dimanche 30 janvier 2011

SOMETHING'S COMIN' UP


LO N°432. 29 01 11
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— Eric Zemmour poursuivi pour incitation à la haine raciale.
— C'est pas gentil, ce qu'il a dit des dealers, qu'ils seraient en majorité noirs ou arabes.
— Mais tant qu'il ne dit pas que les noirs et les arabes sont en majorité dealers
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Confirmation ou presque. Les espions de chez Renault auraient des comptes en Suisse et au Liechtenstein, alimentés, semble-t-il, par une société chinoise. On accuse "la Chine", donc. Ou "les Chinois". Le gouvernement chinois réagit contre les accusations.
Sur le plan du langage, de comment on présente les choses, je risque une comparaison avec l'affaire des caricatures de Momo : les musulmans des pays musulmans s'en sont pris au Danemark, mais le responsable n'est pas "le Danemark" (Etat), c'est un journal danois, indépendant du gouvernement, dans un pays ou la presse est libre. Ce n'est pas non plus "les Danois", mais quelques caricaturiste et un journal, lequel n'est pas une émanation de tout le peuple Danois ni de son gouvernement. Apparemment l'individualisme et l'indépendance occidentaux sont mal compris des musulmans des pays musulmans. De même les terroristes de l'AQMI considèrent tout Français comme un "soldat de Sarkozy", d'où les enlèvements. Nous ferions bien, donc, de ne pas accuser "la Chine" ou "les Chinois", mais seulement cette société industrielle (chinoise) qui payerait les espions. Evidemment, dans le cas de la Chine (contrairement aux Etats libéraux comme le Danemark), comme il s'agit d'un Etat communiste, on a plus facilement tendance à faire l'amalgame entre une société industrielle chinoise, l'Etat chinois, le peuple chinois. (En plus, ils ont tous la même tête, ces gens-là…) (Enfin, ne généralisons pas…)
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Après que Michèle Alliot-Marie ait proposé une coopération en matière de maintien de l'ordre et de gestion des manifestations, suggérant que « le savoir-faire, reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité, permette de régler des situations sécuritaires de ce type » (quel manque de tact !), on a pu lire sur une pancarte des révoltés : « Le peuple tunisien propose son expertise au peuple français ».
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Mot branché. Qu'est-ce qu'un hipster ? A priori un pantalon (ou une jupe) taille basse. Mais aussi "le branché du coin".
# In 2003 Robert Lanham's satirical book The Hipster Handbook described hipsters as young people with "... mop-top haircuts, swinging retro pocketbooks, talking on cell phones, smoking European cigarettes... strutting in platform shoes with a biography of Che Guevara sticking out of their bags." #
Un rebelle passif, un révolutionnaire mou, quoi…
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« MOU, BARACK ? »
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Inondations désastreuses en Australie. Un jour peut-être, Uluru (Ayers Rock) sera une île où tous les aborigènes se réuniront pour chanter et jouer du didjeridoo, tandis que les colons blancs auront disparu corps et biens.
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Inondations et glissements de terrain au Brésil. Les JO de 2016 auront deux nouvelles disciplines : le surf sur coulée de boue et le tir aux narcos dans les favelas. (Humour noir… désolé…)
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Un an après son agression, la comédienne-auteur Rayhana publie "Le prix de la liberté" chez Flammarion. Et elle joue toujours "A mon âge, je me cache encore pour fumer" au théâtre des Métallos, à Paris. (Cf LO 355)
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Tunisie, Algérie, Egypte…  Et la Lybie ? Tiens, personne ne parle de la Lybie ! (L'alibi.)
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— Le Pen se retire.
— Trop tard : fallait se retirer avant éjaculation. Maintenant, Marine est adoubée à 68%.
— Va te faire adouber, tiens !
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Bakchich, l'hebdo, a déposé le bilan. Le site continue tant qu'il pourra… Quel est le problème ? Le même que pour les autres, Siné, La Mèche, Fakir, etc.… Même avec beaucoup de bonne volonté, tout ça coûte du temps, du travail, de l'argent, et ne peut vivre que par le nombre de ses lecteurs… peut-être bien que le plan "hebdo satirique", c'est râpé.
Pourtant, maintenant, bonne nouvelle, bientôt un nouveau ! Zélium, franco-belge, 24 pages au format du Canard Enchaîné, partie en N&B, partie en couleurs. Mensuel, en kiosques et librairies dès février, la 11 (Le 11 02 2011, date palindrome). Pas d'abonnements. J'en serai.
http://zelium.over-blog.com/pages/Espace_presse--1141838.html
(Je devrais être aussi dans le prochain Psikopat – maintenant en couleurs.)
Pendant ce temps, France Soir, repris depuis plus d'un an par un fils d'homme d'affaires russe, relancé à grands coups de pub, remonté de 20 000 à 75 000 ex vendus, continue à perdre quand même deux millions par mois. Nouvelle formule en préparation, fond et forme. Le projet est de monter à 150 000, sinon "couic !" (Personnellement, France Soir, avec ses faits divers, des strips de BD © Opera Mundi et Le crime ne paie pas… c'est une autre époque et je m'en fous un peu.)
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Les lois sur les conflits d'intérêt ont à peu près autant d'efficacité que les lois sur la récidive. Confit… ConflitureConflit Convergence d'intérêts. Affaire du Médiator. Se rappeler quand même que le cabinet d'avocat d'affaires de Nénesse s'occupait (ou s'occupe encore ?) des intérêts du labo Servier… Et que, plus récemment, le même Nénesse a offert la Grand Croix de la Légion d'Honneur à ce Monsieur Servier… Et on critique Ben Ali et sa gestion mafieuse de l'économie tunisienne… et Berlusconi…
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Découvert le nouveau clip de AaRON, "Seeds of gold". J'aime ce groupe depuis leur première apparition avec "Lili (U-turn)" qui était la chanson du film "Je vais bien, ne t'en fais pas" (pas vu… un titre comme ça, faut dire…) Et dans le premier single qui contenait cette chanson, ils avaient aussi fait une reprise de la plus belle chanson de tous les temps "Famous blue raincoat", de Leonard Cohen. Maintenant, sur "Seeds of gold" (Graines d'or), on voit le chanteur faire du stop dans une contrée désertique (peut-être en Islande), il est pris dans une grosse voiture conduite par un type à lunettes et nœud pap' (le pianiste, si je ne me trompe). Plus loin, sur le bas-côté, une bagnole brûle. Plus loin encore, des gens, femmes et hommes en costumes de ville, courent au ralenti. Le conducteur arrête sa caisse et sort des jumelles. Ils suivent les autres. Tous grimpent une colline. Au sommet tous observent le lointain avec des jumelles. On ne saura jamais ce qu'ils voient… Même pas une lueur dorée au lointain, qui pourrait justifier le titre. (Dans les plans précédents, pourtant, ils semblaient courir vers un lever de soleil…)
C'est beau et un peu frustrant… Ça pourrait faire l'objet d'un concours de devinette : fin ouverte – imaginez la suite.
Malgré la mélancolie d'ensemble et le décor de fin du monde (on peut penser au film "La Route") les paroles suggèrent un espoir. "The seeds will give a tree / Life has a room for difference / Cause you'll rise and you'll see / Gold in your pain… / Something's coming up / Something's coming up / My friend…"
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Et en Islande, que se passe-t-il derrière les fumées du volcan Ejactafjöl ?
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SOMETHING IS COMING UP.
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Contagion, disent-ils. La liberté est une maladie contagieuse, oui.
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lundi 17 janvier 2011

