… MAIS QUELQUES REMARQUES GÉNÉRALES SUPPLÉMENTAIRES
"Rêver 2074 / Une utopie du luxe français / par le Comité
Colbert" (et quelques écrivains et écrivaines…).
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FORMELLEMENT
D'abord
ces ressemblances scénaristiques entre quasiment toutes les nouvelles, ce que
j'ai souligné à plusieurs reprises… et j'aimerais bien qu'on m'explique…
Ensuite
l'impression que les auteurs se sont, chacun, posé un problème tordu et ont
ensuite été forcés de prendre des détours étranges (tordus) pour le résoudre.
(Masochisme ?)
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HORS-CHAMP
Dans toutes les nouvelles, tout ce qui n'est pas le
monde du luxe, le monde des riches, est OFF. Ou presque : Joëlle Wintrebert ne
cache pas que, entretemps, dans les 60 ans à venir, il y a eu une montée des
eaux, comme, dans le monde réel, tout le laisse prévoir, et il y a bien ces
pécheurs qui souffrent de problèmes liés au réchauffement climatique. (Mais
tristement, la seule réponse est l'indemnisation… Ben oui, comme maintenant…)
Et
donc y a-t-il "un monde" autour, un hors-champ ? Pas des masses,
non. En ce sens, on est bien dans l'utopie, un non-lieu, fermé sur lui-même.
Une ile. Mais peut-être faut-il parler plutôt d'hétérotopie, lieu différent, car ce n'est pas ailleurs, loin, ou
"nulle part", c'est une enclave, ni ailleurs ni demain, mais bel et
bien une bulle enclose dans le ici et maintenant, creusée à l'intérieur du
monde "normal" : les fêtes et réceptions se passent systématiquement
sur les toits, les voyages se font en autoplanes, ou en BGV à 1000 km/h, avec champ
d'isolement à disposition, la domotique se charge d'empêcher toute intrusion…
On peut penser au XVIème arrondissement, à Neuilly, à ces ghettos de riches
cachés derrière murs et digicodes…
…
Ou le château de Versailles… Le bal masqué des aristocrates tandis qu'au dehors
règne la peste, dans "Le Masque de la mort rouge" de Poe… La tour des
derniers riches assiégée par les morts-vivants dans l'une des séquelles de
Romero, "Land of the dead", sauf erreur…
Pourtant,
à en croire certains paragraphes, au dehors, tout va bien. P 266, encore un aveu de l'auteure : # Je
désirais moi aussi participer à ce courant utopiste. J’ai adoré cette énergie
exubérante, l’élan formidable qui a permis l’union de tant de pays et l’essor
des plus démunis – plus personne ne manque du nécessaire, aujourd’hui, ou c’est
accidentel… Et j’aimais que Proteûs soit l’un des acteurs de la nouvelle
harmonie, appartenir à ce grand corps où l’on se souciait de marier le réel et
le rêve. # … Tu rêves, oui… Ingénuité ou
complicité ? Quel est donc ce
MIRACLE de l'après-pandémie, à part des mots aussi creux qu'un discours
politique ou religieux ?
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LA
BEAUTÉ, L'ART, LE LUXE
Une
confusion parmi d'autres : certaines nouvelles du pack parlent de beauté comme si cela était du ressort
des "industries du luxe".
Je
connais personnellement nombre de coquillages bien plus beaux qu'un foulard
Hermès. Et que dire de chaque feuille d'un platane automnal ? Ni l'or ni le
diamant ne sont beaux parce qu'ils sont chers. Au contraire, ils sont chers parce
qu'ils sont beaux. Et rares. Mais si l'or était si abondant qu'on puisse en
tapisser ses murs, il n'en serait pas moins beau. On s'en blaserait, peut-être,
c'est tout. Et ce n'est même pas sûr. Ils y a des choses autour de moi,
naturelles ou fabriquées, depuis 20 ans ou plus, que j'ai tous les jours sous
les yeux et dont je ne me lasse pas. Si certaines (objets artisanaux provenant
des puces ) m'ont couté quelques sous un jour, l'investissement est
largement rentabilisé ! Le beau c'est le contraire de la consommation.
