Cabaret sumo
sans issue
Ce soir, un nippon adipeux affronte en string et sans
tapis une sorcière néopaïenne. Ils éructent des mots mâchés, élémentaires, qui
font la guerre intermédiaire. Ils dressent leurs mains en sang au ciel, comme
pour l'empêcher de les écraser.
Suit une autre séquence japonaise : la vie
secrète des épées, avec des guerrières samouraï qui jouent au mikado vêtues
d'un kimono qui cache leur kaiken.
Plus courageuses que les hommes, elles tracent dans l'air des calligraphies de
mille coups de sabre ou de naginata,
lancent des coups d'éclat aux palmes karmiques – leurs yeux de raie Manta m'aimantent.
Sous un chapiteau corinthien, Occam fait son grand
numéro : face au nœud gordien, il sort son rasoir. Tchac ! Puis il
s'empare du roc de Sisyphe et s'en sert pour boucher le tonneau des Danaïdes.
Deux problèmes antiques réglés d'un coup.
Des coulisses, se glissent maintenant les Sélénites…
ces intrigants sélénites à trois yeux noir corbeau. Ils chantent des chansons
pour les mouches, ils marchent sur les pieds des décapodes, les araignées de
mer murmurent à leurs orteils. Par les orifices de leurs masques d'argent, le
sang suinte.
Regardez-les gerber des flammes avec un zèle assourdissant,
puant sans pudeur.
—
Mais qu'est-ce donc que vous leur donnez à manger ?!
—
De gracieux lapins morts.
—
Pas la fourrure, quand même ?
— Non : les oreilles et la queue en
pompon – et les yeux rouges.
Un troll, dans le bus, entame un panorama du
paranormal.
Un fakir corrompu épingle sa viande à part sur un
tapis d'asphodèles.
Eva l'échevelée, sur son vélo vole au secours d'Adam
l'écervelé, tombé de charisme caprice calice calibre cabine calife câline
praline canine canif papille carie caribou cariatide… en sillage sidecar signal
cigale synapse cirage sida.
Sur un ring de neige vierge, une poupée norvégienne
givrée née sans père, traquée, mène une bataille perdue d'avance contre les
serpillères venimeuses et les champignons articulés.
Le spectacle se conclut par Carmencita, opéra-ballet.
Derrière la porte verte, dans la chambre rouge, des
femmes noires exposent leurs seins en flammes et leurs bassins. Des échassiers
lugubres, têtus, les observent avec circonspection ou les tâtent avec
componction. Elles ont peint en deux tons, violet et vert bronze, l'entour de
leurs yeux furibonds.
Voici la belle Carmen à l'œil noir, vêtue de rouge,
bien sûr – carmina burana –, qui
roule les cigares dans l'arôme de ses cuisses, qui griffe les hommes comme les
femmes, qui séduit de ses habanéras le shérif à moustache comme le toréro à
paillettes, qui attise le désert inhabitable et refuse à tous l'entrée de son
cirque plein de sang.
Le
blanc et le noir, le rouge et le blanc, le rouge et le noir.
Le noir et le noir.
Divine marquise masquée, l'ogresse aux mains rouges
dans la nuit ventouse crache sa salive vivante, parfumée, tandis que les chœurs
d'enfants déferlent, poissons volants, par rafales.
Puis enfin poignardée – estocade torride –, c'est
tout le flot rouge de sa robe qui s'enfuit d'elle.
Elle est nue.
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