"Rêver 2074 / Une
utopie du luxe français / par le Comité Colbert" (et quelques écrivains et
écrivaines…).
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Nouvelle N°2) OLIVIER PAQUET - "LA REINE D'AMBRE"
D'abord il y a une vieille
femme, encore, Noriko Higushi, une sorte d'artiste, encore, œnologue, qui, elle
aussi, a perdu un sens, une qualité essentielle à son art : l'odorat. (Le
pourquoi de ces convergences scénaristiques entre Xavier Mauvéjean, Olivier
Paquet, et plus loin Jean-Claude Dunyach, ne laisse pas de m'étonner, comme il
a étonné l'auteur du premier post Facebook que j'ai lu sur le thème de ce
recueil. Le travail sur l'intertextuel aurait-il entrainé des effets mimétiques…?)
(Et ces pertes d'un sens répétées sont-elles des signes d'une perte générale DU
sens ?) (C'est peut-être aussi que le thème imposé, le luxe, est vide de
sens…)
Pourtant, cette nouvelle me
semble présenter un avantage : a priori, elle joue vraiment le jeu, elle traite
vraiment le sujet (la production de luxe) autrement que par des éléments de
décor ou placements de produits. (Ne suis-je pas dans le paradoxe provocateur,
là, en appréciant l'auteur qui joue le plus honnêtement le jeu de l'ennemi…? Ou
peut-être est-ce que j'apprécie la cohérence… et que je m'offusque, malgré
Baudelaire, qu'on puisse confondre ordre et beauté, luxe, calme et volupté.)
In vino veritas
L'enjeu est bel et bien un
objet de luxe : un vin de Bordeaux très haut de gamme (un Château Yquem ?).
(Et ça, ça me serait plutôt sympathique ! Une "cause" plus
légitime que les parfums L…N ou les sacs V…N !) Il est typique que, dans
cette nouvelle, le lecteur ne bute pas constamment sur ces "placements de
produits" gratuits, parasitaires, disposés régulièrement pour plaire aux
commanditaires, et qui font grincer aux entournures les autres textes. Ici, il
n'y en a pas besoin puisqu'on est clairement dans le sujet. Du coup, cette
nouvelle pourrait se lire dans n'importe quel cadre éditorial. Après tout ce ne
serait pas la première histoire de SF située "chez les riches" et
travaillant la problématique de la richesse. En respectant honnêtement la
contrainte, ce texte s'en émancipe.
Mais l'essentiel se trouve
dans le drame humain de cette perte d'odorat et dans l'idée proprement techno-SF
qu'une intelligence artificielle (une aya dans un robot) puisse devenir à son
tour œnologue et maitre de chais.
A touch of Zen
Après, y a-t-il subversion
du thème "luxe" ? Peut-être, oui, dans la personnalité de la dame
qui, malgré le "commercial" qui est censé la remplacer, le jeune
directeur financier émissaire des actionnaires, gardera la maitrise de son art
et de son chais, via le robot-aya en question (qui ne serait qu'un système
expert, me dit-on, mais je n'y connais rien…) et via un langage poétique
japonisant qu'elle est seule à maitriser. Disons quelle impose un luxe d'un
autre niveau que celui du fric : l'expérience individuelle, la fine
connaissance et la fine technologie, la qualité poétique, un art.
3) SAMANTHA BAILLY - "FACETTES"
Cette fois aussi, on est
dans le thème. L'enjeu est bel et bien à l'intérieur d'une maison de luxe,
c'est une création qui est en jeu.
Lune Guénon est la première
neuroscientifique à être devenue créatrice de mode. Elle a inventé l'émotissu qui affiche les émotions de
qui le porte. Elle est vieillissante (tiens ! encore une !) et elle n'a
plus l'inspiration (tiens ! encore une ! Perte de sens, encore ¿).
C'est aussi que les vêtements de sa création, une fois portés par des clients,
vivent leur vie, ou plutôt celle des gens qui les portent, et donc sa création
lui échappe, ne lui appartient plus. Le thème du contact intime d'humain à
humain revient, passant par les neurones miroirs, sources de l'empathie,
expression des émotions – qui se retrouvent maintenant codées "objectivement"
par l'émotissu – conjugaison de compréhension et beauté. Une utopie de la
transparence, de l'intimité partagée.
Mais elle pense que, pour
retrouver la créativité, elle a quelque chose à retrouver dans des qualités
passées. Visitant une maison de couture traditionnelle, elle retrouve des
émotions pures devant les matières naturelles (fourrure, soie… les Végans vont
hurler) et le raffinement du savoir-faire traditionnel. Et voilà qu'elle
invente l'artextile qui est
noventique = réconciliation de l'avant-garde et du patrimoine… des vêtements réversibles :
on peut choisir le côté qui expose ses émotions ou celui qui les cache. Euh………
Tout ça, et je suis gentil,
me semble sans intérêt.
