mardi 31 octobre 2017

La série policière nordique…


… c'est déjà la fin ?
— Comment ça, la fin ?
C'est que les clichés et les coutures commencent à transparaitre au grand jour (au soleil de l'été suédois de Sandham)… Le flic est mal rasé, vieillissant, mutique, peut-être alcoolique, plein de problèmes personnels, genre vieille affaire non résolue, divorce en cours ou mal digéré, gérer une fille adolescente de type… euh… adolescente. (Ou un adolescent prédrogué ou une gamine hyperactive de dix ans.) Il fait équipe avec une fliquette jeune et jolie (mais pleine de problèmes personnels) ou d'âge moyen et pas jolie (et pleine de problèmes personnels). En fait, les nombreux personnages sont tous bourrés de problèmes personnels : divorce en cours ou récent pas digéré, mère ou père malade ou mourant, avoir perdu son rasoir, handicap, deuil, tentative de suicide, sourde culpabilité, déménagement en cours (plein de cartons pas défaits), chat puant… Alors ils regardent des photos avec un air triste ou ils se regardent dans la glace avec un air triste-interrogatif-anxieux. Le flic, lui, en particulier c'est une vieille affaire qui le poursuit, où il a merdé – culpabilité mal rasée. Ne pas oublier de placer une rousse, un djeun' qui a toujours l'air de cacher quelque chose (est-ce que par hasard il se droguerait ou serait homo ?) une djeune qui a toujours l'air de cacher quelque chose (est-ce que par hasard elle serait enceinte ?)
Ne pas oublier le terme "atmosphérique". Les séries, en effet, sont plus ou moins "atmosphériques". Ça tient à la lenteur, à la lumière, aux voix sourdes et surtout à la musique. Ce qui fait le lien entre toutes ces séries atmosphériques, c'est la musique. Pas vraiment des mélodies, plutôt des nappes (de brouillard) lancinantes, comme une mer perçue de loin ou la circulation automobile perçue de loin ou le vent dans les arbres.
Bien sûr, on fait un gros usage de téléphones mobiles.
— Mais ça, comme bien d'autres éléments que tu cites, c'est dans toutes les séries modernes pas seulement policières, pas seulement nordiques…
Le mobile c'est un peu comme le raccourci-clavier sur l'ordi : ça évite des déplacements, des recherches type « Où y a-t-il un téléphone, dans le coin ? » ou des chevauchées de deux jours dans le wild pour prévenir quelqu'un et arriver trop tard. Ça économise du décor. Et puis l'appel sur le mobile permet d'interrompre une conversation qui risquait de s'éterniser, ou de briser un moment d'émotion, un aveu prêt à sortir…
Un générique très graphique, style HBO, est toujours le bienvenu.
Est-ce politique ? Oui mais local : les magouilles des petits politiciens locaux qui veulent construire un barrage ou raser un refuge pour réfugiés, ou vendre un port aux Chinois, et qui, évidemment, n'aiment pas qu'on mette le nez dans leurs affaires et ont évidemment quelques amis voyous, ça peut servir.
Un curé défroqué ? Oui, avec des tendances homosexuelles inassouvies ou une vieille affaire de pédophilie, ailleurs, qui lui a valu son déplacement dans ce trou perdu et qu'il traine comme une tâche, même si personne ici n'est au courant. Culpabilité encore et toujours…
— Tu donnes toutes les recettes, là, et pas seulement chez les nordistes… mais pourquoi tu dis que c'est fini ?
C'est fini à cause des recettes, en fait. Donc à cause des répétitions, de l'abus des trucs que l'on retrouve, que l'on reconnait. Aussi à cause des imitations. Les Américains refont Millénium, pas mal, mais inutile (et sans Noomi Rapace, à quoi bon ?). Et ils refont Real Humans, remake recopie conforme au dialogue près, à la scène prés, pour ce que j'en ai vu… inutile.
Et voilà des Belges qui font "La Trève", qui reprend à peu près tous les clichés ci-dessus cités, l'accent en plus, et que mon magazine télé préféré présente comme "les enquêtes  du taciturne inspecteur Peeters, un polar atmosphérique dans la veine des thrillers nordiques." L'accent, oui, des gueules… et des invraisemblances scénaristiques criantes (le flic qui va se coucher en laissant sur la table basse devant sa fille adolescente de type adolescente le dossier hypersensible de son enquête en cours).
Passé un moment, y en a marre. L'ennui l'emporte et faut zapper. Pourtant…
— Pourtant…?
Pourtant Bordertown, série finnoise qui accumule ces clichés "nordiques") est vraiment bien… (Le flic est suffisamment bizarre pour être intéressant.) Pourtant la nouvelle saison de Broadchurch (qui, quoiqu'anglaise, accumule ces clichés "nordiques") est vraiment bien…
Alors le polar polaire n'est peut-être pas fini…