Un début d'année super cool…


LO N° 431 (17/01/11)
JOURNAL DE LA PREMIÈRE DIZAINE DE 2011
(Essai de "couvrir" toute l'actualité… Exercice épuisant…)
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Samedi 1er
Rien.

Dimanche 2
LEAKS. Socialiste parti. Manuel Valls veut "déverrouiller les 35 heures". Apparemment, il trouve que travailler plus, c'est mieux. Hé oui, la France aussi a des fuites : on perd des socialistes à chaque instant.

Lundi 3
FRANCE. Voitures brûlées dans la nuit du 31 décembre. Le silence de Brice Hortefeux en dit long.
Un disc-jockey lynché (Le public avait-il enfin compris que ce qu'il diffusait n'était PAS de la musique ?)

Mardi 4
USA. On rouvre les puits de pétrole dans le golfe du Mexique.
ÉGYPTE. Après l'attentat du 31 décembre, les Coptes se sentent menacés, en particulier pour leur jour de Noël à eux : le 6. (Hé oui, les coptes, chrétiens d'Égypte, sont orthodoxes. Du coup, le pape s'en fout un peu.)
FRANCE. PPDA accusé de plagiat dans sa biographie d'Hemingway. Comment ne pas copier quand on s'attaque à un sujet tellement déjà rebattu ? Et surtout y avait-il besoin d'une nouvelle bio d'Hemingway ?

Mercredi 5
FRANÇAFRIQUE. Roland Dumas et Jacques Vergèze soutiennent Laurent Gbagbo. Je ne sais absolument pas si les élections ont été régulières et si c'est lui ou l'autre (Alassane Ouattara) qui a été vraiment élu… mais c'est quand même un spectacle de naufrage… Alors, les deux "présidents", qu'on les mette sur un ring et qu'ils règlent ça aux poings. Ou bien les deux avocats.
FRANCE. Médiator : les révélations se succèdent. Plus de la moitié des médicaments vendus en France ne servent à rien. (Heureusement l'aspirine guérit tout.)
FRANCE/AFRIQUE/ARGENTINE. Le Paris-Dakar en Argentine. (La géographie comme la langue française ne valent plus grand chose…)

Jeudi 6
FRANCE. Opération pièces jaunes de Bernadette Chirac.
Nénesse fait ses vœux aux forces armées.
Un député dénonce le mal-parler de Nénesse. (Les exemples sont multiples. Déjà en 2007, il parlait d'un financement "pérein" des retraites. Pérein serait donc le masculin de pérenne ?)
EGYPTE : Fête de Noël copte sous haute protection. Pas d'incident majeur (à ma connaissance).

Vendredi 7
FRANCE/CHINE. Espionnage chez Renault : on accuse "La Chine" ou "les Chinois". (Mais lesquels ?) (Voir plus loin)
Conférence de la SNCF à propos du train qui a mis 25 heures de Strasbourg à Nice.
— Y a une baisse de la ponctualité… Toute une tradition qui se perd.
— Oui, mais une hausse des tarifs, ça compense.
1er conseil des ministres de l'année. Marche à pied et fanfare.
Nénesse et CarlaB à la Martinique.
QATAR. Le Qatar propose que la coupe du monde 2022 ait lieu en hiver.
FRANCE/QATAR. YAB a donné son soutien au Qatar pour la coupe du monde de foot de 2022. Pourquoi ? Parce que le Qatar a participé au financement de son film. Le Qatar, grand pays écolo, fournisseur de pétrole, accessible seulement par avion, fera un stade climatisé. Bon, de la part de YAB, ça peut faire montre d'un bel optimisme : supposer qu'en 2022, le Qatar sera encore un pays super riche fournisseur de pétrole et pas encore englouti par la montée des eaux. Ou alors il se dit qu'en 2022, il sera mort, alors il s'en fout.

