(Toujours en
m'inspirant du Larousse du XXème siècle des années 30.)
L'OUTRAGE,
c'est ce qui, en fait d'offense, dépasse
les bornes. (Mais qui place les
bornes à ne pas dépasser ?) L'idée de "scandale" s'y rattache.
• Au figuré,
ça peut être la violation d'une règle, d'un droit. Ou tout tort ou
dommage : "les outrages du temps", "les outrages du
sort", "les derniers outrages" (le viol). Il peut s'agir aussi
de porter atteinte à la vérité, au bon sens, à la grammaire (comme déjà
souligné à propos de l'insulte). Et bien sûr le fameux songe d'Athalie de Jean Racine, acte II, scène 5.
C'était
pendant l'horreur d'une profonde nuit.
Ma
mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme
au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses
malheurs n'avaient point abattu sa fierté ;
Même
elle avait encor cet éclat emprunté
Dont
elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
• En droit,
c'est essentiellement le domaine des mœurs,
de la pudeur.
La loi du 2
juillet 1881 sur la presse a supprimé les délits d'"outrage à la morale
publique et religieuse" et d'"outrage à une religion reconnue par
l'État". (On revient à la question du "blasphème".) Restent les
délits d'outrage à supérieur militaire, à dépositaires de l'autorité et de la
force publique dans l'exercice de leur fonction (policier, magistrat, etc.…)
Reste aussi
l'outrage public à la pudeur, fondé sur des faits concrets (l'exhibitionnisme).
L'outrage aux
bonnes mœurs, fondé sur paroles, écrits, dessins, etc., s'il est encore dans la
loi, n'est plus que rarement condamné. (Sinon, ça n'arrêterait pas !)
• Dans le
quotidien. Propos outrageant, toutes les insultes et calomnies les plus
violentes, donc, mais aussi l'offre ou la proposition outrageante (ça peut être l'offre d'un pot-de-vin, ce qui outrage
ma moralité, ou la proposition d'un salaire tellement bas que ça en est
outrageant à ma valeur, humiliant, donc, et par là injurieux.) Tout cela met en
jeu pas mal de subtilités dans les rapports humains et l'état sociétal. La
proposition « Voulez vous coucher avec moi ? » peut être vécue
comme purement pragmatique, flatteuse ou outrageante selon la moralité de
chacun/une et le contexte (en famille, à l'église, au bureau, dans une boite
échangiste, etc., etc.)
• Subtilités
sémantiques. "Outrageux" désigne ce qui est "outrageux par
soi-même", en soi, par sa nature même (le dico ne fournit pas
d'exemples…). Alors que "outrageant" suppose un acte, l'application
de quelqu'un à quelqu'un. Personnellement j'ai du mal à imaginer ce qui
pourrait être outrageux en soi. Une merde, c'est juste un caca, ça n'est un
outrage que si c'est appliqué par quelqu'un à quelqu'un, et donc alors
"outrageant". Après il y a bien sûr des gens qui ont une telle
capacité à s'offusquer qu'ils ressentent comme un outrage personnel la seule
présence hasardeuse d'une merde sur un chemin à leur passage. Mais là, n'est-ce
pas leur problème ? (Voire un problème psychiatrique…)
Mais la clé de
la différence est sans doute liée à l'intention
par opposition au hasard. Une merde déposée volontairement par un passant sur
mon paillasson sera outrageante, alors que apportée par le vent elle sera
outrageuse (encore que… pour moi, elle sera seulement une saleté à nettoyer,
pas un outrage à ma sensibilité).
••••••••••
OUTRANCE
L'histrion
démagogue confond l'outrance et la franchise et, plus grave, nous fait
confondre l'outrance et la franchise. (D'après Raphaël Enthoven dans Philosophie
Magazine N° 47 : mais tout serait à reprendre.)
Ce terme apparait par ci par là, à
propos de caricature, d'offense, d'outrage.
Alors outre, outrer, outrance,
outrancier, il s'agit toujours d'aller au delà (outremer), ou d'être en plus,
en sus (en outre = de plus ; outre que… = en plus du fait que… ;
apporter, outre des témoignages, des preuves écrites), et donc aussi de pousser
à l'excès, d'exagérer, sans borne, sans trêve (outre mesure = à l'excès).
Noter que des propos outrés (= outranciers), seront perçus
comme outrageants par le récepteur qui en sera outré (= scandalisé).
L'outrecuidance est une présomption
impertinente, une confiance excessive en soi-même, l'arrogance en penser et en
parler. (Cuider est un vieux français pour penser ou croire, non pas dans le
sens d'une croyance, plutôt comme on dit croire en soi. « Il s'y croit,
lui ». Cuider vient de cogitare. En ce sens, Descartes est outrecuidant
quand il dit « Cogito ergo sum ». Hum, je ne suis pas sur qu'un philosophe
sérieux approuve…)
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