dimanche 31 décembre 2017

"ALONE ON MOON" / 5


JUDITH AU CHÂTEAU DE BARBE BLEUE (inspiré par l'opéra de Bela Bartok)

« Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre. » (Nosferatu)

Derrière un rideau d'arbres, des lanternes malveillantes.
Judith-la-Juive approche. La nuit tous les châteaux sont gris, mais elle n'a pas peur.
— Vous êtes attendue, madame, lui dit le chirurgien à l'épée de feu tournoyant qui garde le pont levé.
Dedans le vieux château, des fenêtres, mais par elles ne pénètre aucune lumière de jour. Les murs pleurent. Les vitres transpirent. Les rideaux ne respirent pas.
Judith attend – dans l'obscurité, mais elle n'a pas peur.
Elle le rencontre enfin, le Barbe Bleu, Bête de la Belle, Comte Zaroff des Carpates, Ogre des contes crocheteur d'enfants, Holopherne le bouc, minotaure en son labyrinthe. Le créateur hâtif, haineux, au cerveau plein de nœuds, est occupé à peindre des veaux violets dans des pâturages enragés.
Après quelques tergiversations, il lui ouvrira à regret toutes les portes de son être tourmenté, de son âme opaque.
Celle de la chambre de tourments – dont les pierres des murs suintent le sang.
Celle de la salle d'armes – aux murs d'acier ensanglanté.
Celle de son trésor – aux joyaux tâchés de sang.
Celle de son jardin secret – où sont l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal et l'Arbre de Vie et où les fleurs de lys sont perlées de sang.
 — Sont-ils à votre gout, nos fruits ?
— Mais qu'importe cela aux arbres !
Celle de son domaine immense, planétaire, cataclysme musical – où les nuages projettent au paysage nu des ombres rougeâtres et où, comme "dans Arle, où sont les Aliscams, l'ombre est rouge sous les roses".
Celle des larmes – lugubre mer blanche. (Le sol se dérobe sous sa robe de mariée.)
Celle enfin de ses femmes d'antan, ses six épouses venues d'avant, plaquées dans la penderie, et elle, Judith, la plus belle, qu'il a découverte à minuit, qu'il a aimée à minuit, qu'il tuera à minuit. (L'écume des nuits déborde.)
Judith fait demi-tour.
Le mariage est interrompu. La bague à son doigt immisce entre l'âtre et la joie une poire d'ambre déclinée à l'infini. La robe blanche : tachée de sang jusqu'aux genoux. La couronne fleurie : des épines. Les pantoufles de verre : brisées. Et à l'église demain, les hosties barbares crèveront la bouche des communiantes.
Les yeux de Barbe Bleue coulent le long de son visage vert et de son sceptre ectoplasme.
Judith, nouvelle Ariane, Ève à l'envers du rêve, est toujours Ava, déesse ex-machina.

(à suivre)

 

jeudi 28 décembre 2017

"ALONE ON MOON" / 4


Pari perdu
Blaise Pascal, mort d'une morsure d'ornithorynque philanthrope, errait lamentablement entre la semelle et l'enclume. L'enfer peut attendre, se disait-il, péteux, transi comme un agneau. Suspendu entre l'aube et les limbes, il ne cessait d'adresser sa supplique aux anges qui passaient, silencieux, sinistres vautours : vols blancs dans le silence gris. Autour, néant gris, vide gris sans forme, plan astral sans cadastre, absence absurde absorbant la vue sans même un mystère. (Pourtant, quelque part, ça grouille.) Ni ciel ni terre ni souterrain, ni détestable espace interstellaire, ni chute, ni escalade, ni symétrie bilatérale.
Il est difficile d'être, en ce lieu, d'avoir plus qu'une existence administrative. La vue ? Lieu pâle, opalin, brume balbutiante. Le son ? Faux, opacifié – du coton dans les ouïes. Le toucher ? Pas même une résistance de l'air. Pas même un Deus Absconditus
Pourtant, dans ce rien, il y avait un fait extraordinaire : il n'avait mal nulle part.
Ce n'est qu'en prenant conscience de ce fait qu'il sut qu'il était mort.
Alors tout éclata.
Jeu de cubes multicolores en plastique, kaléidoscope kinesthésique, papillons queue de paon par millions, chaos de chambre d'enfant, tintamarre de couleurs bollywoodiennes… il cahotait au sein d'un arc-en-ciel – coma halluciné sous les vertèbres des réverbères.
Perdu pour perdu, il reprit une assiette de purée.
•••
Ayant vendu son âme au diable
Il ne pouvait la rendre aux cieux
Il ne put que se rendre odieux
Tirer les anges par la queue
•••
Tiens, si j'en profitais pour déblatérer sur Blaise Pascal (à peine) plus sérieusement ?
Pascal (Blaise) (1623-1662).
> Pascal était-il con ? Par exemple, il a sorti ça, face aux critiques des dogmes : « Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? Une poule ne fait-elle pas des œufs  sans coq ? »
Et puis son fameux pari (stupide). Selon lui, si vous pariez sur l'existence de Dieu et la vie après la mort, paradis et enfer inclus, et que vous vous conduisez selon sa morale, soit il existe et vous gagnez tout : l'éternité au paradis ; soit il n'existe pas et vous ne perdez rien, que votre vie terrestre que de toute façon vous perdrez. Si vous pariez sur son inexistence et rien après la mort et que vous vivez dans le péché, soit il existe et vous "gagnez" l'éternité en enfer, soit il n'existe pas et vous ne perdez rien, que votre vie terrestre que de toute façon vous perdrez.
« Il est indubitable que, que l'âme soit mortelle ou immortelle, cela doit mettre une différence entière dans la morale ; et cependant les philosophes ont conduit la morale indépendamment de cela. »
"Indubitable" ???
Et donc selon lui, il est évident qu'il faut parier sur Dieu et tout ce qui va avec. C'est con. Et pervers. Pour se lancer dans un tel pari, 1) il faut déjà a priori supposer possible l'existence de Dieu, le paradis, l'enfer… 2) dire qu'on ne perdrait rien est faux : on gâcherait sa vie en austérité, prière, culpabilité rongeante, peur, angoisse métaphysique, usure des genoux, etc. Partant du principe que la vie terrestre, on n'en a qu'une et que "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", le pari est vite fait contre la croyance, contre Pascal.  Simple "bon sens".
— Le "bon sens", citer des proverbes comme un quelconque Sancho Pança, c'est un peu bébête, non ?
> Pascal, par ailleurs mathématicien de génie, était-il fou ? Il y aurait lieu en tout cas de se lancer dans une psychanalyse du dit Blaise Pascal. (Cf. Livre des Bizarres : génie précoce, mais hanté par une terreur de l'eau, sentant constamment un gouffre auprès de lui et ne supportant pas de voir ses parents proches l'un de l'autre, il souffre de douleurs quotidiennes, subit vers vingt ans une attaque de paralysie du bas du corps – est-ce pourquoi il inventa la brouette ? –, ensuite visions, étourdissements, convulsions… Ça explique peut-être son fameux pari : quand on mène une vie de douleur, on n'a rien à perdre… Et la sexualité, comment ça va, mon Pascalou ? Il meurt à trente-neuf ans.)
> Georges Brassens : Le Mécréant, 1960.
Mon voisin du dessus, un certain Blaise pascal,
M'a gentiment donné ce conseil amical :
Mettez-vous à genoux, priez et implorez,
Faites semblant de croire et bientôt vous croirez.
… Principe que Pascal avait piqué à saint Augustin qui disait que « si on force les hérétiques à croire ou à affecter de croire, ils finiront, avec le temps, par s'habituer et par croire sincèrement. »
(extrait de mon dictionnaire théophobe personnel)


