mardi 12 avril 2011

Fukushima dans la colle


LO N° 439 (12/04/11)
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BONNES NOUVELLES…?
Les recherches de gaz de schiste seraient stoppées officiellement…? La fermeture de la centrale nuke de Fessenheim serait pré-programmée…? La loi burqa serait en vigueur…? Il serait impossible de baisser le prix à la pompe…? Les décès routiers concerneraient principalement les deux roues…? (Les …? sont là à titre de réserve prudente.)
(Que les Verts et à leur suite toute la municipalité de Strasbourg "profite" de l'accident de Fukushima pour demander la fermeture de Fessenheim n'a rien d'un opportunisme politique "indécent". Quand les choses se précipitent quelque part, il ne faut pas s'étonner qu'elles fassent tâche d'huile… ou du précipité qui se fait dans les pensées, paroles et actes ailleurs. La seule vertu des catastrophes est justement d'entraîner des prises de conscience et d'accélérer l'histoire.)
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BONNES QUESTIONS
Prix de l'essence : faut-il renoncer à sa voiture ?
Prix du gaz : faut-il renoncer à manger cuit ?
Démantèlement de l'hôpital public : faut-il renoncer à se soigner ?
Démantèlement de l'éducation nationale : faut-il renoncer à apprendre à lire ?
Catastrophe de Fukushima : faut-il sortir du nucléaire ?