Samedi 8
USA (Tucson, Arizona) : un tireur fou dans une réunion électorale démocrate. Six morts démocrates (vive la démocratie !). Sarah Palin nie toute implication : elle chassait le grizzly en Alaska, ce jour-là.

Dimanche 9
FRANÇAFRIQUE
— Prenez vos vacances au Niger. Vous n'en reviendrez pas !
— Si, les pieds devant.
Les deux Français ch'tis enlevés au Niger vendredi sont morts. (On attend incessamment la polémique. Précipitation ? Exécutés par leurs ravisseurs ou tir "ami" ?) Interview sur I-télé du porte-parole des armées. Jargon militaire imbitable : genre "plusieurs éléments terroristes ont été neutralisés" – mais la journaliste ne lâche rien, lui redemande sans cesse traduction en clair. On peut se demander à quoi sert ce jargon. A cacher la vérité ? A masquer les émotions sous une sorte de mécanique ? Sans doute, et d'abord pour les acteurs eux-mêmes : "neutraliser un élément terroriste", ce n'est pas "tuer quelqu'un" = un meurtre. Echec ou réussite de cette opération ? Réussite (et échec de l'AQMI) puisque l'enlèvement a été interrompu et les ravisseurs "neutralisés". Echec puisque les otages sont morts. (Pour qu'il y ait mensonge, il faut qu'il y ait une vérité ou une véracité.)
Finalement, Hervé Ghesquières et Stéphane Taponnier préfèrent qu'on n'essaye pas de les libérer.
FRANCE. Le laboratoire Servier reconnaît que le Mediator "a pu présenter de vrais risques pour certains patients".
53ème soldat Français tué en Afghanistan.
Retour de la neige en altitude. Crues et inondations dans le Nord (après la neige, l'inondation… Ben oui, faut bien que ça fonde et que l'eau aille quelque part…)
Nénesse en Guadeloupe. Et CarlaB de gentiment lui éponger le front et la nuque.
Coupe de France de foot. (On s'en foot).
AFRIQUE. Referendum d'indépendance pour le sud-Soudan (qui n'a pas encore de nom).
Emeutes en Algérie : on annonce trois morts.
Emeutes en Tunisie : on annonce quatre morts.
USA. Las Vegas : salon de l'électronique. Les tablettes électroniques en vedette. (Une sorte de retour aux débuts de l'écriture en Mésopotamie, quand on écrivait sur des tablettes d'argile ou de cire…)

Lundi 10
FRANCE. La cavalière disparue en forêt de Rambouillet a été retrouvé pendue.
Nouveau single de Jonnhy H, aidé par M.
Bayonne : un retraité tire sur les gens dans une laverie.
TUNISIE. La "Révolution de jasmin". Entendu : "la colère va grandissante". Non : "la colère va grandissant".
"Necolaw" (comme dit Bobama) à la Maison Blanche.


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La suite (jusqu'au dimanche 16) est toute prête, mais pas tous les plaisirs à la fois…

