jeudi 4 avril 2019

Une abomination (au sens laïque du terme).


Rufa, la petite sœur de Rufus Tucru l'inquiétait. Cent-cinquante kilos à quatre ans à peine, c'était trop. « Je sens que ça va mal finir », se disait-il, grossophobique, en la voyant étalée sur la moquette comme un gâteau de sargasses en forme d'étoile de mer, salé gluant céphalopode, un gros poulpe échoué mordillant son dernier bébé phoque en plastique (elle avait déjà bouffé les trois précédents). Une solution lui apparut avec le mot plastique devenant soudain plastic, c'est-à-dire cet explosif dit aussi semtex. Un bébé phoque en semtex réglerait la question.
C'était ça ou l'inscrire aux boulimique anonymes.
En ce temps-là, faut dire, on faisait exploser un peu tout et n'importe quoi. Des voitures dans les films, des nimbus et des cumulus, des démographies, des kamikazes… On balançait des bombes A sur les îles du Pacifique, comme si on avait des îles à revendre. Avant, dans certains pays d'Amérique du Sud, la police, pour lutter contre le trafic de drogue, bombardait les plantations de coca avec du glyphosate. On avait le choix pour se shooter : coke ou glyphosate. Maintenant que le glyphosate est interdit pour sauver la planète, on n'a plus que la coke perfide.
Sous un ciel couvert d'algues, Rufus Tucru, lui, sortait en escadrilles et bombardait les fourmis de son… hum… il pissait dessus, quoi. Le fait qu'il crût encore, Rufus Tucru, comme un bon tiers de la population, que le Soleil tournait autour de la Terre (qui était peut-être plate, après tout ce n'est qu'une question d'opinion) n'y changeait rien. Que la Terre soit plate ne l'empêchait pas d'être bipolaire. (Et comment monopoliser un bipolaire ?)
< Une fourmi posée sur ma main est bien forcée de croire la Terre plate >, se disait-il. Mais le témoignage d'une fourmi peut-il être considéré comme irréfragable ? Chez ses congénères, peut-être. Quant à croire que le soleil tourne autour de la Terre, c'est une évidence intuitive renouvelée chaque jour par le témoignage de nos sens. Mais ce témoignage peut-il être considéré comme irréfragable ?
Entre la réalité et l'illusion, qui l'emportera ?
(Il s'agissait avant tout, ici, de placer deux fois le terme irréfragable = qu'on ne peut récuser – terme qui concerne avant tout un témoignage.)
Le soir, Rufus Tucru avale un gaspacho. Froid. Échauffé, il entame des relations ovales avec une soeur d'artichaut violette, et son foin piquant dedans, cernant son coeur (mais pourquoi ne pas mettre ses E dans ses O ?) Les effets secondaires ne tardent pas : chute de rein, humeur au cerveau, dépression baveuse. Il finit par un brocodile, croisement pervers de brocoli et de crocodile élevé à la maison. En bocal, d'abord. Puis dans le lavabo, puis dans la baignoire.
 « J'attends toujours le dessert ! », clame-t-il à tout vent – qui lui répond avec un tapioca vengeur.



NB. Avant de se coucher, une petite séance de pandiculation favorise le sommeil (étendre les bras vers le haut, étirer les jambes vers le bas, bailler). Ne pas confondre avec la perpendiculation qui consiste au contraire à plier les bras et les jambes à 90° et ne favorise rien du tout sinon l'hilarité des observateurs.
Ne pas confondre non plus avec le patagone (une surface géométrique patatoïde), lui-même à ne pas confondre avec la 'Pataphysique (philosophie ou « science des solutions imaginaires qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité ». Noter que l'adjectif pataphysique ne comprend pas l'apostrophe du substantif).
Ni avec le pastafarisme.
Voir aussi, pour le plaisir des athées, la LRI.