Évidemment, le cas de "blasphème" évoqué dans l'article précédent ("Le Problème de l'islam avec le
blasphème", de Mustafa Akyol) est le plus anodin.
Imaginons la scène
: vous discutez avec des potes à la terrasse du troquet du coin (devant un thé
à la menthe). Il y en a qui se mettent à faire des blagues salaces sur Allah ou
sur Mahomet… Vous devriez les égorger séance tenante ? Non. Le Coran vous
conseille juste de ne pas entrer dans leur jeu, d'aller faire un tour de
pétanque avec d'autres copains et de revenir quand ils auront fini.
Mais il y a, bien
entendu, comme LG me le fait remarquer sur FB, des sourates beaucoup plus
féroces, qui appellent au meurtre sous toutes ses formes, celles-là concernant
les "infidèles". "Sourate de la guerre", "sourate de
l'épée". Et on fait souvent remarquer leur évidente contradiction avec le
verset qui dit « Pas de contrainte en religion ».
Abdelwahab Meddeb,
qui ne se gène pas pour décoraniser le Coran en proposant d'en éradiquer les
horreurs (concernant la violence et le sort des femmes, en particulier) évoque
largement ce problème de contradiction interne dans "Sortir de la
malédiction" (P. 113 & sq.). Son érudition est telle qu'il est un peu
difficile à suivre (raisonnement "jésuitique" ?), mais, si j'ai
bien compris, c'est une question de chronologie.
(Eh oui, l'archange Gabriel n'a pas dicté tout ça en bloc au Prophète en un
seul jour de grand soleil… De plus Mahomet était semble-t-il analphabète et a donc
bien du se faire aider par des lettrés – qui avaient bien lu la Bible hébraïque
et chrétienne, eux – pour mettre tout ça au propre…)
Les versets guerriers sont les plus tardifs. Versets dits
"de l'épée", IX, 5, et "de la guerre", IX, 29, lequel
appelle à « combattre à mort les "scripturaires", c'est-à-dire
les juifs et les chrétiens qui ne croient pas à la "religion vraie",
c'est-à-dire l'islam, à moins qu'ils n'acceptent de payer la redevance de la
protection d'une main franche, signe de leur humiliation et de leur infériorité
reconnue. » En résumé, chacun a le choix entre trois
possibilités : • se soumettre à la Loi, c'est-à-dire être musulman ;
• payer le tribut, (régime juridique de la dhimma)
; • à défaut de l'une ou l'autre, se laisser égorger tranquillement. Les choses
sont claires. C'est la capitation ou la décapitation. Une menace combinée à une
"protection" contre un impôt… ça s'appelle du racket. Sur un plan à la fois logique et moral, il y a aberration
et cynisme totalitaire de la part du dominant à vendre ce droit d'être un impie
contraire à la Loi : « Tu te convertis, sinon je te tue… ou alors tu
payes pour avoir le droit de garder ta foi impie. » (Quant au dominé… il
n'a pas vraiment le choix…) Expérience de pensée : imaginez une France chrétienne,
avec un État non laïque, qui exigerait des immigrés minoritaires un "impôt
musulman"…
« Les islamistes avalisent la patente
contradiction révélée ici en réduisant le sens du verset en question à un appel
à la guerre perpétuelle, dont ils n'envisagent pas les conséquences
apocalyptiques. »
Pourtant, « ces versets fétiches des intégristes
peuvent être neutralisés par trois
autres. » Celui, souvent cité, qui dit « Pas de contrainte en
religion. » (II, 256) et deux autres qui prônent la discussion et l'appel
à la persuasion, en utilisant la raison et la civilité (XXVI, 125 et XXIX, 46).
La question est
alors « quoi abroge quoi ? » Quels versets sont à même de corriger ou neutraliser quels autres ? Ceux qui lisent le Coran et
tiennent compte de ses injonctions sont de deux genres : ceux qui
considèrent que le plus récent corrige
le plus ancien, et c'est donc bien le plus récent qui est à prendre en
compte ; contre ceux qui considèrent le plus ancien comme le seul
authentique, parce que "révélé" hors de toute conjoncture politique.