mercredi 12 janvier 2011

Politique-fiction 2012


LO N° 430 (12/01/11)
Un scénario de politique-fiction pour 2012
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Courrier International N°1053 (06-12 janvier 2011)
VU DU ROYAUME-UNI • Le jour où le PS implosera
Tim King réside en France depuis plus de vingt ans. Le journaliste britannique a imaginé pour Courrier international un scénario catastrophe pour la gauche à l’occasion de la présidentielle de 2012.
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Dimanche 6 mai 2012, 13 h 25. Elle se regarde dans le miroir. Ses yeux sont rouges et gonflés – il est évident qu’elle a pleuré. Elle ne peut pas y retourner dans cet état. Elle fouille dans son sac à la recherche d’un poudrier. Les salauds. Elle les déteste. Quatre heures durant, elle a appelé à l’unité et à la cohésion. Ils l’ont ignorée. Pour eux, la première secrétaire du parti pourrait aussi bien ne pas exister. Chaque fois qu’elle disait (ou criait, aussi fort qu’elle le pouvait) “Arrêtez ! Sarkozy prend le dessus, il a annulé le second tour des élections, nous seuls pouvons restaurer la démocratie !” personne ne l’écoutait, et ils se remettaient tous à se quereller. A rejeter la faute sur Untel ou Unetelle, le candidat, l’organisation, les sondages, ceux qui avaient élaboré le programme, les chargés de communication, les annonceurs, les médias. Mais surtout, sur la première secrétaire. Ils s’étaient retournés contre elle comme un seul homme, et elle avait vu la haine dans leurs yeux quand ils l’avaient mise en pièces. Puis ils s’étaient désintéressés d’elle.
Au plus profond d’elle-même, elle sait que le parti n’existe plus. Mais elle ne peut pas partir. Pas tant que Sarkozy s’accroche au pouvoir. La veille, il a annulé le second tour, prévu ce dimanche. Stupéfaction mondiale. A cause des émeutes, a-t-il dit. Du chaos dans toutes les grandes villes – voitures en flammes, écoles, mairies et édifices publics incendiés. Un chaos qu’il a lui-même engendré avec ses mesures d’austérité. Les gens n’en peuvent plus. Ils refusent de payer un centime de plus pour sauver la zone euro tant qu’ils endureront chômage, restrictions budgétaires et hausse des impôts. D’abord les Grecs, puis les Irlandais, les Portugais et maintenant les Espagnols. Alors, ils descendent dans la rue et se retrouvent face à toutes ces nouvelles polices que Sarkozy a créées depuis deux ans. Des “agents provocateurs” excitent les manifestants pour que les CRS puissent intervenir avec leurs grenades lacrymogènes et leurs Flash-Ball.
Elle mettrait sa main au feu qu’il avait tout organisé depuis le début – il savait qu’il ferait un mauvais score au premier tour. C’était son plan B. La veille, quelques minutes après son annonce, Poutine l’a salué comme un frère d’armes, un Laurent Gbagbo tout sourire lui a souhaité la bienvenue “au club”, Loukachenko l’a félicité sans la moindre trace d’humour d’avoir “retenu les leçons de l’Histoire”. Le monde occidental attend maintenant que Hu Jintao adoube le converti.
La porte des toilettes s’ouvre avec fracas et Royal entre d’un pas vif. Elle s’arrête net et jette un regard furieux, les narines frémissantes comme si elle était la reine d’Angleterre et les toilettes son lieu d’aisance personnel. “J’ai un coup de fil important à passer.” Elle essaie de déterminer, à l’expression de Royal, si celle-ci a vu qu’elle avait pleuré.
Le couloir est plein à craquer de conseillers, chargés de communication et directeurs de campagne. La plupart sont au téléphone. Quelques-uns la regardent passer avec indifférence. Elle s’arrête devant la porte de la salle de réunion. Il y règne un silence suspect. Où sont les éclats de voix, les injures perfides et les menaces ouvertes qui emplissaient l’air ces quatre dernières heures ? Elle ouvre la porte. Seules trois personnes sont encore assises devant la longue table : Claude, Jean-Christophe et Catherine. Tous les autres, debout, se sont mis à l’écart. Dos à la salle, tête baissée, ils murmurent derrière leur main. Chacun a appelé son journaliste favori pour communiquer sa version des événements – sauf Dominique, qui parle en anglais d’un ton pressant. Personne ne la remarque. Elle sort discrètement. Elle n’a pas de journaliste favori.
A l’extérieur, Badia attend avec son chariot de café. Les deux femmes se sourient sans rien dire. Badia voit, écoute et sait. Elle demande à Badia où elle va dormir cette nuit.
— Comme toutes les nuits depuis une semaine : ici. Je ne peux pas rentrer chez moi.
— A La Courneuve ?
Badia fait oui de la tête. “Vous avez vu les images ? J’ai prévenu votre ami qu’il n’arriverait
jamais jusqu’à Roissy.”