dimanche 24 décembre 2017

"ALONE ON MOON" / 3


ÉCHAPPEMENT LIBRE
Comme Axel se sentait tout éparpillé (épars et pillé), disséminé, morcelé, fait de morceaux mal joints, de pièces rapportées, chambres, débarras, escaliers dérobés, passages secret derrière la bibliothèque, et la petite pièce au fond du couloir – no place to dwell – il alla voir le Dr Frankenstein pour qu'il lui recouse tout ça. Le docteur l'étendit sur son divan d'orient et entreprit de recoudre tout ça. Ça prit sept ans. Ensuite, Axel, enfin, dehors nickel, dedans liquide.
— Vous pouvez y aller, mon vieux, vous êtes rechapé.
— Vous pensez que ça tiendra, docteur ?
— C'est cousu de fil blanc, on voit les ratures, les coupes et coutures, mais ça tiendra. Pourtant ne laissez plus rien s'échapper.
Pourtant, un peu plus tard, Axel, désaxé, s'arrêta au bord du trottoir dans la rue Quincampoix. (La rue ensoleillée, déserte comme un cadavre.) Une escarbille en provenance d'une décapotable anglaise rouge aux coussins de cuir rouge pilotée par une amazone nommée Girl 3619 tatouée bleu jusqu'aux aisselles, frappa son gros orteil droit, ça fit un trou dans la pellicule et tout ça coula dans le caniveau. (C'est que dedans Axel était… "gélatineux" ? – comme un cauchemar lovecraftien ? Non : liquide – comme un  liquide.) Sa carapace bien cousue resta debout comme une armure ornementale au coin de la salle d'arme d'un château hanté, tandis que l'intérieur coulait et s'écoulait dans le caniveau, dégringolait dans la rigole, et de là dans une bouche d'égout (dégout).
Ainsi Axel s'échappa (en l'occurrence, le verbe est à la forme pronominale réfléchie). Il allait donc vivre sa nouvelle vie dans les souterrains glauques avec les rats et les crocodiles mutants aveugles albinos. De là dans la station d'épuration. De là dans la rivière. De là dans le fleuve. De là dans l'éternelle dévastation de l'océan. (Là sont les monstres.)
***
Pendant ce temps, dans la ville, au bord du trottoir de la rue Quincampoix, l'amazone tatouée bleu, Girl 3619, désolée, avait arrêté sa décapotable anglaise rouge aux coussins de cuir rouge et, après discussion avec les services de la voirie municipale qui ne savaient qu'en faire (où et quand faire), avait ramassé la carapace à l'abandon d'Axel.
Elle l'installa dans son salon de massage, comme si c'était encore quelqu'un, Axel, l'étendit d'un bout à l'autre sur sa table de massage, l'enduisit d'huile de massage, lui reboucha le trou d'orteil avec du sparadrap.
— Désolée…
Elle le massa, assouplit sa peau assoupie aux coutures encore douloureuses. Elle lui pétrit l'esprit, lui dénoua les muscles dénudés, lui dérouilla le dos, lui ravala la peau du zob, lui déploya la gorge, entama sa croute, le détartra, le désatrophia.
Puis elle entreprit de le remplir. Le re-emplir.
Elle lui lut l'Iliade et l'Odyssée, elle lui projeta La Porte du Paradis, elle lui fit écouter les quatre derniers lieder de Richard Strauss, elle l'emmena à Giverny voir Monet. Elle le nourrit de spaghettis bolognaise et de Gevrey-Chambertin.
Quand il fut bien rempli de tout ça, elle l'emmena avec elle sur l'utopique autoroute de l'ouest dans sa décapotable rouge anglaise. Des péritoines bleues poussaient par touffes sur les bas-côtés des viaducs en déviations et chaque virage refaisait le monde. Les gens qui virent passer le couple devinrent bizarres. Certains eurent même des enfants dans l'année. La route les conduisit fidèlement jusqu'au bord de mer. (Il ne manquerait plus que ça.)
***
Ils vivent tous deux depuis sur l'ile de Sein.
Eux deux, l'ile, et tout autour l'éternelle dévastation de l'océan. (Là où sont les monstres, encore.)
•••
à suivre
•••
 