A paraître dans Zélium N° 3, qui passe à un format plus raisonnable et tout en couleurs.
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ULTIME ATÔME (réapprendre à penser le temps)
Il y a quelque chose comme un "principe de réalité" nucléaire. Il se fait oublier pendant des années. Et puis, périodiquement, il se rappelle à nous..
La catastrophe de Tchernobyl n'a pas eu lieu il y a 25 ans : la catastrophe de Tchernobyl dure depuis 25 ans.
Après le traumatisme ukrainien, l'été déjà ponais.
Fukushima, axiden nivo 7 (la radioactivité na pa dinfluens sur léta du servo umin, mersi.)
Signé : Un tsunami qui vous veut du bien
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Il est indécent de profiter du malheur des autres pour se faire de la pub ("économie de catastrophe"). Je tiens cependant à signaler ou rappeler que Le Monde d'Arkadi est une BD manifestement anti-nucléaire.
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THE BIG ONE
— Quand une centrale pète, d'habitude, c'est loin de chez nous dans un pays arriéré de l'ex Union soviétique. Maintenant, c'est différent : au Japon, le pays phare de l'avenir du monde, et en direct à la télé. En direct à la télé. Que faire alors ?
— Interdire la télé.
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Une éolienne qui alimente un village se casse la gueule, tuant une vache et trois poules. Une centrale nucléaire pète, irradiant des milliers de gens et contaminant les terres et les eaux pour mille ans… Petite source d'énergie, petite catastrophe. Grosse source d'énergie, grosse catastrophe.
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LE HASARD ET LA NÉCESSITÉ
Hasard > la catastrophe.
Nécessité > le nouveau.
Le hasard est la conjonction de circonstances malheureuses (loi de Murphy ou cygne noir), ce qui ne veut pas dire que ça n'arrive pas. Au contraire : c'est la  définition même de la catastrophe. Dans le théâtre grec antique, la catastrophe est le retournement final d'une tragédie, coupure du discours, point de rupture où souvent intervient un deus ex machina, moment clé où le destin, s'accomplissant, se révèle complètement : le terme apocalypse ne signifie pas la destruction, à la base, mais la révélation.
L'humanité est un système doué de capacité d'apprentissage, individuellement et collectivement. Face à la catastrophe ou à l'usure, le nouveau ne demande qu'à naître. Mais le nouveau arrive quand il veut, sur ses pattes de velours ou à grand branle-bas, alors qu'on en a besoin très vite. Nécessité : nouvelle manière de vivre et/ou nouveaux moyens de production d'énergie. Mais aussi : nécessité de TRÈS VITE.
Peut-on choisir par référendum entre la peste et le choléra, entre un changement de vie profond et la poursuite du tout énergie, tout électrique, tout nucléaire ? (Et quand je dis poursuite, je ne sais lequel poursuit l'autre et lequel fuit. L"homme poursuivant le nucléaire, c'est la catastrophe poursuivant l'homme comme l'allégorie de la justice poursuivant le crime… Quant à fuir, les réacteurs éventrés s'en chargent…)
Quant à travailler activement à développer des énergies alternatives, voici le nœud essentiel : cela ne pourra se faire – les industriels ne s'y mettront vraiment – que quand on sera certain que les centrales nucléaires vont être arrêtées prochainement et définitivement.
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LA VIE CHEZ LES SUICIDÉS
Japon. Les liquidateurs de Fukushima sont très bien payés. Pas longtemps.
Libye. « On a vu arriver les avions de la coalition anti-khadafi, alors, de joie, on a tiré en l'air. Et ces cons-là nous ont bombardés ! »
France. Pour Pâques, à Nîmes, on verra une reconstitution des fêtes romaines antiques dans les arènes (romaines et antiques) : courses de chars-ben-hur, gladiateurs électriques et chrétiens jetés aux lions.
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TOUCHE PAS À MON DESPOTE
L'actualité libyenne nous rappelle, au cas où on l'aurait oublié qu'un tyran (dictateur, autocrate…) non seulement exploite son peuple, mais aussi tue son peuple. Le dictateur n'a pas de peuple. Le dictateur fonctionne en free-lance. Le dictateur n'attend rien, n'apprend rien de la réalité. La tragédie qu'il génère lui glisse sur la peau. Le dictateur prend la pose et la garde. Grimace, fétiche, statue – d'acier boulonné mais creuse. Par les fêlures de la statue, un fantôme s'évapore. Et la tragédie des peuples devient drame, puis mélodrame, comédie puis bouffonnerie.
« Y a le feu au QG. À votre bunker, Messieurs-Dames ! » (Alain Bashung)
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AVEUGLEMENT
Il fait noir comme dans le trou du Q d'un n'yvoirien.
Que Gbagbo apparaisse suant et humilié lors de son arrestation, c'est bien normal. On a vu pire avec Saddam ou Ceaucescu. Faut-il lui offrir une cellule psychologique ? A vrai dire, personnellement, je n'ai rien contre Gbagbo, pas plus que pour ou contre Ouattara. A part quelque chose dans l'expression. Il n'est pas besoin d'être un génie de l'analyse des micro-expressions, comme Tim Roth dans la série Lie to me, pour remarquer la récurrence sur sa face d'un rictus méprisant.
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TECTONIQUE DES PLAQUES MÉDIATIQUES
La plaque Côte d'Ivoire heurte la plaque Libye qui heurte la plaque Japon (ou vice versa). Séisme. Au même moment, chez nous, on parlait d'un tsunami de migrants en provenance du Maghreb. La réalité dépasse la métaphore. (On a même parlé d'un tsunami électoral anti-UMP – voire d'une vague bleu marine – lors des élection des cantonniers, ce qui est quelque peu exagéré.)
La pensée magique est partout : à Bahreïn, les autorités abattent le monument de la place de la Perle de Manama, devenu le lieu de rendez-vous et symbole de la révolte populaire. # Le gouvernement annonce sur la télévision d'État BTV que le monument a été « violé » et « désacralisé » par les manifestants et qu'il fallait le « nettoyer » (Wikipedia) #
L'obscénité de la semaine c'est Berlusconi qui fait un tour à Lampedusa, pas pour compatir avec les migrants, pour s'acheter une villa. (Mais la visite de la marine (front) nationale en ces mêmes lieux en est une autre, d'obscénité.)



A paraître dans Zélium N° 3