Les promoteurs de l'écriture inclusive ne vont pas assez loin. Je
propose une modification beaucoup plus fondamentale de la langue française avec
l'écriture neutre. J'entends par là
non seulement l'idée d'instituer un genre neutre comme le fait l'anglais qui
n'applique le masculin et le féminin qu'aux personnes humaines et laisse dans
le neutre tout le reste, les choses (sauf les bateaux, qui sont féminins).
Mais cela même ne va pas assez loin. Il
s'agit de supprimer le masculin et le féminin, de mettre TOUT au genre neutre.
Déjà, créer ce vocabulaire neutre et
son orthographe neutre n'est peut-être pas simple. Essayons en essayant de justement
faire simple (aller au plus simple).
Ainsi, nous allons remplacer LE et LA
par LO (par exemple – j'ai essayé EL mais il y a des problèmes de
prononciation).
UN et UNE par ON.
IL et ELLE par OL.
SON et SA, TON et TA, MON et MA par SO,
TO, MO…
DU et DE LA par DO.
(J'ai choisi le O dans bien des cas
pour essayer de produire des mots simples qui n'existent pas déjà. Sera-ce
lisible et prononçable ? On verra à l'usage.)
CELUI et CELLE par CEL.
CE et CETTE par CET.
Déjà, bien des noms de choses
pourraient aussi bien être féminins que masculins : un cadre pourrait aussi bien être une cadre et donc supporterait bien un neutre : on cadre. Une chaise pourrait aussi bien être un objet masculin, un chaise, donc au neutre : on chaise. J'ai choisi exprès deux mots
se finissant en -e, ce qui est bien souvent le signe du féminin, mais pas
toujours, comme le montre le mot cadre. On aura sans doute quelques difficultés
avec des noms plus genrés dans leur
écriture même : bicyclette ou moulinette, abeille ou escarcelle… Il semble que
les choses masculines n'aient que rarement des marques orthographique de
masculin alors que les féminines d'avantage, comme s'il fallait ajouter quelque
chose au masculin pour faire du féminin : le moulinet a sa moulinette alors que
la bicyclette n'a pas son bicyclet.
Pour les adjectifs, il y aura sans
doute plus de problèmes que pour les noms. Problèmes parfois facilement
solubles : BEAU et BELLE seront remplacé par BEL. Mais GROS et GROSSE ? À
vouloir faire simple, je choisirai GROS… mais c'est retomber dans la domination
du masculin. Alors GRO ? et réserver le GROS au pluriel ? De même,
TOUT ou TOUTE par TOU ?
Pour
tester, je prends un texte célèbre…
« Longtemps, je me suis couché de
bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite
que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Et,
une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil
m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans
les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de
faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient
pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce
dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier
et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon
réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur
mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus
allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la
métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se
détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je
recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une
obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour
mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause,
incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle
heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des trains qui, plus ou
moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les
distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte
vers la station prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé
dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des lieux nouveaux, à des actes
inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui
le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du
retour. »
…
et je le traduis en neutre.
« Longtemps, je me suis couché de bon heur (de bonheur ?!). Parfois, à peine mo bougi éteint, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas lo temps de me dire : « Je
m’endors. » Et, on demi-heure
après, lo penser (forme verbale neutre) qu’il (problème
! le il impersonnel de il pleut, il est temps… gardons le, pour voir) était
temps de chercher lo sommeil
m’éveillait ; je voulais poser lo
volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler mo lumièr ; je n’avais pas cessé en
dormant de faire des réflexions sur ça
que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris on tour on peu particuliet (j'ai
choisi ce -et final au lieu du -er masculin qui suppose sa féminisation en
ère) ; il me semblait que j’étais moi-même ce (?) dont parlait l’ouvrage : on églis, on quatuor, lo
rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cet croyance (problème ?) survivait pendant quelques secondes
à mo réveil ; ol ne choquait pas mo raison mais pesait
comme des écails sur mes yeux et les
empêchait de se rendre compte que lo
bougeoir n’était plus allumé (problème :
le choix de la simplicité pour l'accord mène à privilégier le masculin… ou
alors il faut inventer du vraiment neuf dans les conjugaisons : allumet ?).
Puis ol commençait à me devenir
inintelligible, comme après lo
métempsycose les pensers d’on existant
(?) antérieur ; lo sujet do
livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ;
aussitôt je recouvrais lo vut et
j’étais bien étonné (étonnet ?)
de trouver autour de moi on
obscurité, dou (problème avec
doux-douce…) et reposant pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mo esprit, à qui ol apparaissait comme on
chose sans cause, incompréhensible, comme on chose vraiment obscurt (dans bien des cas, un -t final
pourrait signaler le neutre en barrant la tendance à ajouter le -e féminin…).
Je me demandais quod (quid ?) heure
il pouvait être ; j’entendais lo
sifflement des trains qui, plus ou moins
éloignet, comme lo chant d’on oiseau dans on forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendut de lo campagne
désert où lo voyageut se hâte vers lo
station prochaint ; et lo petit chemin qu'ol suit va être gravet
dans so souvenir par l’excitation qu’ol doit à des lieux nouvos, à des actes inaccoutumets, à lo causerit récent et aux adieux sous lo lampe étranget qui lo suivent
encore dans lo silence de lo nuit, à lo douceur prochain do retour. »
Conclusion :
LOL !
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