lundi 30 octobre 2017

LA TÉLÉ N'EST PLUS UN MEUBLE


30 octobre 2017
Jean-Luc Godard disait : « Le cinéma est un art, la télé est un meuble. »
Mais ça date : de nos jours, "la télé", c'est juste une surface rectangulaire à peine séparée du reste de la pièce par un cadre discret. On ne peut plus rien poser dessus. La précédente, une grosse à écran cathodique, je pouvais poser un éléphant dessus – en faïence (malgré l'incompatibilité supposée par la sagesse populaire entre l'éléphant et le magasin de faïences…), un de ces trucs indiens qui, à l'origine servent de brule-parfum, qui concourait au style orientaliste de mon salon.
N'empêche que question qualité de son et d'image, il n'y a pas de comparaison. Si bien que je ne regarde plus "la télé", je regarde des films, des séries (comme tout le monde), des concerts, des ballets (Mezzo), des documentaires artistiques (Museum) et quelques autres bricoles. J'y vois des meurtres, du sang et des sanglots, des destructions de grande ampleur, des dragons, des extraterrestres, des champs de maïs, des douches, Gauguin. Et puis parfois Marilyn Monroe m'apparait.
Évidemment, dans mon coin de campagne, il ne faut pas compter sur le câble, et même pas sur la TNT (trop explosive ?). Alors c'est la TNSat qui arrive, comme son nom l'indique, par satellite (artificiel, précise-je pour répondre à ceux qui ne savent pas que la Lune est un satellite de la Terre, laquelle est un satellite du Soleil). La transmission souffre parfois de problèmes techniques liés aux intempéries. Un jour, tout ça va nous retomber sur la gueule, c'est sûr.
En attendant, les rouleaux de papier tue-mouche sont toujours sur le marché et sont toujours efficaces pour choper les mouches.
BALLET
L'écriture inclusive, est-ce bien indispensable ? Peut-être suffirait-il d'apprendre à bien se servir de la langue française.
Je regarde un ballet que j'apprécie, "Rain" (Opéra Garnier, 2014, chorégraphie de Anna Teresa de Keersmaeker, musique de Steve Reich, scénographie de Jan Versweyveld, costumes de Dries Van Noten).
Et je me dis « Les danseurs, garçons et filles, sont jeunes, beaux, souriants. » Bon. Déjà le masculin l'a emporté sur le féminin avec les mots 'danseurs', 'beaux', 'souriants' ('jeune', c'est bisexuel, ouf…) Il y a quand même des solutions autre que d'écrire « les dan-seurs/seuses sont jeunes, beaux/belles, souriants/tes » ou autres acrobaties orthographiques promues pas l'écriture dite inclusive. Essayons par exemple « Danseurs et danseuses sont jeunes, avec de beaux visages souriants…» (Oui, je sais, on tombe facilement dans le ringard…)
Après, si j'apprécie les jambes nues des filles sous les jupes légères et leurs seins libres sous des caracos tout aussi légers, rien n'empêche les femmes ou les homos d'en faire autant pour les garçons, même s'ils sont en pantalons.
C'est que la danse est toujours sexy (sexie ?), même sur une musique de Steve Reich, surtout quand les pas de deux se roulent au sol, et je ne peux pas imaginer que chorégraphe, scénographe, costumier, danseurs et danseuses ne l'aient pas fait exprès ou ne s'en rendent pas compte.
C'est aussi joli, ou beau, ou intelligent, ou élégant.
Élégamment troublant.


dimanche 29 octobre 2017

Quelque chose de Macbeth


29 octobre 2017
Un an après, Caza revient sur son blog pour parler cinéma.
C'est dans la note du 24 aout 2016 que je parlais du film "Cutter's way" et du fait qu'une notule ou la critique d'un critique (en l'occurrence Pierre Murat dans TLRM) pouvait sérieusement corrompre notre façon de percevoir un film.
On va croire que j'en veux personnellement à cet homme, mais non : le plus souvent ses billets portent sur des films français que je ne regarde pas – ce n'est pas par principe, mais quand même un peu systématique. Et voilà qu'il me fait encore un coup avec "Macbeth" (Justin Kurzel, 2015, d'après Shakespeare, avec Michael Fassbender, Marion Cotillard…) ce 24 octobre sur Ciné+Emotion.
En bref, j'ai l'impression de n'avoir pas vu le même film que lui.
Il parle de multiples ralentis gratuits… il y en a certes, jamais gratuits mais concourant à la beauté et à l'émotion.
Il parle d'une multiplication de batailles sanglantes "qui menacent de transformer la tragédie en un épisode inattendu du Seigneur de Anneaux". Il a peut-être vu une version longue…? Et question batailles sanglantes, il n'a peut-être pas vu Game of Thrones…
Il trouve Marion Cotillard en Lady Macbeth "impeccable, comme toujours"… Euh…
Il semble dire aussi que cette Lady Macbeth joue le rôle de pousse au crime jusqu'au bout, obstinément, alors qu'elle ne le fait qu'au début et ensuite, quand Macbeth y a pris gout et s'y enferre, elle voit la folie qui s'est emparée de lui et semble plutôt tenter de le retenir. (Et Marion Cotillard n'est pas "impeccable"…) Sans compter qu'elle devient, selon la pièce, à moitié folle de culpabilité et se suicide, ce que le film élude – dommage.
Bon, c'est tout.
Non : les sorcières sont un peu sages et puis il y a trop de barbus qui se ressemblent trop surtout quand ils sont maquillés de sang. Parce que, oui, c'est sanglant… C'est Shakespeare… Et, à critiquer le critique, j'oublie le film, qui est quand même très bon. Quoique…

Et justement, deux jours après, je regarde The Hollow Crown, l'épisode 2 de la Guerre des deux Roses sur la chaine Histoire avec un Richard III hallucinant joué par un Benedict Cumberbatch hallucinant… Ce qui, rétrospectivement, anodine un peu (du verbe anodiner) la performance de Michaël Fassbender. Voilà notre Sherlock préféré devenu boiteux, bossu, tordu… Tout aussi fou que Macbeth, tout aussi tueur en série de ses cousins, frères, neveux, adultes comme enfants…
Décidément, Shakespeare… Il va me falloir au moins un John Carpenter pour m'en remettre. Ce fut, le lendemain sur TCM, "Vampires", 1998, avec James Woods, Daniel Baldwin et Sheryl Lee. Réjouissant (sanglant, aussi…)