vendredi 22 décembre 2017

"ALONE ON MOON" / 2


(L'apprentissage des anges)
Qui dira la vie rêvée d'Ève et les virages de vie ? (Rose sœur, trésor d'aurore, arrosée de rosée, j'honore tes seins, femme fractale, tes seins imaginaires volcans en irruption.)
Ève sans vêtements, rêvée, au pied de l'art de vivre, la nourriture des dieux sous l'effroi des cathédrales. Tes cheveux ont la beauté vénéneuse d'un mois de mai interrompu.
Le serpent présent aux écailles saillantes, le profane révélateur en costume d'Adam, le plus nu de tous les animaux.
La tentation des sensations à plein poumon, à bouche que veux-tu.
La faute en juillet, la chute en aout – et sans filet, débandade d'altitude, acrobate idéale.
•••
Voilà le sort qui t'attend, béant :
Quand les poulpes auront des dents, quand les gloutons auront cinq blattes, tu plongeras dans l'amertume du déluge divin sans ceinture de sauvetage et grimperas sans bouée Babel, l'arène de Babylone, la reine des baleines, dans l'éther délétère, avec des inconnus cul nu, des étrangers mélangés, atterrés de retour.
Les fileuses d'étoiles plurielles glaneront dans les champs d'asphodèles des voiles sans bateaux, des ailes sans oiseaux, des haches sans bourreaux, des fumées sans feu, des mélodies sans royaume céleste, des plans sans astres et des aurores sans boréales.
Dans la pâleur anachronique du ciel, un inconnu descendra à travers les âges des nuages sévères. Dans ce colporteur de miracles, l'autre enfin revenu, tu reconnaitras ton maitre (mais comment reconnaitre un inconnu ?).
Un ange féroce a prononcé sur toi une sentence de mort.
Au téléphone fantôme, il dira à voix désincarnée des contes étranges où des Comtes transylvaniens extravagants étranglent des passants et les purgent de leur sang – maladie de peau.
La façon dont tu attends le fouet avec une infinie patience et une précision chirurgicale trahit ton ivresse.
Quand tu seras passée entre ses mains, tu seras hors de prix. Même l'enfer vorace ne voudra pas de toi. (Que le diable l'emporte !)
•••
La nuit, déjà, la pluie, et puis soudain les puits d'où surnagent des paroles de guerre lasse venues à pas de louve avec l'enfant de l'enfer en chair et en noces épris en plein flagrant délit dans la touffeur de l'été coton. (Et dire que Jupiter n'en sait rien !)
Le gout du soufre t'entrainera dans le plus simple appareil, nue et ardente, au gouffre où gémissent des anges gémissants, palpant des chairs immenses :
Un cadavre en cadeau, sacrifice en vrac au très-haut, avidité du vide âgé où le sens absent baigne dans son sang, comme dans un bouillon maigre, bol aveugle : un album de photos au fond de l'abdomen, souvenirs empruntés aux plongeons. (Après, bien sûr, il faudra vider la piscine.)
Tu te souviendras de crépuscules répugnants aux rives de l'ivresse, des campanules sous la lune, d'amourettes sans importance aussi bizarres que des brouettes sans nains et de la fascination mystérieuse des araignées amères, des cactus aux épines brulantes, tropiques aux fleurs de ton vagin, des poissons morts de froid dans l'abime et des belladones bucoliques à l'odeur écœurante.
Entre des cathédrales incrédules et des cavernes sans âge, tu déjanteras, disjoncteras, déchanteras comme une fleur perd les pédales, comme un arbre s'effeuille – fille de barbarie, les doigts crochus d'atomes. (Pensez aux affinités électives, aux attracteurs étranges qui échangent leurs molles molécules et leurs atomes crochus.)
Tu mangeras des yeux cuits sous la braise avec des dames damnées.
– Et des mirages de moules offertes.
•••
(Plus tard, au plaisir musculaire sur le sable acéré des dunes au crépuscule, tu préfèreras la lecture féroce de "L'Enfer".)
•••
à suivre
•••
 

