Alan Watts : « Le "moi", comme l'argent,
n'est qu'un concept, un symbole, voire un mirage ; ce n'est ni un
processus biologique indépendant ni une réalité physique. »
D'après Alan Watts : En tant qu'organisme, l'homme
est au monde extérieur ce qu'un tourbillon est à un fleuve. Lorsqu'il se
définit et se vit en tant que personnalité, "moi" autonome,
l'individu n'a pas conscience du fait que son corps (et tout son être) forme
"un agrégat dynamique d'énergie", disons un organisme ou un processus
physiologique… et, qui plus est, un processus
qui ne fonctionne pas tout seul. Cet agrégat, ce corps vivant, n'existe
qu'en interaction avec des myriades d'autres corps, d'autres organismes :
animaux, plantes, insectes, bactéries ; ainsi que des éléments non
vivants : minéraux, liquides et gaz, rayonnements, pesanteur…
L'auto-définition de la personnalité et la conscience immédiate du
"je" restent généralement ignorantes de ce type de relation
organique. Le "moi" peine à s'identifier à l'organisme vivant. Il en
est un épiphénomène. Le travail de conscience élargie va être de se rendre
compte de la relativité de toutes les choses et de tous les évènements, dont soi, c'est-à-dire de leur interdépendance.
Vous dites : "Je
suis venu au monde." Mais non : vous en êtes sorti, comme une branche sort d'un arbre, vous avez émergé au sein
du monde, vous n'êtes pas "venu d'ailleurs". Vous venez du monde,
vous êtes du monde…
« Un corps vivant n'est pas un objet immuable, mais un évènement
qui évolue, comme une flamme ou un tourbillon. »
Tourbillon : il n'est pas l'eau du fleuve,
il est quelque chose qui arrive à l'eau du fleuve, quelque chose qui se passe
avec l'eau du fleuve, un évènement, un processus. Sa forme est constante,
durable, alors même que la matière en jeu (l'eau) se renouvèle sans cesse. C'est
une structure, ou une structuration locale du flux aquatique. En ce sens, le
mot "tourbillon" est trop fixe, statique, réifiant (c'est un nom, un
substantif = ce qui désigne une substance, de la chose), il vaudrait mieux – si ce n'était si lourd –
parler de "tourbillonnement", qui exprime une action, un "geste
de l'univers"…
On ne se baigne jamais
deux fois dans le même fleuve, disait Héraclite. Pourtant cela dépend de la
définition du mot "fleuve". Le fleuve, ce n'est pas les molécules
d'eau qui y coulent, se renouvelant sans cesse, jamais les mêmes,
effectivement ; ce n'est pas ses rives, son lit, ses poissons, son débit, son
tracé de la source à l'embouchure… c'est tout cela… et donc non pas "une
chose" ou "de la chose", substance, matière, objet… mais un
concept pratique pour penser et parler. Ce qui ne l'empêche pas de représenter
une réalité.
Alan Watts : « Ce que l'on appelle
"choses" sont en réalité des gestes de l'univers, c'est-à-dire un
système d'énergie qui est en réalité le seul "moi" que nous
possédions, mais que nous ne pouvons définir ni classifier. »
Ainsi, la question
"Qu'est-ce que "moi" ?" est comparable à la question
"Qu'est-ce qu'un tourbillon ?", ou "Qu'est-ce qu'un
fleuve ?"
(Les citations et paraphrases d'Alan Watts sont tirées de "Matière
à réflexion", années 60-70.)
2 commentaires:
Y a quelques années j'ai rencontré un archéologue spécialisé dans les mégalithes.
C'est intéressant ces concepts de place dans l'univers et il me l'a fait découvrir grâce à ces blocs de plusieurs tonnes, dressés depuis des millénaires.
Que suis-je, qui suis-je ?
Le tourbillon temporel et le petit bloc d'atome que nous sommes ne sont pas grand chose à la vue de l'univers, mais ce n'est pas rien : je ne suis qu'un homme. Mais je suis un Homme.
Et puis sinon j'aime beaucoup vos travaux que je suis depuis tout petit, probablement un auteur de BD que j'ai découverte avant Astérix !
Bonne continuation
Merci !
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