Pour Meddeb « ce sont les premiers versets,
purement religieux, ceux révélés à La Mecque, qui doivent l'emporter sur ceux
qui ont été inspirés à Médine dans un contexte politique, juridique, militaire,
appartenant à une conjoncture datable. Aussi n'est-ce pas le verset de la
guerre ni celui de l'épée qui abrogent les trois versets libéraux, comme le
prétendent et veulent l'imposer les islamistes. » L'idée est que « les versets de la guerre et de l'épée
appartiennent à une conjoncture historique et anthropologique révolue. »
On pourrait dire qu'ils sont plus "anecdotiques" et donc moins
"sacrés" et qu'ils ne peuvent donc pas être détachés de leur contexte
historique et érigés comme Loi absolue valable pour tous les temps. (Ça me fait
un peu penser aux paroles guerrières et sanglantes de la Marseillaise, qui
avaient sans doute leur validité à l'époque et qui, de nos jours, sonnent
odieuses.)
(Quant à la
datation des sourates permettant de tenir ce raisonnement, ou l'inverse… il parait
qu'il ne faut pas forcément tenir compte des numéros attribués aux
sourates dans le livre: toujours si j'ai bien compris, elles ne sont pas
rangées par ordre chronologique… C'est le bordel, quoi… C'est vraiment affaire de
savoir historique et donc je crois Meddeb sur parole.)
En ce sens le
terme de "fondamentalistes" est usurpé par ceux-ci puisqu'ils
considèrent comme des "fondamentaux" des textes plus dictés par la
conjoncture historique que par la révélation divine. N'empêche que les sales
versets sont toujours là et que le premier crétin venu peut s'en prévaloir. Et
donc reste cette question que dans le Coran, comme dans la Bible (ou dans Ainsi
parlait Zarathoustra… ou dans un recueil de blagues carambar) on peu pêcher à
son gré tout et son contraire, choisir ce qui nous arrange le mieux, en
particulier ce qui est le plus simplet, l'opposition binaire, compréhensible
par l'inculte ou le semi-lettré. On peut parler de populisme islamique.
On peut aussi
considérer que les versets contradictoires s'annulent l'un l'autre, comme
"moins + plus = zéro", et donc oublier tout ça… à part que, comme le
commente aussi YLC sur FB, les islamistes nous
forcent à être intelligents. Curieux, subtils, documentés… oui… Mais je me rappelle un article de Onc' Bernard (Maris) qui se plaignait
de ça. Je n'ai pas retrouvé l'article, mais en gros, il écrivait « à cause
de ces cons-là, voilà qu'il faut que je me mette à lire le Coran, alors que
tout au fond, athée convaincu, je n'en ai rien à faire. »
•••••••••••••
J'ajoute que Philosophie Magazine N° 87, mars 2015,
fait un dossier "Guide d'autodéfense contre le fanatisme". Rémi
Brague et Abdennour Bidar y décortiquent un certain nombre de versets, dont
ceux que je cite ci-dessus, soulèvent la question de l'abrogation, discutent la
différence islam/islamisme, etc. Un autre article s'attaquent à la psychologie
des djihadistes, avec en particulier le témoignage de Dounia Bouzar qui a créé
le CPDSI, Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam. Et
d'autres articles encore abordent "Désamorcer le délire d'opinion",
"Plaidoyer pour la liberté d'offenser", "Le nihilisme
islamiste"… et le cahier encarté laisse la place à Voltaire
tolérance", dont le Traité sur la tolérance est en tête des ventes de
philosophie depuis un mois !
Un hors-série "Le Coran" devrait sortir à
la fin du mois.
Courrier International a aussi sorti un hors-série
"L'islam en débat".
2 commentaires:
Il m'arrivait d'écouter "Culture d'Islam" l'émission d'Abdelwahab Meddeb au début, en trouvant un peu énervant cette intrusion du religieux dans ma radio, ( déjà qu'il y a la messe le dimanche ! ), et puis comme il avait une belle voix et un joli accent, c'était agréable de l'entendre parler de contes de fées.
Car c'est finalement de ça qu'il s'agit pour un athée, des histoires et j'aime les histoires. Maintenant, on ne va pas étudier à fond le Coran pour savoir si c'est bien justifié de se foutre sur la gueule au nom d'un dieu qui n'existe pas ?
Si ?
Ah bon !
La dime (soit le dixième de vos ressources) était aussi un impôt en France avant la révolution. Et il n'y avait pas moyen d'y échapper, catholique ou protestant.
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