L'amalgame
beauté/luxe n'a aucune validité. Pas plus que art/luxe. Le luxe est une
industrie du fric qui mange à tous les râteliers, qui exploite tous les
registres, qui emprunte à la beauté, à l'art, à la science. Qui emprunte ?
Qui vole, qui exploite, qui s'empare jusque du langage, avec ses mots
copyrightés. "Récupération", on appelait ça au temps où l'on disait
que "tout est politique". Le pouvoir de l'argent peut récupérer TOUT
: talent, beauté, haute technologie, solidarité humaine, et même une sorte de
spiritualité ou de mysticisme de l'amour humain (j'y reviendrai).
Mécénat ?
Les mécènes, pour se faire pardonner leur richesse, achètent des âmes :
vampires, ogres, pervers narcissiques. Leur l'appétit démesuré est à la mesure
de leurs moyens – ou le contraire : leurs moyens sont à la mesure de
leurs appétits. (Ça a toujours existé, certes. Les artistes se sont toujours
fait payer et posséder par les princes. Mais est-ce une raison pour se résigner
à ce que ça continue, ici et maintenant, et se satisfaire d'une république
ploutocrate ? Jeff Koons à Versailles ou un plug anal place Vendôme, ça
n'a rien à voir avec l'art et tout à voir avec le foutage de gueule.)
D'autres
nouvelles parlent de haute technologie, là encore comme si cela était du
ressort des "industries du luxe". Mais le robot Philae sur la comète,
performance techno-scientifique prométhéenne parmi d'autres, n'a rien à voir
avec Vuitton, même s'il nous coute très cher. Où est le progrès, technique et
autre ? Plutôt dans l'invention de la machine à laver et dans la loi Veil.
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MIRACLES,
MAGIE, MYSTIQUE (CHRISTISME ?)
C'est
un autre élément – quelque peu inquiétant – qui m'a frappé, au fur et à
mesure des lectures. Une mystique sous-tend tout ça. Une sorte de spiritualité
New Age ou de béatitude… Les sens et la sensualité sont bien présents,
certes, le travail manuel, le vin ambré, l'odeur du cuir, la douceur de la
soie, jusqu'au raffinement baroque chez Joëlle Wintrebert. (Tiens, pas une
seule drogue, pourtant tout le monde a l'air un peu défoncé, dans ces
histoires… les alcools, peut-être – raffinés, bien sûr…)
Mais
à côté de ça : Esthétique de la transparence, de l'éthéré, de la lumière… paillettes,
strass, diamant, cristal, perle, bijoux… brillance, or/soleil, argent/lune, eaux-mère,
mutation, transmutation…
"L'or… Dior… J'adore…"
Eh
oui, il y a de l'alchimie, dans tout ça… et surtout plus de magie que de
science… des MIRACLES ! Jésus revient et il porte un costume Armani. Il
marche sur les eaux et guérit les artistes achromatopsiques, les œnologues anosmiques,
les couturières anesthésiques, les deuils prolongés et les enfants autistes… Il
a sans doute aussi inventé l'énergie propre infiniment disponible, l'eau
potable partout, la régulation sans douleur de la population, le nettoyage des
terres, mers, atmosphère, il a soulevé le continent de plastique du Pacifique
et s'en est servi pour boucher le trou de la couche d'ozone, il a évacué
l'effet de serre et déradioactivé tous les déchets du nucléaire, il a rendu
gentils tous les terroristes, arrêté les inondations dans le midi et éradiqué
une fois pour toutes les poils aux pattes des femmes du monde. Alleluyah. Le
luxe sauvera la planète ! (C'est Noël !)
(à
suivre) (Oui, j'aurai encore quelques réflexions à partager…)
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