REVENANTS.
En hiver, la campagne est prise de rougeurs aux dents
poilues et aux oreilles absolues tandis que chantent les écluses du canal
Folinlove. Retour de flamme au matin, même si ce n'est que pour un jour.
Au bout d'un certain temps, le paysage se reboucle.
Au carrefour près du pont, là où il devrait y avoir une route perpendiculaire
menant ailleurs, c'est la même route qui se reproduit, une fois, deux fois,
trois fois.
Arrive le premier Morlok. Une loque humaine. Un fou
décoiffé. Il marche comme une poule désespérée.
Loin de la tentation, les revenants repentis errent. Ils
ont des morsures sur l'épaule et longues sur la langue (que reste-t-il sous ces
cicatrices ?) Leurs yeux s'exorbitent, pris dans le nœud du problème. Ils
se sont battus contre mille et une nuits. Ils ont perdu les eaux, ils ont
quitté leur propre tête, des rumeurs incongrues se glissent entre leurs vertèbres
et l'ile du crâne est sous clef. La peur et la poussière sous les chapeaux de
cristal. Mais l'horreur est partout, sauf sous les verrous.
Sans tabou ni tempête, tout a foutu le camp dans leur
saison d'étoile, sur les trottoirs d'un ancien paradis, là où les rebelles de
Pâques mènent une guerre secrète à leurs frères de sang. Une justice sauvage
hante la cité atteinte de désobéissance civile. Ils marchent avec des ruses de
serpent, comme des Indiens sur le sentier de naguère – la peur. Ils ont des
suaires aux poches garnies de grenades lacryminelles.
Des chrysalides enragées qui se croyaient en légitime
défense. Des perroquets Pavlov rendus à l'impuissance, seuls au monde. Des
ombres blanches les poursuivent jusque dans les recoins de la caverne, camera oscura d'où sortent des paroles
d'outre-tombe venues de disparus volontaires.
On rouvrira les goulags. On exorcisera leur cervelle.
Ils coudront des sacs postaux dans des couvents de prostituées, derrière le
brouillard empoisonné. (Derrière l'écran, il y a des choses insoupçonnables qui
veulent nous dévorer tout cru.)
Leur nom a pris le train pour loin – à l'écart de
leur identité. Ils gardent le silence – pour ne pas qu'il s'échappe, sans
doute. Leur chair de violette se partage entre photographes tantriques. C'est
la fin du sabbat et les shérifs dansent devant le musée. Adorer le dieu ou
tenter le diable, ça se vaut bien : c'est toujours l'appel de la bête,
c'est le gouffre : l'oiseau bleu et le dragon parlent la langue de
l'inconnu. Les bulles du démon éclatent dans le mercure bouillant au centre de
la comédie humaine.
Il ne faut pas avoir peur de la douleur. Si on
ne bouge pas, on meurt. Nul n'est censé ignorer la loi de la pesanteur :
quand tout a basculé, il faut réparer les engrenages.
— On peut quand même essayer de ne pas se faire tuer
avant Noël, non ?!
— Volons plutôt une ambulance, fuyons cet hôpital et
partons pour Cuba.
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