jeudi 21 décembre 2017

"ALONE ON MOON" / 1


(Changement de registre…)
Traqué, géolocalisé puis enlevé par des extraterrestres salafistes barbus, gardé en otage sur Mars depuis des mois, j'ignore tout des revendications politiques des martiens. Dérouté, délocalisé, chromatisé par des couleurs abdominables, abusé par les buzz de l'Internet en feu, je bois du noir, parfois du bleu.
J'ai rêvé, en cet avril 2017, que j'étais envoyé sur la Lune, pour vivre dans une base aménagée par la NASA et y écrire un blog à destination de la Terre…
Ceci commence le 24 avril, mais se prolonge au long de mai, juin, juillet, etc., pas forcément dans l'ordre car bien souvent, au matin, quand je récupère les notes de l'insomnie, j'incorpore ceci ou cela ici ou là…
Pourquoi tout ça, ces tartines de poèmes dada, ces tristanies tzarines, ces contes qui n'en sont pas ? Pour évacuer ce qui, dans l'inconscient phréatique, grouille – ce qui n'exclut pas les calembours baveux et la simple déconne. Les réveils inopinés, les moments d'insomnie sont des instants privilégiés où l'esprit vagabonde abondamment dans des territoires tantôt noirs tantôt verts tantôt roses, où les mots vagabondent entre les mots jusqu'à en perdre le sens. Et si le résultat est souvent flippé, c'est qu'à cinq heures du matin les énergies sont au plus bas. (Les dessins "de charme" accompagnant ces textes sans avoir à voir avec eux compenseront.)
Ça tient aussi au fait qu'à mon chevet trainent des bouquins de Tristan Tzara, René Char, Lautréamont et quelques autres…  et que parfois l'insomnie me guette et donc, entre deux rêves, entre deux phrases, j'en écris, de ces phrases échappées…
(Toutes les fantaisies d'orthographe et de grammaire sont volontaires.)
« En nous rit l'abime. » (Tristan Tzara)
•••••••••••••••••
ÈVE À PART
Ève-la-velue, toute jeune, avait déjà prévu la tyrannie des âges :
Le dos collé au matelas, lourd comme une étoile morte, les pattes grêles agitées dans l'air vainement, le visage aussi blême que d'un sommeil sans rêves, la peau aussi froide que d'un mort fraichement ressuscité, les draps qui poissent une langue maternelle.
Des marionnettes au pied du lit vide jouent à chat perché avec des crabes sous hypnose. Un calque en relief sur les vitres projette des ombres larmes.
Il fait froid, en ce juillet, les volets claquent en vain dehors et les portes claquent dedans. Le ciel étale un sourire glâcé sur des contrées anthropophages.
On ne voit pas les nuages : il n'y en a qu'un, mais qui couvre tout le ciel escamoté d'un bout à l'autre écran sans horizon. Ce n'est pas assez qu'il fasse nuit, c'est que toutes les étoiles, consumées, se sont éteintes.
Les fruits divers de l'été t'ont fait oublier la saison antérieure – Éden perdu. Il est bien loin, le sacre du printemps. (Pourtant un vol d'anges en losange dessine au ciel un arlequin.)
Les arbres protestent en laissant tomber leurs feuilles sans un mot, les cloches de Pâques sonnent en vain, la lumière stagne, paupières lourdes, la neige sans gêne s'endort au sol avec fureur. Et les huitres attendent le déluge.
(Là où le temps suspend son vol, la blancheur est invisible.)
(La nuit tombe où elle peut.)
•••
Ce n'est pas comme ça que tu atteindras l'hiver qui t'attend. Ne quitte donc pas la route inflammable. Ne suie pas le ministre des chagrins qui veut t'entrainer dans son sillage de passions tristes.
Il te faut partir au même instant sur la chaussée gothique, marcher sur le silence, des chauves-souris au regard torve dans ton sac, un croissant-lune en guise de boussole.
Tu rencontreras le futur (c'est toujours pour demain), le théâtre de la vérité où les rats au pouvoir joueront avec des carabines dans des cabines de bain abandonnées au sel à côté de la plage.
Là où les porcs chient des algues vertes.
•••
à suivre
•••
 

vendredi 15 décembre 2017

VIANDREDI


CANTINES
Obligation de présence de viande dans les repas des cantines (écoles, maisons de retraite, hôpitaux, prisons…). Autrement dit, le végétarisme est illégal, ou peu s'en faut. Et la santé ? La santé, on s'en fout, ce qui compte c'est de défendre la filière élevage et transformation et commercialisation de vaux, vaches, cochons, poulets… Les végétariens sont de mauvais citoyens. En plus de ne pas soutenir l'élevage, ils sont en meilleure santé et donc ils ne soutiennent pas non plus la filière médecine, labos, pharmacie…
Message de Greenpeace :
Deux fois trop de viande à la cantine
Quand les lobbies de la viande influencent les repas de nos enfants
Au moins deux fois trop ! Aujourd’hui, viande et produits laitiers sont servis dans les cantines scolaires dans des proportions démesurées par rapport aux recommandations nutritionnelles de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Une aberration dangereuse pour la santé des enfants (surpoids, obésité), mais aussi dévastatrice pour la planète. A lui seul, l’élevage industriel est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.
Pourquoi ce décalage ? Les lobbies (comme par exemple les syndicats professionnels de la viande) font tout pour perpétuer ce mythe selon lequel nous devons manger de la viande tous les jours. Ils interviennent partout : dans les politiques publiques où ils noyautent les instances de décision, auprès des maires, et jusque dans les écoles, où ils entrent dans les classes et les cantines pour persuader les enfants des vertus miraculeuses de la viande. Etc.
Détails ici :

