Le jour des valises bleues.
Ce
jour-là, dans l'aéroport de Roissy, à l'arrivée du vol Air-France 714
Tahiti-Paris, sur le tapis de récupération des bagages, toutes les valises
étaient semblables. Bleues.
Il
y eut quelques échanges, quelques engueulades, quelques vols, quelques
abandons. Les services de sécurité de l'aéroport en firent sauter quelques
unes – on ne sait jamais. Certains voyageurs partirent nus à la recherche
d'un taxi.
Pour
finir, comme ça tournait à la panique, on parqua les voyageurs, on étala les
valises bleues et on les ouvrit. Elles contenaient toutes la même chose :
slips, tee-shirts, chaussettes, trousses de toilette, barre chocolatée, et un
exemplaire de "l'Étranger" de Camus en édition de poche. Toutes.
Chacun des voyageurs s'empara de l'une d'entre elles et rentra chez lui.
Conclusion
émise par les services de sécurité de l'aéroport : il est nécessaire et
indispensable d'étiqueter soigneusement ses bagages.
Conclusion
seconde : désolé, ça ne sert à rien.
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Dernier souffle.
L'acteur
ne se sentait pas libre car le souffleur était dans le trou – en dessous –
et il lui soufflait son rôle. Pris de rage (sous l'influence d'une récente
lecture de Sigmund Freud), il le chopa par le col et l'arracha hors de sa
cachette, le fit monter sur scène, l'exhiba, le dénonça.
—
Va-Z-y, toi, joue le rôle puisque tu sais tout si bien ! Moi, je me casse.
—
Mais… je ne suis que le souffleur, je ne suis ni acteur ni auteur, je ne suis
qu'une voix de passage, l'hôte à travers lequel passe le texte…
—
Et l'auteur, alors ?
—
L'auteur ? Il est mort. Un auteur de théâtre est forcément mort, tu sais
bien. Son fantôme est en bas, qui me souffle…
Le
souffleur à ces mots plongea le bras dans son trou et en tira un squelette
blanchi par les ans.
La
salle applaudit bien fort.
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Gloria
Elle
s'appelle Gloria. C'est une petite fille à l'abandon, cinq ou six ans peut-être,
à la peau sombre et à la touffe de cheveux ébouriffés. Ses yeux irradient des
étoiles. Elle est remontée des temps d'avant, ce qu'on appelle préhistoire
parce que personne alors n'écrivait l'histoire. Elle est destinée à sauver le
monde.
(Beaucoup
plus tard, j'ai vu "Les Bêtes du Sud sauvage". Là, elle ne s'appelle
pas Gloria mais Hushpuppy, mais je l'ai reconnue.)
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La pyrotechnique des plaques
Le
clown du cirque de Gavarnie, atteint de pyrénéisme, essayait de faire tomber sa
fièvre du haut du Pic du Midi.
Après
avoir fait le mur, il franchit le col. Titubant sur ses tibia, il tomba bas et
se fractura le périnée.
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