Dépotoir
Dans le long automne du chaos entropique (l'automne
envoutant), le dernier été d'espoir est menacé d'expulsion. Il faut encore de
la lumière car l'automne aux lèvres rouges est éteint.
Les esprits de la forêt
réinventent les paysages. Les plus âgées des fées, assises entre deux parenthèses
enchantées, mangeant la soupe d'anges, ne vont pas tarder à servir de quatre-heure
à l'ogre Érébus.
L'outrage a commencé des meubles de salon. Comme dans
un rêve, le chat Marmiton danse une pavane pleine de morgue. (L'hiver, tous les
chats sont verts.)
Les fruits et légumes reprennent du poil de la bête. Des
poires malveillantes nous observent du fond des Sargasses, muettes, elles
plient leur peau dans les courroux marins, vaches grasses. (Vois l'étroit
visage de la peur dans le détroit de Magellan. Entends le tremblement terrestre
des orgues des quarantaines rugissantes. Entends l'esprit des eaux et son
ondine aux cris acrimonieux. Le rire éclaté de la déesse aux cheveux verts
résonne par delà les étoiles. Les sirènes hantent.)
Le piano à neuf queues et
neuf vies est tapi dans un coin du salon. Le lustre – qui l'eut
cru ¿ – se reflète dans le dallage à carreaux blancs et bleus de
l'étage. Les étagères abandonnées flottent au gré des rayons vides de la lune. Les
livres éparpillent sur le tapis leur typographie et leurs gravures.
Au bout de soixante
minutes, la lampe s'éteint. Une voix sort du piano, interrogative : « C'est
l'heure ? Déjà ? » Le ciel me tombe sur la tête, à moins que ce
soit le contraire.
Le four a un dernier
soubresaut, la table ment mais ne se rend pas. (La parole des tables est
mystérieuse et maigre.) Ainsi finit la guerre des croutons, avec ses chevaux
noirs, ses cavernes sculptées, ses oracles inattendus. Le lendemain, livide,
c'est la paix comme de l'huile.
Mes vêtements m'attendent
étalés sur mon lit, avides. (Le chapeau haute forme, la cravate blanche,
l'habit en queue de poisson.)
Sauvages nous sommes, sauvages nous restons, même
habillés de pied en cap de costumes de flanelle, chemises, cravates, chapeaux,
chaussettes en nylon et souliers en cuir ajouré. Des forces maléfiques nous
guident. Les cheminées fument, nous aussi. Faute de boire des coups, nous en
recevons. Nous en donnons aussi, à abrutir des bœufs. Les matins sont
sanglants, les éléphants sont nus : les habiller reviendrait bien trop
cher. Les femmes essuient des rafales de perles. C'est tout un pan de la
civilisation qui sombre dans le guacamole.
Mais 68 sondait les cœurs, ses barricades
mystérieuses et ses palissades salies par Monsieur de la Police, où, de glisse
en glissade, s'étala un récit mêlant colique, répulsion atavique, gueule
d'atmosphère et langue de bois.
Le vent se lève. La réalité nous trahit. Tout ce
qu'on a abandonné derrière nous, toutes ces chambres laissées vides…
Cassandre la prophétesse
parie sur l'avenir. Mais si elle gagne, elle perd, car nous n'aimons pas les
oracles, les prophètes de malheur, les profilers
du futur, prophylactiques cordons bleus sanitaires. Nous préférons les
banana-splits et la confiture de pirates, et nous avons l'insouciance orageuse.
Nous pendrons Cassandre.
Les escargots assoupi dans les lieux secrets s'expriment
par énigmes spiralées.
La radio ne sait plus quoi
dire.
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Dada reste.
Le mouvement surréaliste, a priori anti
institutionnel et subversif (héritage de Dada) s'institutionnalisa et Breton
fut pape. Tout mouvement subversif, qu'il soit artistique ou politique, devrait
se saborder avant de s'institutionnaliser.
Que restera-t-il du mouvement surréaliste ?
Quelques peintres dissidents (ceux que Breton a exclus) comme Magritte.
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