Elle s’étrangle presque avec son café. Badia lui tend une serviette en papier.
— Je lui ai dit que s’il voulait avoir le vol de ce soir, il valait mieux qu’il parte tout de suite. Quelqu’un a un travail pour lui, là-bas, à New York. Le jeune homme noir avec un costume bleu l’a dit à quelqu’un au téléphone.
Milton Carmichael. L’un des hommes de Dominique. “Celui qui fricote avec votre jeune attachée de presse, précise Badia. C’est une grosse banque, ou peut-être les Nations unies.”
Il y a moins d’une demi-heure, Dominique tapait du poing sur la table en disant qu’ils devaient résister et se battre. Il lui avait fait penser à Danton. “C’est la seule façon de le mettre hors jeu, avait-il hurlé. Nous serrer les coudes et parler d’une seule voix !" Il devait déjà être en train de consulter les horaires des vols transatlantiques.
La salle de presse bourdonne d’activité. Bien que, elle le sait, il n’y ait aucun journaliste. Depuis que la crise a éclaté, il y a dix-neuf heures, les médias les ont consciencieusement ignorés. TF1 montre Laurent Gbagbo disant à quel point il est fier de la France. Les émeutes de la nuit dernière sont, d’après France 2, “bien pires que celles de Mai 68 et Dany le Rouge (ils l’appellent à nouveau ainsi) est de retour sur le Boul’ Mich’”. Ces propos sont accompagnés d’une photo floue, prise à travers un rideau de fumée et de gaz lacrymogène, de quelqu’un qui pourrait être Cohn-Bendit en train de lancer un pavé. France 3, qui a de facto cessé d’émettre, montre les chiffres du premier tour : Sarkozy : 24,5 %, le PS 24 %, Marine Le Pen 23,5 %, divers écologistes 14,5 %, Bayrou, Mélenchon et les autres se partagent le reste. S’ils s’alliaient, ils donneraient au candidat socialiste 51 %. Tous les autres écrans – il y en a dix – sont noirs.
— Coupures de courant, explique son attachée de presse. Ou bombes incendiaires. Les seules chaînes de télévision touchées sont les indépendantes.
— Que disent les médias étrangers ?
— Barroso dit que l’Europe n’a pas à intervenir dans les affaires intérieures d’un pays. Zapatero admire le courage de Sarkozy. Merkel dit qu’elle comprend le peuple français et rejette la faute sur l’euro. Elle n’a pas parlé directement de Sarkozy…
— Et Cameron ?
— Les Anglais se soucient davantage de leur cricket. Lorsque les joueurs se sont arrêtés pour le thé, la BBC a montré des banlieues en flammes et Eva Joly déclarant que la politique de Sarkozy détruisait la couche d’ozone. Et qu’elle avait toujours su que l’élite française était corrompue.
Elle entend quelqu’un mentionner sa fonction mais pas son nom. Elle tend l’oreille. TF1. Sur l’écran, on voit un journaliste politique maigre et avide, une dangereuse lueur de fanatisme dans les yeux. Il parle des derniers documents publiés par WikiLeaks : “Un courriel adressé par la première secrétaire du Parti socialiste à Nicolas Sarkozy à la mi-avril, proposant un rendez-vous pour parler d’un pacte éventuel. La date et l’heure montrent qu’il a été envoyé quelques heures à peine après la fameuse dispute entre DSK et Royal, quand le PS semblait promis à l’implosion…”
Elle secoue la tête d’un air consterné. Y a-t-il vraiment des gens pour prendre au sérieux ces balivernes ? Elle regarde le journaliste. Lui les prend au sérieux. Il construit sa carrière sur ces mensonges.
Son téléphone vibre. Quelqu’un au moins se souvient qu’elle existe. Fut un temps, il y a quelques mois à peine, une éternité, où son téléphone n’arrêtait pas de sonner. Là, il déverse un air de fanfare tandis que les mots “Prix humour 2010” s’affichent sur l’écran.
— Oui, Eva.
Elle s’éloigne de son attachée de presse. Maintenant qu’elle sait que la fille fricote avec l’un des hommes clés de Dominique, elle comprend comment Dominique a pu anticiper tous ses plans. L’ancienne juge a l’air démoralisée. “Tu es la seule, dit-elle lentement. La seule à te soucier de l’honnêteté. Sarkozy a déclenché une réaction en chaîne et plongé le monde dans le chaos. Mais le chaos était déjà là, à attendre. Il n’a fait qu’appuyer sur le bouton. ‘Tout se disloque. Le centre ne peut tenir’*. C’est ce qui est en train de se passer ici, et chez toi aussi, rue de Solférino.
L’anarchie se déchaîne sur le monde’, enchaîne la première secrétaire, se souvenant que son père citait souvent ce poème de Yeats.
‘Comme une mer noircie de sang : partout / On noie les saints élans de l’innocence’, poursuit la Norvégienne. ‘Les meilleurs ne croient plus à rien’.
‘Les pires’, achève Martine Aubry, ‘se gonflent de l’ardeur des passions’.
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Note : * Yeats. "La Seconde Venue", traduction d’Yves Bonnefoy.