Pourtant le blog de Lam
Rona, "Non, pas le bouton rouge" va y déceler une subversion
étonnante ! Bravo à lui, allez-y voir, je ne dis rien…
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4) ROQUE RIVAS - "MIRAGE D'UN AVENIR" est une nouvelle sonore, de
la musique "concrète" peut-être, je n'en sais pas plus, n'ayant
téléchargé que le PDF…
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5) JEAN-CLAUDE DUNYACH - "NOCES DE DIAMANT"
(Jean-Claude Dunyach est par
ailleurs coordinateur de l'ensemble des textes.)
Nouvelle assez simple qui,
au prix du nettoyage de quelques lignes "de complaisance", tiendrait
très bien debout toute seule (je veux dire dans n'importe quel autre cadre). En
effet, on est devant une histoire humaine plutôt poétique, une fable visant à
l'amour universel. En réalité, l'industrie du luxe n'est pas du tout la
condition ou l'enjeu, à part que le récit nécessite un joailler pour tailler un
diamant – et le fait qu'il exerce place Vendôme est logique et ne me gène en rien.
Il s'agit, à la base, de la
découverte d'un diamant venu de l'espace (via la chute de la météorite de la
Tunguska en 1908), diamant qu'il faut bien qualifier de "magique", puisque,
par contact avec un verre en cristal, il crée une résonance, une vibration qui
exalte les sentiments d'amour et lui permet de séduire la femme de sa vie.
(Quelque chose comme le philtre d'amour de Tristan et Iseult.)
Le personnage est âgé, encore
un, se surnomme Janus, celui qui regarde à la fois le passé et le futur. Le
passé : il l'a perdue, sa femme. Le futur : une expédition spatiale, à
laquelle participera son fils, serait susceptible de ramener un astéroïde
entier fait de cette substance cristalline, ce diamant nébulaire, dont la
vibration pourrait changer le monde humain. (Comme le monolithe de 2001, mais
en mieux : le monolithe enclenchait une évolution vers l'intelligence chez
les hominidés, évolution qui se manifestait d'emblée par l'utilisation d'un os
pour casser la tête de son voisin… passons.)
Fiat lux-e
Le miracle ne nait pas de
l'art du joailler ni du fric de la clientèle, le miracle, c'est le diamant
extraterrestre. Ce monolithe diamant, dument partagé entre les humains, les
ferait "vibrer à l'unisson". Faut-il y voir, encore, une sorte de
mysticisme du luxe ? (Cf le néologisme "proximondial"…
mondialisation = amour universel ?!) Un "cristal qui songe"…?
Moebiusien…? Christique…? Hum… (Gardons en tête que toute mystique est une
mystification…)
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6) ANNE FAKHOURI - "UN COIN DE SON ESPRIT"
D'emblée nous voici encore en
compagnie d'une vielle dame, Enid Shon – décidément c'est une manie. (Était-ce
inclus dans le cahier des charges du Comité ?!) De nouveau on est dans une
maison de création, "Savage", on est donc "dans le sujet",
cette fois. Il est question de sacs et d'un cuir synthétique (les Végans vont
adorer !) "monoforme", malléable, moulable ou soufflable, comme
on travaille le verre, et donc permettant une fabrication sans couture. N'empêche
que paradoxalement, pour faire chic, on est tenté d'y ajouter des surpiqures…
(Ha-ha.)
Un personnage nommé Zadig a
réussi à donner à ce cuir l'odeur du cuir authentique mais l'odeur s'efface
rapidement. Il va voir une autre vieille femme, Alx, l'artisane merveilleuse en
fin de vie, stagnant dans le coma. C'est elle qui lui a fait découvrir le moyen
d'imprégner le cuir de son parfum, via de la cire d'abeille, mais il ne sait
comment le fixer. Il a avec elle un contact intime quasi télépathique. Ils
inventent un moyen d'imprégner le cuir non seulement d'un parfum qui reste
fixé, mais d'un parfum contenant les souvenirs du possesseur du sac… (Du moins si
j'ai bien compris, car si un critique a qualifié la nouvelle de Joëlle Wintrebert
de "foutraque", que dire ce celle-ci ?!… Je passe mon tour. J'avoue
que je ne vois pas bien qu'en tirer, ni en bien ni en mal… à part une certaine maladresse
ou confusion globale… Sans compter que l'enjeu dramatique… donner l'odeur du
cuir naturel à un "cuir" synthétique… euh… n'est-ce pas
dérisoire ? pour ne pas dire ridicule…)
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(à suivre, avec la nouvelle de Joëlle Wintrebert.)
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