UNE CAMÉRA DANS LA JUNGLE
Dans la jungle de Calais, il y avait un réfugié qui était là depuis six mois et qui en était à sa vingtième interview. J'avais envie de lui dire : mais qu'est-ce que tu fous là ? Si tu es venu là dans l'idée de passer en GB et que six mois après tu n'y es pas arrivé, peut-être qu'il serait temps de te recomposer, de changer d'idée, de voir comment ça pourrait se passer en restant en France (mais pas à Calais), en Belgique, aux Pays Bas… Ou au Portugal, tiens, qui a des problèmes de main d'œuvre… Le demi-tour, la marche arrière ça existe et il n'y a pas de honte à ça. Non tu restes là, collé au mur de la Manche comme une mouche sur une vitre. Et tu attends le vingt et unième journaliste pour répondre à la vingt et unième interview…

LANGAGE MÉDIA
Le langage journalistique souvent me plonge dans des abimes de perplexité… et me met en joie.
Entendu à la télé :
« L'attentat a fait environ quatre morts et plusieurs blessés. »
Et aussi :
« Le séisme a fait approximativement deux morts. »
Et aussi :
« Il y a presque un an jour pour jour. » (Là, je m'interroge… Peut-on dire ça ? C'est "presque" ou c'est "jour pour jour" ?, pas les deux à la fois, non…? Ou alors faut-il comprendre : « Il y a un an, presque jour pour jour. » ? Ou alors c'est que l'expression "jour pour jour" n'est que du remplissage, comme il y en a beaucoup dans le langage des médias.)
Le même jour, j'ai aussi entendu « Un focus tourné à Cannes »… Comment peut-on tourner un focus ?
Lu dans un mag d'infos : « Peut-on décortiquer les sources de la violence sociale ? ». Hum… "décortiquer des sources". Étrange juxtaposition de métaphores. Décortiquer des racines ou des graines, d'accord, mais des sources ?! On dirait qu'une image, une métaphore (source), est devenue discrètement un terme consacré, alors on y accole une autre métaphore sans faire gaffe à l'aberration.
Vu le titre « Le trou le plus rapide du monde » !!!  What' up, doc ?¿?¿
(Bon, ça va. Il s'agissait de golf…)


mardi 12 décembre 2017

MUTANTS et ETs

-->
Les Amish sont l'avenir de l'homme.
Les Amish vivent plus vieux que la moyenne. Par ailleurs ils polluent moins que la moyenne. Ils vivent une vie archaïque : préindustrielle, pré-technique, religieuse. Des chercheurs les étudient pour chercher à comprendre pourquoi ils vivent plus vieux que la moyenne. Apparemment, plutôt que d'examiner leur mode de vie préindustriel, préchimique, non pollué (qui y serait sans doute pour quelque chose, non…?), ils préfèrent étudier leur gènes. La population Amish ne se mélange pas avec les voisins, elle est donc génétiquement cohérente, on peut la considérer comme une ethnie.
Alors – forcément – ils découvrent un gène "mutant" – forcément. (Je dis forcément parce que quand on examine quelque chose à la recherche d'une anomalie, on trouve une anomalie.) Alors les chercheurs travaillent à inventer un médicament génique destiné à prolonger la longévité. Ce médicament sera – forcément – très cher. Il sera donc vendu aux plus riches, c'est-à-dire aux plus gros pollueurs. Qui pourront vivre plus longtemps pour polluer plus longtemps.
Too bad.
Réciproquement, quand une maladie est décrétée génétique, ça évite de se poser les questions environnementales, sociales, politiques.
L'ADN a bon dos.

ALIENS, E.T. ET OVNI-CROYANTS
Il m'est arrivé d'avoir une(brève) conversation avec une raëlienne. Elle s'étonnait que moi, lecteur/auteur de SF, je ne croyais pas aux extraterrestres. Je tentai de lui faire comprendre que la SF c'est de l'imagination alors que la croyance aux E.T. ce n'est que de l'imagination. Je veux dire par là que la SF c'est de l'imaginaire au sens d'invention consciente et organisée, de la fiction présentée et lue comme fiction. Alors que la croyance (aux E.T. comme au Père Noël ou au Père Dieu etc.) prétend à la vérité. La foi est de l'imaginaire aussi, de l'imagination, mais inconsciente, et surtout qui prétend à la vérité. Un état mental qui ignore qu'il est une fabrication de l'imaginaire. Comme aussi les théories complotistes. Et elle s'étonnait que, écrivant ou dessinant, dans ce domaine, je je ne croie pas un instant à ce que j'écrivais. (Mais bien sûr, ce qu'on met dans le terme croire n'est pas si simple… L'auteur doit faire comme si il y croyait pour que le lecteur puisse faire comme si il y croyait – pour un moment.)
L'auteur de SF ou de Fantastique sait qu'il raconte une histoire imaginaire, la signe de son nom et l'étiquette "roman". Celui qui croit aux ovnis et aliens divers en visite par chez nous témoigne de ce qui est pour lui une vérité. (Je parle des croyants sincères, pas des escrocs…) Une différence est que le croyant peut tourner fanatique et être prêt à mourir pour son dieu (pour les ovnis, c'est plus rare… mais on a vu quelques suicides collectifs de sectes apocalyptiques…). Le romancier n'est pas du tout prêt à mourir pour ses fictions, il essaie plutôt de gagner sa vie.
Pourtant il y a ou il y a eu des romanciers qui étaient aussi des ovni-croyants et qui ponctuaient leurs romans de notes de bas de page (*Authentique) quand ils utilisaient un témoignage de rencontre de tel ou tel type. Témoignage qui témoignait plus de la crédulité des témoins que d'une quelconque authenticité des faits. Ceux-là exploitent la croyance en utilisant et en renforçant la crédulité du lecteur ; ou, ovni-croyants eux-mêmes, exploitent la fiction pour faire de la propagande pour leur croyance.
Ces notes de témoignages "authentiques" tendent à la suspension de l'incrédulité du lecteur, ce qui est le boulot de tout écrivain, mais par la "preuve off", extérieure au roman. Alors que la suspension d'incrédulité produite par le vrai auteur tient plutôt au style, à la capacité de faire croire à ce qu'il raconte par son langage propre, de l'intérieur, sans preuves… Parfois en s'appuyant sur des théories scientifique, quand même, ce qui n'est pas la même chose que les témoignages de presse. Et puis s'il nous embarque dans son imaginaire par suggestion, s'il arrive à nous faire croire à ses E.T., ce n'est que le temps du roman. Quand il nous lâche, quand on le referme, on se retrouve chez soi, dans la réalité et non dans la raëlité.