Quelques vues du chaos


LO N° 429 (07 01 11)


LES OISEAUX SE CACHENT POUR MOURIR…
Mais non, au contraire, ils tombent par terre. Bizarrement, ils ne tombent que sur les autoroutes (ou bien on ne les ramasse que là parce que c'est plus facile ?) Arkansas, Louisiane, Suède… Comme disait JCVD : « Si on enlevait l'air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre. » Ils sont cons, les oiseaux, aussi (vieux génial dessin animé de Chaval). Et les spiqueurs de se référer à Hitchcock, ce qui n'a rien à voir puisque chez lui, les oiseaux sont bien vivants et attaquent. Là, on ferait plutôt le rapport avec les baleines qui s'échouent sur les plages (globicéphales ou belugas sur le "Vu du ciel" de YAB). Ou cette formidable scène de pluies de grenouilles dans "Magnolia", film de Paul T. Anderson avec Tom Cruche, Julianne Moore et d'autres. Et bien sûr LA référence commune, une des dix plaies d'Égypte : « Aaron étendit sa main sur les eaux de l’Égypte ; et les grenouilles montèrent et couvrirent le pays d’Égypte ». (Cette scène sur la pluie de grenouilles est un phénomène météorologique qui a déjà été observé mais qui concernait plutôt des têtards (ou petits poissons) que de véritables grenouilles. (D'après Wikipedia). Et justement, ici ou là, Arkansas encore, ou Brésil, les poissons morts par milliers. Manquerait plus que des vaches s'écrasent sur les autoroutes suisses (En fait, c'est arrivé : http://paranormalnews.fr/index.php/news/259-28-vaches-tombent-dune-falaise). Et la télé nous gave de films catastrophes, et de téléfilms catastrophiques, souvent les deux à la fois. "La Tempête du siècle", "La Grande inondation", "Magma"… (Sans omettre les zinfos… et le (beau) bilan des catastrophes de l'année 2010 sur F2 – année record ! on va voir ce qu'on va voir avec 2011 !)
Et alors ? Et quoi ? La fin du monde ? En 2012, seulement en 2012, y a le temps ! On aura encore Nénesse sur le trône élyséen et Marine LP comme premier ministre, ça vous suffit pas ? Et Sarah Palin présidente aux USA, ça vous suffit pas, comme fin du monde ?¿
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CHRONIQUES DU CHAOS
Tiens, j'avais raté celle-là : « Quand la neige tombe, il faut attendre qu'elle soit tombée pour la ramasser. » (Nathalie Kosciusko-Morizet)
Oui, la neige bloque les trains, oui, et les routes, oui. Oui, les trains déraillent et les passages sont à niveau 8 sur l'échelle de Richter. Oui, les oiseaux tombent du ciel et les cygnes noir s'accumulent. Il y a quelques mois, une bagnole dérape, projette un bloc de béton sur la voie du RER, un train déraille. En Russie, il y a des années, deux trains s'étaient croisés juste à l'endroit où les voies côtoyaient un oléoduc. Qui justement à ce moment-là péta.
Le pire n'est jamais certain, peut-être. Mais c'est une question de nombre : plus il y a sur Terre de voies de chemin de fer, d'oléoducs, de routes, de bagnoles, de tuyaux de gaz, d'avions, de centrales nukes, (de gens : bientôt 7 milliards), plus il y a de chances de voir s'appliquer la loi de l'emmerdement maximum, ou loi de Murphy. C'est tout. Aucune malchance ou destin ou malédiction à déplorer. C'est juste une question de probabilités.
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QUESTION DE LISIBILITÉ
La surenchère aboutit au chaos. Ex : un chanteur se fait une crête punk. Puis (lui ou un autre) une crête verte. Puis, en plus, un tatouage, puis des tatouages (en couleurs), puis un, puis des piercings, puis du maquillage, puis une jupe… Puis des plumes au cul ? Pour finir, ça tient plus de l'arbre de Noël que du look. Illisibilité : au départ, UN signe, c'était lisible, signifiant. Une accumulation de signes, ça devient insignifiant, voire contre-signifiant.
Il en est d'ailleurs de même pour l'arbre de Noël. Au départ, une guirlande, trois boules et une étoile. Mais l'accumulation de guirlandes, étoiles et boules toutes plus clinquantes ou clignotantes les unes que les autres fait qu'on ne voit plus le sapin lui-même. L'arbre a disparu. La forêt (de guirlandes) cache l'arbre. Et c'est dommage, parce que l'essentiel symbolique de l'histoire, le signe, c'est l'arbre.
De même, pour le chanteur (ou autre individu déguisé), l'essentiel, c'est lui, l'individu, l'humain. La panoplie de signes hétéroclites cache le signe essentiel, l'essence, le sens.
Certes, tout individu existe et se manifeste (socialement, puisqu'il n'y a d'existence que sociale) à travers les signes qu'il émet, entre autres, par sa vêture. L'habit fait le moine. Mais un habit de moine + des porte-jarretelles + une crête punk + un collier à tête de mort… ça ne veut plus rien dire. Confusion. Chaos identitaire et communicationnel. Préférons un signe simple, lisible, identifiable (et donc fiable).
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CONSEILS DE VISURE ET DE LECTURE
A voir peut-être en mars : "Black Swan" (Cygne noir), avec Nathalie Portman, de Daren Aronofsky (Pi, Requiem for a dream, The fountain, The wrestler).
Quant au bouquin "Le Cygne Noir", qui n'a rien à voir, auquel j'ai dû faire allusion une fois, laissez tomber, c'est nul. Lisez plutôt "N'espérez pas vous débarrasser des livres", dialogue régalatoire entre deux érudits magnifiques, Jean-Claude Carrière et Umberto Eco. Bazardez toute votre bibliothèque, ne gardez que celui-là.
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LE PLUS EST-IL TOUJOURS LE MIEUX ?
La Science et la Technique, encouragées par l'Industrie et le Commerce (STIC), se sont développées sur le mode quantitatif. On (= une grosse part de la population, la part la plus américanisée) est encore persuadé que l'accroissement quantitatif (croissance) entraîne comme automatiquement un accroissement qualitatif (qualité de vie). C'est (peut-être ou sans doute) faux. En tout cas pas automatique, ou pas suffisant. Mais ce qui est vrai c'est qu'un accroissement quantitatif entraîne un changement qualitatif. En mieux ou en pire.
En mieux ou en pire ? C'est là que commencent à se poser les vraies questions, non quantifiables, mesurables, statisticables… donc subjectives (voire subversives), affectives, morales. Qui vont sans doute nécessiter des définitions, redéfinitions et évaluations du bonheur, du plaisir, de la joie, du confort, du bien-être… personnel et collectif…
Le bonheur, la joie… Une pub bancaire (LCL) : "Demandez plus à votre argent" : le conseiller demande à l'acteur : alors, heureux ?
Une assurance : La (MAIF ? MMA ?) "C'est le bonheur assuré".
Une pub auto (BMW) basée sur "la joie". (Ducon la joie, oui…)
Un jambon d'Aoste : "Elle est pas belle la vie ?"
Ils ne se rendent pas compte à quel point ces récupérations des concepts de bonheur ou de joie sont crétines et odieuses, philosophiquement et socialement.
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Bienheureux ceux qui ne connaissent pas la souffrance éthique, le royaume de la finance leur appartient.
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Vivez-vous chez les riches ? Savoir le revenu moyen des habitants de votre commune, ça peut être rigolo :
http://www.salairemoyen.com/
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INERTIE
« Tout corps, en mouvement rectiligne uniforme ou au repos, soumis à des forces qui se compensent, persévère dans son état. » (Newton)
L'inertie d'un corps est sa propriété de conserver une vitesse constante (ou de rester immobile) lorsque aucune force externe ne s'y applique, ou que les forces qui s'y appliquent s'équilibrent.
Ou bien : Tendance d'un corps à maintenir indéfiniment invariable son mouvement.
Ou encore : Un corps ne subissant aucune force (ou un système de forces dont la résultante est nulle) reste immobile, ou a un mouvement rectiligne uniforme.
On parle souvent de force d'inertie, mais, en fait, il n'y a pas de force d'inertie, il n'y a que des effets de l'inertie. C'est pour aller contre l'inertie qu'il faut exercer une force : pour mettre en mouvement un objet immobile ou pour arrêter ou dévier un objet en mouvement sur son élan.
L'inertie, ce n'est donc pas seulement le fait d'être incapable de se bouger, la passivité ou l'apathie. ("Indignez-vous !" comme nous y pousse Stéphane Hessel.) C'est tout autant le fait de ne pas pouvoir s'arrêter, ou changer de trajectoire, une fois le mouvement lancé. Continuer sur son élan, son allant, sa lancée. Un bateau, une fois lancé, et une fois les moteurs coupés, continue "sur son erre" – belle expression.  Un train de même. Qu'est-ce qui peut faire changer les choses emportées par l'inertie, ralentir, s'arrêter, ou changer de direction ? Le frottement de l'eau ou de l'air ? Des freins très puissants ? Une pièce qui lâche… dérailler. Ou un obstacle. La neige, un ravin, un mur… ("Un pas de côté", disait Gébé dans "L'An 01"…)
Ce qui vaut pour un train, un bateau ou "un corps" vaut pour une société, un système politique ou économique, ou pour les grandes tendances du climat.
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Signé : Arlette Orange et Alain Ternet


