne fait quand même que des tout petits tatoos sur des tout petits totems. Les
peaux se vendront mal.
Des
alligators japonais nous remercient pour le cadeau. Leurs dents sont
triangulaires, leurs écailles hexagonales, leurs pattes cubiques, mais avec
rage. Leurs corps exaltés exhalent un suint de suie au sens moisi du terme.
Craquement
des crocodiles et fuite des anacondas, démolisseurs anachroniques.
Les
bonobos enculent les tarentules – de justesse.
Des
requins sans scrupules squattent les places de parking handicapées, bientôt
remplacés par des fleurs carnivores dévoreuses d'insectes ancestraux (tandis
que pompent les marsouins).
Des
sapajous marsupiaux dépiautent des cajous, basculent en machouillant leurs
joues, croquant des fruits fendus, tandis qu'une ondée plombe l'atmosphère.
Un
panda mange ses bambous, les feuilles seulement, pas les troncs qui sont trop
durs à ses dents d'ours-mouton. Les Chinois nous revaudront ça. Ils nous
revendront sans rire leurs chapeaux iconiques, paniers percés passoires et
leurs pagnes en peau de zébu.
Dans
la savane, bercées par la brise, les autruches s'endorment la tête dans le cul,
du sable plein les larmes. Il n'en faut pas plus pour enrayer le soleil
couchant.
Les
cactus détraqués défient les cacatoès au karaoké.
Et puis c'est l'éruption
du Polimagoo, bientôt suivie d'un tsunami de force 7 aux vagues qui ravaguent
les rez-de-chaussée. Il y aura des dégâts collatéraux dans la marine. Envoyez le groupe d'intervention, faites
chauffer les voiles. (Mais les sauveteurs viendront trop
tard.)
La
mousse espagnole engluée pend des branches du figuier banian du salon et
collectionne les mouches. (Grésillent les mouches mourantes engluées.)
Les
huitres aussi s'y collent par ordre de taille, s'y décomposent, empestant
accroupies bâillant avec les moules ouvertes traversant la mangrove en
pestiférant ses postillons empestant l'atmosphère. (Il faut avouer qu'une
huitre fermée, c'est moche, mais quand on l'ouvre, c'est magnifique : on
dirait un mollard ! Et quand elles baillent, c'est bon signe : le
déluge ne va pas tarder.)
Sous
les ondes sales putrides les poutrelles des soubassements des pontons avec
leurs yeux horribles de bateau ivre.
Il
reste une dernière cabine téléphonique élevée en plein ciel.
(à suivre)
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