OIZOS
Quand des oiseaux épuisés par leur long vol migratoire s'effondrent sur une plage et sont attaqués par des crabes, on est avec les oiseaux.
Quand les mêmes oiseaux boulotent un poisson ou un serpent, on est encore avec les oiseaux.
En fait, on est toujours avec les oiseaux, contre les crabes et les serpents. (Les poissons, on s'en fout.)
Spiritualisme…


samedi 9 décembre 2017

LA SF, C'ÉTAIT MIEUX AVANT (bis)


DÉCHETS
Henning Mankell : « Quand notre civilisation aura disparu, il restera deux choses. La sonde spatiale Voyager lancée dans sa course à travers l'espace interstellaire. Et les déchets nucléaires enfouis au cœur de la roche mère.» (Sables mouvants. Fragments de ma vie. Points-Seuil, 2017.)
Si tu laisses des déchets partout, chez toi, dans ta maison, c'est que chez toi n'est pas chez toi. Tu laisses trainer rebuts ou affaires quelconques en comptant sur quelqu'un d'autre (mère, bonne, femme…) pour passer derrière toi et ramasser.
Dans une vie de couple, c'est courant. On néglige bien des choses (ordre, ménage, vaisselle, aménagements ou démarches) en comptant (semi consciemment) sur l'autre pour s'en occuper. (Quand on divorce, on se réapproprie les lieux, en particulier en bricolant, en effectuant les aménagements qui trainaient depuis longtemps.)
Si tu laisses des déchets partout dans les environs, c'est que tu considères que ce pays où tu vis n'est pas ton pays. Qu'il est seulement un hôtel où tu payes un personnel invisible chargé de ramasser derrière toi, de maintenir la propreté. Tu te déresponsabilises sur le dos d'un censé service public sous prétexte que tu payes des impôts.
Sous une dictature, en particulier, on salit beaucoup, on dégrade ou on laisse les choses se dégrader. Parce qu'on est dépossédé de son pays. À la libération, on nettoie. Et ce collectivement, parce qu'on se réapproprie, collectivement, son pays.

A PROPOS DE VOYAGER (la sonde)
Jean-Bertrand Pontalis : « Changer, c’est d’abord changer de point de vue. »
Contrairement à ce qu'on dit parfois, un véritable progrès de la conscience de l'humanité ne viendra pas de la découverte d'autres intelligences ailleurs, des extraterrestres aussi ou plus intelligents que nous, plus sages, plus évolués, etc.
Il viendra, ce progrès éthique (*) le jour où, au contraire, on aura appris, déduit, compris qu'il n'y a pas d'autre intelligence que nous dans l'univers. Pas de dieux, pas d'anges, OK, ça c'est fait, mais pas d'ET non plus, ni gentil ni méchant alien. Ce savoir nous amènera à la conscience de notre responsabilité ultime : nous, gros crétins d'humains, sommes les gardiens de cette fleur unique dans l'univers : l'intelligence, la conscience, l'imagination, la créativité, le langage.
(*) Je devrais bien sûr employer le conditionnel : ce progrès viendrait… ce savoir nous amènerait… parce qu'il ne sera jamais réellement possible de le savoir en toute certitude. D'une part, parce que, rationnellement, on ne peut pas prouver une absence, d'autre part parce qu'il n'existera jamais un détecteur de vie intelligente adapté à l'univers et ses milliards de galaxies et leurs milliards de soleils et leur milliards de planètes… (Déjà que, sur Terre, ce n'est pas facile à détecter…)
Bon… je retourne voir "Premier Contact" (Denis Villeneuve, 2016) le film de contact le plus intelligent que je connaisse… Loin de la naïveté de "Le Jour où la Terre s'arrêta" ou "Rencontres du troisième type". (Quoique… "Abyss", quand même…)
— Il se pourrait que la Terre soit la seule planète habitable dans tout l'univers.
— Un coup de pot que ça soit tombé sur nous !