En bonus, la carte de vœux dessinée pour Michel "Marcus" Iarmarcovai et son club de collectionneurs LDC-Bédégrammes. Dessin qui m'a été inspiré par Marie-Claude Pietragalla et son ballet solo "Don't look back". Elle sera incessamment publiée sous forme d'ex-libris, ainsi que la mienne ("La Porte Rouge", inspirée, elle, par un plan saisi au vol dans un épisode de Maigret, période Bruno Cremer.)

mardi 4 janvier 2011

LES ÉLÉMENTS


LO N° 428 (4 janvier 2011)
LA MÈCHE
Question explosivité, La Mèche était à peu près aussi efficace que le terroriste kamikaze de Stockholm… N'empêche, on s'est bien amusé (enfin, moi, dans mon coin… mais moins qu'avec Siné-Hebdo…) Je ne tire pas sur le corbillard : les journaux, comme les gens, vivent et meurent… La Mèche avait ses qualités et ses défauts, le plus gros étant de ne pas arriver à se vendre suffisamment. Mais 13 numéros c'est pas si mal ! (Un ami me demandait, au début : mais si Siné-Hebdo a échoué, pourquoi un successeur avec les mêmes ingrédients (sauf Siné) pourrait-il réussir ? Et je lui répondais : on s'en fout ! Si ça dure trois mois, ça sera toujours ça ! J'avais vu juste !)
Le fond du problème, c'est que des canards de ce genre, il y en a déjà suffisamment. Le Canard, Charlie, Bakchich, Le Monte, Le Sarkophage, La Décroissance, Le Monde Libertaire, CQFD… pour ne citer que ceux que je vois en kiosque ou que je lis parfois. (Des déjà disparus, aussi : Kamikaze, Le Plan B… Et maintenant voilà en plus que Charlie doit payer 40 000 euros à Siné pour licenciement abusif… Bien fait pour la gueule à Val, oui, mais……… A moins que Siné, renfloué par cette manne, si elle arrive, relance Siné-Hebdo… On peut rêver.)
Il faut dire aussi que de la contestation politique en textes et en dessins d'actu, on en trouve plein, gratuite, sur le net, alors le problème des journaux contestataires est le même que celui de la presse en général : pourquoi payer et s'encombrer de papier ?
Alors quoi, passer quinzomadaire ? Mensuel ? Basculer sur le web ? Fusionner avec un ou deux des autres canards cités plus haut ? Ou avoir une ligne éditoriale plus déterminée, calculée pour ne pas faire double emploi avec les confrères ? Je crois que pas mal d'hypothèses ont été envisagées. Mais, outre les questions de personnes (la rivalité et les coups bas – ou ressentis comme tels par ceux qui ne supportent pas la critique – chez les anars aussi, ça existe…) reste toujours la question que faire un journal ça prend du temps, ça coûte de l'argent, et chacun doit bouffer tous les jours, pas seulement refaire le monde en descendant des litrons ou dans la rue en manif et en cliquant sur "j'aime" dans FaceBook.
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ÉLÉMENTS DE LANGAGE
Voitures brûlées de la nuit du 31 : « Le silence de Brice Hortefeux fait beaucoup parler de lui. » (Entendu sur une chaîne d'info)
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NEIGE EN DÉCEMBRE… NEIGE EN JANVIER.
— A pu de sel pour déneiger les routes
— A pu de glycol pour dégivrer les avions
— A pu de chalumeaux pour dégeler les rails
— Y a des pelles
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On est pris en otage par la neige !
Roselyne Bachelot achète 85 millions de tonnes de sel. Mobilisation de l'armée. On salera les routes avant que la neige tombe. En plus, on les fermera à la circulation.
Pour régler le problème des routes inclinées… Vieille blague (à dire avec l'accent suisse) : le syndic de Morges a décrété que l'on mettrait des graviers dans les descentes et non dans les montées.
Manque de prévention… ou abus du principe de précaution ? Le résultat est le même : célbordel ! Pourquoi ? Trop de routes, trop de bagnoles, trop de gens.
Encore un accident à un passage à niveau : pareil. Trop de routes, trop de bagnoles, trop de gens.
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MOLOCH !
Éléments de langage (ouvrez les guillemets) : "Les Marchés", "rassurer les marchés", "apaiser les marchés". « L'observateur reste stupéfait devant ce culte païen qui trouve dans toute démonstration de la nocivité des dieux qu'il invoque l'occasion de les révérer avec une ferveur redoublée. Marché et Emploi sont les dieux d'une religion jamais reconnue comme telle. »
LE DIEU EMPLOI
« L'emploi revêt un caractère sacré que nul ne se hasarde à remettre en cause », employeurs comme employés. (Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? Je suis employeur.) Pour le conserver, son emploi, on est prêt à sacrifier une part de ses revenus.
"Le Plein-emploi" : pour les dits "employeurs", c'est la subordination de la main d'œuvre : la garantie d'avoir des employés sous la main (d'œuvre). Pour les employés, la garantie d'un revenu. Je corrige : ce que ça représente pour les employés ou employables, cette garantie d'un revenu, est en fait un élément de chantage tout trouvé entre les mains des employeurs (potentiels). Le chantage qui asservit. La subordination des travailleurs (réduits au statut de "demandeurs d'emploi") n'est jamais aussi forte que dans une zone de sous-emploi, dans une société "en proie au chômage (endémique)". Les employeurs n'ont absolument pas intérêt au plein-emploi. Ils sont les fourbes grands prêtres exploiteurs de la croyance et du fatalisme qui caractérisent cette religion païenne.
