Sans vouloir passer en revue tout le
vocabulaire de l'engueulade, quelques développements supplémentaires…
L'offense. À la
base : Heurt, blessure. Ou : Impression pénible, dommage (… ce qui concerne
le récepteur, la victime).
Couramment : Outrage, injure de
fait ou de parole. (Donc, encore une fois, pas grosse différence avec insulte ou injure.) Porter atteinte à –. Faire injure à –. Ne pas respecter.
Pamphlet, caricature qui offense. (Là, c'est plutôt le rôle de l'agresseur qui
est pointé.)
Par extension : offusquer,
troubler. (Côté récepteur : marque l'émotion de qui reçoit une offense ou
est choqué par un fait – qui ne le concerne pas forcément personnellement.)
Le dicton « Il n'y a que la vérité
qui offense » semble bien être devenu depuis « Il n'y a que la vérité
qui fâche », dont l'intérêt est de pointer le ressenti du récepteur, celui qui se fâche, se vit comme offensé – ou
non… soit se vexe – ou non… s'offusque – ou non. (C'est évidemment un dicton
infantile manipulateur. En réalité, non, il n'y a pas que la vérité qui fâche.)
Le sens propre et légal se limite pratiquement à l'offense au chef de l'État ou aux
chefs d'État étrangers. Passible de Cour d'Assises. Prison et/ou amende à la
clé. Encore appliqué ? Rarement, me semble-t-il, en France. (A Monaco, par
contre, l'offense à la famille princière coute cinq ans !)
Domaine religieux : le péché est
considéré comme une offense faite à Dieu.
« Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensé. » (Paroles de la prière dite "Notre Père".)
Après la question est : Qui
offense / Qui se sent offensé ?
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Le problème des définitions des
dictionnaires, on le voit, c'est qu'elles se donnent un air
d'objectivité : ceci EST une insulte, ceci EST une offense, comme si c'étaient
des choses, alors que ce sont des actes… Comme si elles avaient une
existence en soi, absolue, objective, hors de tout contexte. Comme s'il n'y
avait pas un agresseur et une victime
entourés par une société avec ses normes. Ou, pour le dire de manière plus
neutre, plus générale : un émetteur
et un récepteur inclus dans un contexte.
Autrement dit, toute offense est relative et relationnelle.
Elle vient de– ; elle s'adresse à– ;
et elle s'inscrit dans tel cadre.
On peut d'ailleurs évoquer le langage
du duel : il y a un offenseur (qui a souffleté son adversaire), un offensé
(touché dans son honneur et qui a le choix des armes) et des témoins : d'une
part, pour toucher l'honneur, l'offense doit être publique, "devant
témoins", d'où honte, humiliation ; et d'autre part, en vue du duel,
les adversaires vont choisir leurs témoins ; qui feront office de juges de
touche, de contrôleurs, d'arbitres. Même si le duel est illégal, il est socialement
encadré, codifié.
Une bagarre de rue, moins codifiée,
obéit quand même à un schéma semblable : il y a insulte de l'un, vexation en
retour, d'où coups de poing et autres… et des témoins de hasard ou
l'intervention de la police et vraisemblablement des comptes à rendre devant
une autorité.
Tout ça pour redire – j'y tiens –
qu'on ne peut pas définir ce genre de faits (les insultes, injures, offenses,
outrages, et même moqueries, ironies, caricatures…) sans prendre en compte ces trois pôles : émetteur / récepteur /
contexte. (Comme toutes les affaires humaines, en fait…)
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L'offense, pour moi, c'est
essentiellement subjectif, c'est essentiellement l'affaire de l'offensé – je
veux dire de celui qui se sent
offensé. Tout dépend de sa susceptibilité, de sa "vexabilité", donc
de sa fierté, de son orgueil, de son sens de l'honneur, quelque chose comme ça.
Et sa possession ou non de sens de l'humour. (On peut d'ailleurs opposer mot à
mot sens de l'honneur et sens de l'humour.) La caricature blesse surtout celui
qui se prend au sérieux, qui a ses certitudes, qui pense un absolu et
n'envisage pas qu'un autre pense autrement – je pense au croyant, là, bien
sûr, dont la version exacerbée est le fanatique et donc le dangereux.
(Serait à développer l'idée que la
croyance est dangereuse non parce qu'elle est une certitude mais au contraire
parce qu'elle est insure, puisque Dieu ne se montre ni ne parle. Et donc elle
s'accompagne d'une sorte de fêlure intérieure, un doute inclus… et donc de la
peur de la brisure totale – anxiété, angoisse, écroulement de tout l'être-au-monde qui est sa béquille – … d'où
la violence…)
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Paru dans Psikopat
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