LA SF, C'ÉTAIT MIEUX AVANT (bis)
Avant l'an 2000, quand la vie n'était pas moderne, on avait des réalités virtuelles peintes à la main, des jeux vidéo en carton, des hologrammes taillés dans la pierre.
Pour faire du cinéma en relief, on prenait des vrais gens qui jouaient sur une scène face à des vrais spectateurs (peu d'interactivité : à la fin les spectateurs se frappaient les mains et les acteurs se pliaient en deux en souriant).
On écrivait ses e-mails à la main, avec des pleins et des déliés aux @.
On avait des disques durs 78 tours, des ordinateur Singer à pédale, des hélicoptères en bois, des éprouvettes en poterie pour faire les bébés, des centrales nucléaires à charbon, des téléphones à butagaz, des  sous-marins à voile, des TGV à vapeur, des  navettes spatiale biplan, des pistolaser à barillet…
C'était bien.
Mais on manquait cruellement de cellules de soutien psychologique.
Depuis l'an 2000,
- on a le droit de tirer à vue sur les gens qui fument dans un lieu public.
- on a des ordinateurs qui ne plantent plus jamais.
- les mauvais conducteurs sont crucifiés sur des carcasses de voitures plantées au bord des routes. D'où dissuasion.
- on a 999 ans devant nous avant le bug de l'an 3000. (Moins 17, ça ne fait plus que 982. Gaffe !)
- on imprime les livres à l'unité en fonction des commandes.
- On se sert des chômeurs comme banques d'organes sur pieds (Source : BD de Caza, "L'A.N.P.E.M.O.U.", dans un des albums "banlieue", réédition intégrale Humanos.)
Mais, pour le même usage, on travaille aussi à fabriquer par clonage des êtres humains décérébrés... (Faudra-t-il une Société Protectrice des Clones ?) On les appellera 'OMs.
(Source : BD de Caza,"L'Age d'Ombre", intégrale Delcourt)


vendredi 8 décembre 2017

TRUCS EN VRAC, ENCORE…


… c'est que je fais le vide dans les notes éparpillées dans des cahiers éparpillés…
 
L'HISTOIRE
On fait quand même des choses de notre initiative et parce que la conjoncture s'y prête. Quand on les fait, on n'a pas conscience de faire l'Histoire, de modeler le futur en un présent pas forcément prévu. On fait son truc, pour le pied… pour gagner sa vie, aussi… et on fait de son mieux. Par exemple Métal Hurlant. Quarante ans après, des jeunes gens qui, vers dix ans, ont piqué les magazines de leur papa s'y réfèrent encore et me réclament des pochettes de disque Rock ! (Je ne m'y attendais pas…)

LE TEMPS
Le présent, c'est un point zéro sur la flèche du temps. Le futur, au dessus du zéro, n'est rien puisqu'il n'existe pas encore. Le passé, c'est moins que rien, du temps négatif, en dessous du zéro, comme une température négative ou l'Histoire "avant J.C.", comme on dit, ce temps qu'on compte à l'envers. Aberration.
En passant, faisons un effort pour dire "ère commune", EC et "avant l'ère commune", AEC, plutôt que "avant ou après J.C", ce monument hystérique dont on ignore à peu près tout, à commencer par la date de naissance.

KIM CONE
J'ai bien connu Kim Sung Un quand il avait 8 ans. Séquestré dans son palais gouvernemental, il apprenait à lire dans un abécédaire où chaque lettre était illustrée par un dessin : B, comme Bombe, F, comme Fusil, G, comme Grenade, etc. (Du moins les équivalents dans la langue coréenne, langue qui m'a toujours fait marrer par ses va-et-vient entre l'extrême douceur et le guttural inattendu…)
D'où sa passion des armes.
Par contre, arrivé à l'âge d'y toucher pour de vrai, il découvrit que les bombes, grenades, fusils avec lesquels défilaient un bon million de Nord-Coréens lors de la fête du Parti Unique étaient factices. Du bois et de la peinture.
— Dorée, la peinture ? comme les idoles des idolâtres, comme la statue géante du Grand Leader ?
— Même pas, non. Simulacres réalistes, comme les fétiches des fétichistes, comme les statuettes de cire des sorciers vaudou envouteurs.
Partant, je me demande toujours si les missiles qu'il balance dans les mers voisines et les bombes H qu'il fait péter comme des feux d'artifices souterrains sont réels… ou des simulacres en bois peint.
(J'ai écrit réels, non parce que "le masculin l'emporte" mais parce que "on accorde au masculin pluriel" considéré alors par défaut comme un neutre.)

SINGES
L'homme descend du singe et le singe descend de l'arbre. Donc l'homme descend de l'arbre. Et parfois il en chute, comme aurait fait, dit-on, la fameuse Lucy (pas celle de Luc Besson qui, elle, se contente de sombrer dans le grotesque). Ce qui nous ramène au Jardin d'Éden et à ce fameux arbre magique ou maudit dont la consommation des fruits entraine "la Chute".
— Mais Lucy, nouvelle Ève, était bipède, singe ou préhominien marchant plutôt qu'arboricole. Que faisait-elle dans un arbre ?
— C'est que, étant enfants, nous-mêmes, humains modernes, nous grimpons aux arbres, pour le plaisir ou pour y cueillir des fruits défendus. Et même le chimpanzé le plus habile rate parfois sa branche et s'écrase par terre comme une merde.

POURQUOI VOULOIR VOLER ?
Parce qu'il y a de l'air.
Pourquoi vouloir courir ? Parce qu'il y a la terre… un espace horizontal.
Pourquoi vouloir nager ? Parce qu'il y a de l'eau.
Mais si notre espèce, comme les autres, vient de la mer, on a pu vivre ça, la vie au sol, comme une régression. : on (poissons, cœlacanthes, poulpes…) partageait un monde en 3 D et puis, en quittant la mer, on s'est retrouvés dans un monde plat. D'où le désir de voler pour retrouver une vie en 3 D. (Théorie personnelle qui demanderait confirmation………)

MÉDUSES
Nous en viendrons à manger des méduses. Ce n'est pas très nutritif mais il y en a beaucoup. De plus en plus. Moins de poissons, plus de méduses.  Qu'en faire ? Des sacs biodégradables pour les supermarchés ? Du dentifrice ? Des masques chirurgicaux ? Du fluide glacial puant et urticant ? Du compost ?
Survivants nous sommes, survivalistes nous sommes condamnés à être.

