J'ai suggéré le territoire
comme "paysage".
Lieu(x), surface habitée,
mœurs, habitus, langue. (Je réagis aussi très mal aux dégradations de la
langue, à la mésorthographe* envahissante, alors même que j'accepte fort bien
l'introduction de mots étrangers, les néologismes, les réformes de
l'orthographe… J'écris d'ailleurs selon la "nouvelle orthographe
recommandée" **.)
Une Culture, c'est une
sorte de paysage. Au sens géographique et climatique d'abord : les habitants
d'un pays d'herbe, de vaches et de pommiers ne sont pas tout à fait les mêmes
gens qui habitent un pays de sable, palmiers et chèvres. Mais ça concerne tout autant
sinon plus le paysage urbain, tout ce qui fait qu'on connait et reconnait son pays
et son quartier : l'architecture et la décoration façonnés par les
siècles, les magasins et magazines, les boucheries-charcuteries, bureaux de
tabac, troquets, terrasses, bière et vin, cinémas, salles de concert, musées,
églises (même si on ne fréquente pas forcément les uns et les autres). On
pourrait dire "le paysage humain". Ceci incluant le paysage
sonore : les sons, celui de la langue, des cloches, des musiques de rue,
etc. Et même celui des bagnoles, des trains et des pompiers… Et même les
odeurs…
… Paysages où un étranger
en costume civil, quelle que soit la couleur de sa peau, passe fort bien, alors
que passe mal l'homme en barbe, djellaba et chéchia ou la femme en burqa… de
même que la mosquée, son minaret et son muézin wahhabite qui incante si mal…
Sans doute aussi sommes-nous hérissés, à l'oreille, par les langues gutturales
avec leurs rauquements. L'allemand (langue de gens qui nous ont occupés, quand
même…), l'espagnol (on a tout le temps l'impression qu'ils s'engueulent) et
donc l'arabe.
Il y a aussi sans doute,
où se loge la xénophobie primaire, un point d'achoppement très particulier sur
la bouffe. Pour nous qui sommes issus d'une culture-religion qui n'a pas mis de
tabou sur la nourriture, les tabous des autres, hallal ou cacher, ni
cochonnailles ni alcool, semblent ridicules… ou même nous irritent, comme si ça
touchait au plus profond de notre identité ou culture… (On est bien français,
quand même !)
Et "les autres" nous
le reprochent, et nous le reprochent chez
nous. « Non mais qu'est-ce
qu'ils se permettent ?! Ils nous détestent parce qu'on mange du porc ?!
N'importe quoi ! C'est comme s'ils nous reprochaient d'être français. D'autant
plus que nous adorons le couscous, c'est-à-dire que nous faisons preuve d'une
tolérance et mieux, d'une appréciation, que "eux" ne réciproquent
pas ! Ils pourraient faire un effort ! »
Évidemment, le paysage n'est pas fixé-figé une fois pour toute.
Évidemment, on s'adapte, autant que possible.
Mutuellement, autant que possible.
On fait des efforts, oui. On fait des pas l'un vers
l'autre. Et si "l'autre" a plus de pas à faire, c'est qu'il est là
depuis moins longtemps. Ce n'est pas un reproche ni même une exigence, c'est le
constat d'une réalité historique et anthropologique. Il a plus à apprendre (en
tout cas s'il veut réellement vivre
dans ce paysage), à commencer par la langue, la bouffe, le costume, les
mœurs…
(à suivre)
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