JOURNAL INTIME APOCRYPHE DE LOLA LOKIDOR ET RUFUS
TUCRU (suite)
1er novembre (juste)
Rufus Tucru se regarde dans son tiroir. La faute a encore de
frappe. Pourtant, sur le clavier, le T et le M sont éloignés. Mais effectivement,
il est bel et bien dans le tiroir de sa table de nuit, entre un paquet de
mouchoirs en papier et un tube d'oscillococcinum. Il a le teint blême du petit
matin. Il referme le tiroir.
Il passe à la salle de bain et se regarde dans la
glace : il attrape froid.
•••
2 novembre (juste à
temps)
Lola Lokidor voyage toujours avec un
cercueil dans lequel elle range ses robes.
Rufus Tucru, du temps qu'il était
très riche, se faisait faire des lavements au champagne.
•••
3 novembre (juste à
temps avant)
Après une énième crise de cuisine moléculaire, Lola
passa à la cuisine nucléaire. Ça risquait de faire des morts. Le lobby des
extracteurs de racines carrées lui mit des bâtons dans le four.
« Nucléaire, non merci ! » clamaient-ils avant d'affirmer
« Vegan vaincra ! ». Lola rusa en en revenant à la cuisine
maxillaire à base de grenade à poux, radiodermite et pulpite verticale. Elle
réussit ainsi le concours de meilleur ouvrier pâtissier de France avec palmes
académiques et cérémonie d'hommage aux Invalides.
Suite à cette révélation, son cerveau se ratatina
dans son crane et son fessier doubla de volume. Elle se laissa tomber assise
dans une brouette que Rufus Tucru avait cordialement placée derrière elle à
toutes fins utiles. Il l'emmena à l'hôpital où on lui proposa aussitôt une place au sanatorium suisse du Dr
Verbinski. Elle y passa trois ans, au terme desquels son cerveau avait repris
son volume initial, tandis que son fessier restait volumineux. Il lui servait
de dictionnaire (elle trichait au Scrabble).
À son retour en ville, elle se mit à la cuisine quantique.
•••
4 novembre (juste à
temps avant la fin)
Chaque fois qu'il se téléportait, Rufus Tucru
devenait autre chose : un chien, une guitare, un lampadaire, une femme… Ou
un grille-pain. C'était sa malédiction. La seule constante était la
conservation de la masse. Ainsi, il avait été par exemple un chien, oui, mais
de 90 kgs, une guitare énorme, une automobile minuscule, etc.
Et ce coup-ci le voici un grille-pain en parfait état
de marche mais très encombrant. La table de la cuisine menace de s'effondrer
sous son poids. Lola repère rapidement le câble électrique et le branche sur
une prise. Elle lui enfile une tranche de pain de mie dans la fente adéquate et
appuie sur le pousseur adéquat. Une minute plus tard, il recrache un toast
grillé à point.
Il propose : — Un autre toast, chérie ?
— Non, ça suffit comme ça. (Le toast était
proportionné.) Ce que j'aimerais bien quand même c'est que tu arrives à redevenir
Rufus Tucru en chair et en os.
Mais il ne maitrise pas le processus. Il sait se
téléporter instantanément à peu près n'importe où par un simple effort de
volonté, mais ses transformations sont parfaitement aléatoires.
— Je tente le coup, dit-il pour faire plaisir à Lola.
Il se téléporte sur la chaise voisine de Lola.
Et – miracle – il est redevenu lui-même en bonne et due forme.
Mais – malheur ! – il n'avait pas débranché le câble et il prend un
bon coup de 220 volts dans les particules subatomiques.
Ça aurait pu gâcher leurs retrouvailles, mais
finalement non. Ce fut électrique.
•••
5 novembre (juste à
temps avant la fin du monde)
Rufus Tucru croyait que la
Terre était plate. Mais que la Terre soit plate ne l'empêchait pas d'être
bipolaire.
Bon, bipolaire, ce n'est
pas schizophrène, quand même. N'est pas schizophrène qui veut, alors que
bipolaire c'est à la portée de tout le monde.
Mais il aurait bien aimé
redevenir d'un seul bloc. Jusqu'à ce que, vers 77 ans, il rencontre son double.
(Cf. plus haut, au 1er novembre.) C'était troublant. Son double lui
ressemblait comme un jumeau mais avec quelque chose de différent et de connu à
la fois. C'est que, dans le tiroir, il n'était pas inversé droite/gauche.
•••
6 novembre (juste après
la fin du monde)
L'auteur a le
syndrome du cheveu sur la soupe. Mais syndrome capillaire ou gastronomique ?
Ou technique littéraire ?
2 commentaires:
Ah, j'adore ce dessin !
"Rufus Tucru, du temps qu'il était très riche, se faisait faire des lavements au champagne." Ah ah ah !
Je crois que Macron fait ça aussi !
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