LA RETRAITE COMME RÉVOLUTION
Pourtant il y a ça : la retraite. La retraite, prolongation à vie du salaire, est une parfaite contradiction du travail-emploi. Elle est anticapitaliste, subversive, révolutionnaire, car, fondée sur les cotisations, elle n'est pas une capitalisation (comme une assurance) ni une "propriété lucrative".
La cotisation, grande invention du XX° siècle. Le prélèvement d'une part de la "valeur ajoutée" ("richesse") constitue la part socialisée du salaire (45 %). Mais comprenons bien que cette somme, ces 45% du salaire, n'est pas dépensée ou enlevée ou perdue : elle nous est versée, elle fait partie, à long terme pour chacun et pour tous, du salaire effectivement perçu, entre autre par la pension de retraite. Imaginez qu'on supprime ça, pour faire plaisir aux employeurs qui se plaignent constamment du "coût du travail" lié aux "charges sociales". D'où sortirait-on le fric pour nourrir et soigner chômeurs, malades, retraités, handicapés ? De nulle part. Régression. Chacun pour soi et crève ! Ou de la "charité" : aides humanitaires, dons charitables. Mais la main qui donne est toujours au dessus de la main qui reçoit. Régression. Alors que le principe de la cotisation est la mutualisation : personne ne doit à personne, ou tout le monde doit à tout le monde, ce qui revient au même. C'est une appropriation collective de la richesse (ou valeur ajoutée).
On pourrait même imaginer, plutôt qu'une régression des cotisations, au contraire, une nouvelle "cotisation économique" (ponctionnant la part des profits) qui remplirait des caisses vouées à financer des investissements sans taux d'intérêts ; des prêts (d'investissement, pas de consommation) à taux zéro. Ce faisant, chacun (pas seulement les financiers ou patrons possesseurs de capital), chacun, dis-je, serait créateur, producteur de la richesse commune, et donc décideur.
SALAIRE À VIE
Si la retraite a été (et reste tant bien que mal) une grand-mère révolutionnaire, sa petite fille serait le salaire à vie.
« La pension comme salaire est une antidote à l'emploi. » Quand un salarié prend sa retraite, accède à sa pension, il peut enfin travailler uniquement en fonction de ses désirs et de sa qualification : puisque son "salaire" (pension) est garanti à vie, il n'est plus dépendant de l'offre de travail, il n'a plus à se présenter sur le "marché du travail", il ne subit plus aucun chantage asservissant d'employeurs potentiels. Pour le retraité qui "travaille", il ne s'agit pas de "s'occuper", mais de déployer sa véritable qualification. « Ces retraités trésoriers du club de football de leur quartier, ces conseillères municipales, ces producteurs de tomates biologiques, présents aux côtés de leurs petits enfant, n'exercent pas des "activités utiles" : ils travaillent, c'est-à-dire que leur activité a une valeur. Non pas une valeur symbolique : une valeur économique, exprimée dans la pension qu'ils touchent. […] La logique capitaliste voudrait que seule l'activité vouée à valoriser le capital (par la production de marchandises) soit reconnue comme du travail ; que seul l'emploi, donc, constitue la matrice du travail. Mais le conflit salarial a mis en place une autre institution, permettant de transformer l'activité en travail : le salaire à vie des retraités. »
Un passage au salaire à vie toute la vie ("revenu d'existence") ne serait qu'une généralisation des systèmes de retraite : au lieu que "seulement" 45% de nos salaires soient socialisés (mutualisés), la totalité pourrait être versé à des caisses et reversé à tous par ces caisses. Transformation radicale de la société ! Mais autre chose qu'une étatisation, les "caisses" n'étant pas étatiques, et les entreprises conservant une fraction de leur création de valeur ajoutée. Une démocratie sociale. Question classique : « Et si, comme certains retraités, les salariés ne font rien de leur qualification ? Au pire ils seront moins dangereux ou inutiles que tant de titulaires d'emploi réduits à "produire de la valeur pour l'actionnaire" dans des tâches aberrantes ; au mieux, leur prétendue oisiveté défrichera de nouveaux chemins pour le travail. » (Tout cela hâtivement résumé et largement cité entre «…», d'après Bernard Friot, socioloque, dans Le Monde Diplomatique septembre 2010. Auteur de "L'Enjeu des retraites". La Dispute, 2010.)
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« Quand on vit dans la panique, le réflexe remplace la réflexion. » (Paul Virilio)
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L'hipposuccion, c'est se faire faire une fellation par un cheval ?
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FRAGMENTS
— On a retrouvé le crâne de Henri IV.
— Je savais même pas qu'on l'avait perdu…
— Il sera remis à la famille Bourbon…
— Reste plus qu'à retrouver les morceaux de Ravaillac.
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La terreur vue du ciel



Les ans et les voeux


LO N° 427




Ca sent le sapin

LO N°426