UN TOUR À LA DÉCHÈTERIE
« Là sont les monstres » (Sur les cartes anciennes, cette expression désignait les no man's land, les terres encore inexplorées…)
Parmi les objets fabriqués, il y a beaucoup de "monstres", c'est-à-dire des objets composés de plusieurs matières qui ne se recyclent pas du tout de la même manière. Par exemple une voiture : métal, plastique, caoutchouc, bois, verre, composants électriques, composants électroniques… Ou un simple emballage : carton (sali d'encre), plastique (et encore ? quel plastique ? il y en a des centaines des compositions incompatibles), métal… Si on voulait vraiment tout recycler, tous les objets fabriqués, il faudrait plus d'ouvriers et d'heures de travail pour démonter chaque objet et trier ses composants qu'il en a fallu pour fabriquer les composants en question et les assembler en l'objet en question.
Vanitas vanitatis…


mercredi 6 décembre 2017

AUTOMNE ATONE

-->
Il fait froid, c'est normal. Mais quand les feuilles crient en tombant des arbres, c'est que le monde va mal.

ACCUSER
Nourris que nous sommes de culture chrétienne, nous pratiquons volontiers une critique (de tout et n'importe quoi) de type moraliste. C'est l'ère du soupçon et pire, de la dénonciation.
De plus nous nous trompons souvent de cible. Notre parano anarcho-gauchiste nous fait le plus souvent accuser l'État. Pourtant, pour prendre un exemple, ce qui invalide l'Internet, ce n'est pas la surveillance sécuritaire, le contrôle étatique : vous avez souvent un message gouvernemental envahissant sur votre écran ? Un spam du centre des impôts dans vos courriers, un pop-up de la gendarmerie au milieu d'une lecture ? Moi, jamais. Par contre les pubs…
Ce qui invalide l'Internet, c'est l'invasion du commerce. De réseau de convivialité cool, quasi libertaire hippie, de lieu d'échange d'informations et de connaissances en tous genres, l'Internet est devenu en quelques années une gigantesque galerie commerciale. Non seulement des vitrines alignées par milliers mais des enseignes qui vous hèlent et vous harcèlent, comme les messages que reçoit Tom Cruise dans Minority Report quand il entre dans un mall avec la petite précog. Aussitôt identifié aussitôt harcelé. Et qui vous relancent à la maison au besoin. (Et souvent, mais c'est un détail, de façon très bête : j'achète une douzaine de chaussettes sur un site de marchand de chaussettes, dans les jours qui suivent, je trouve sur tous les sites où je passe des pubs pour des chaussettes… Les algorithmes doivent se dire "on a repéré un amateur de chaussettes, taïaut !" Les I.A. sont cons.)
Le contrôle n'est pas étatique mais capitaliste, ou plus exactement commercialiste, par la mainmise des entreprises marchandes sur le réseau. Surveillance, identification, harcèlement, relance. Le commerce travaille à occuper tout l'espace et ne laisser au reste que des niches.
Mais on veut des coupables !  Quand une grosse panne paralyse la SNCF, on veut des responsables, des coupables, nominatifs et punissables. Des noms ! Des noms à accuser ! Parce que "le commercialisme", "le système", "la conjoncture", "la complexité", "la SNCF", on ne peut pas les pendre. Or nous sommes moralistes et vindicatifs. Victimes vindicatives, nous adorons les vengeurs, masqués ou non. Nous réclamons "la justice", mais ce que nous voulons vraiment, c'est la vengeance.

LE DESTIN
Après Big Brother (l'État, la cité civile), Big Data (le commerce, la cité marchande).
Les algorithmes de prévision, c'est le retour du Destin, de la Prédestination, c'est le Grand Livre de Jacques le Fataliste, c'est la Fatalité. Pourtant, on croyait en avoir fini avec cette idée débile que "tout est écrit" (à l'avance).
C'est toujours cette question du prévu et du prévisible, des possibles et des éventuels, des rêves d'avenir accomplis ou brisés par la conjoncture (la réalité)…
L'avenir est contingent (par définition).
La vie impose « des situations qui liquident sans pitié celles qu'on avait imaginées », dit Philippe Lançon qui sait de quoi il parle, ayant pris une balle dans la mâchoire lors de l'assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo…
Tu crois tout diriger, être maitre de ta vie, mais non… "Ça" se passe, "Ça" arrive… "Everything happens to me", dit le standard si bien chanté par Chet Baker
ou Billie Holiday
Black cats creep across my path
Until I'm almost mad
I must have 'roused the devil's wrath
Cause all my luck is bad
I make a date for golf and you can bet your life it rains
I try to give a party and the guy upstairs complains
I guess I'll go through life
Just catchin' colds and missin' trains
Everything happens to me

I never miss a thing
I've had the measles and the mumps
And every time I play an ace
My partner always trumps
Guess I'm just a fool who never looks before he jumps
Everything happens to me

At first my heart thought you could break this jinx for me
That love would turn the trick to end despair
But know I just can't fool this head that thinks for me
I've mortgaged all my castles in the air
I've telegraphed and phoned
I send an "Airmail Special" too
Your answer was "Goodbye"
And there was even postage due
I fell in love just once
And then it had to be with you
Everything happens to me

Paroliers : Hoagy Carmichael / Johnny Mercer