mercredi 24 février 2016

Paranoïa 2 (après la nôtre, la leur)


Aussi cons que les salafistes, les chrétiens orthodoxes ou les juifs orthodoxes. C'est la même démarche primitive, celle de la tradition, du culte des ancêtres, du "c'était mieux avant". Profondément, c'est cette croyance 1) qu'il y a UNE origine, 2) que cette origine est PURE, parfaite, 3) qu'elle doit être sans cesse réactivée telle quelle par la répétition, que plus rien ne bouge. C'est la tradition opposée à l'évolution, laquelle est vue comme décadence, perte de pureté, dégénérescence.
Ce renforcement fonctionne en "boucle de rétroaction positive", un mouvement où, au long d'un processus continu, les conséquences deviennent des causes qui entrainent des conséquences plus fortes, qui elles-mêmes… etc. D'où, chez l'orthodoxe de tout bord, emballement, montée aux extrêmes, mouvement violent à la fois agressif et suicidaire, sadique et masochiste. Paranoïaque, c'est rien de le dire : on est dans la définition même de la paranoïa, où le sujet enclenche un petit vélo dans sa tête, qui, par répétition, rebouclage, effet d'entrainement, ne fait que grossir avec le temps. Le paranoïaque ne s'aime pas, alors les autres ne l'aiment pas, alors il s'aime encore moins… Je peux le mettre dans l'autre sens : les autres ne l'aiment pas, alors il ne s'aime pas, alors les autres ne l'aiment pas… etc. C'est que le paranoïaque qui pense que tout le monde le déteste est un être peu aimable, désagréable à fréquenter, qui fait tout pour être détesté, confirmant ainsi sa folie.
Et donc, si on ne peut pas se faire aimer, on se fait craindre.
Le tyran se fait craindre. Le terroriste se fait craindre. Le supposé Dieu, grand paranoïaque, se fait craindre.
Le désir de mort, la sienne comme celle des autres, est inhérent à toute religion. Le christianisme à ses débuts était une secte qui appelait de ses vœux la fin du monde et les adeptes allaient au martyre en chantant, ce qui rendait dingues les romains rationalistes. L'aspect suicidaire signe le côté apocalyptique. « Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts. » Daech est une secte apocalyptique. Il y a quelques années, voulant créer mon blog, je voulais l'intituler "la fin du monde". En faisant une recherche d'antériorité (pages, sites, blogs), je suis très vite tombé sur des sites islamiques… J'ai laissé tomber.
Faut-il chercher des raisons, des motivations à l'islam radical terroriste ? L'islam radical est irrationnel, nihiliste, messianique, apocalyptique, millénariste, eschatologique. Il ne revendique rien. La raison n'a rien à voir là-dedans.
• Lu ou entendu que les religieux voient la foi comme « leur expérience la plus haute ». Haute ? Évidemment, comme toujours : le ciel… (Mais vous savez, le ciel, c'est de l'air, des nuages, et au dessus du vide avec quelques lunes et astéroïdes inhabités…) Mais n'ont-ils jamais été amoureux pour savoir ce que c'est que de marcher sans toucher le sol ? Et l'artiste ne vit il pas son art comme "son expérience la plus haute" ? Et puis un drogué ? Un cosmonaute ? Un sauteur à l'élastique ? Un surfer ? Un mathématicien ?
Et se faire exploser ? Question "expérience la plus haute", ça se tient.
• Le pervers narcissique, une version du paranoïaque, est celui qui instrumentalise l'autre, les autres, à son propre bénéfice. Le kamikaze, qui s'instrumentalise lui-même, est-il un pervers narcissique ? Pervers il est, en ce sens qu'il est à la fois sadique et masochiste, tueur suicidaire, amant de la mort. Narcissique en ce sens qu'il en tire gloire. Crétin aussi, au sens posthume du terme. Ainsi il flingue à visage découvert, il abandonne sa carte d'identité dans la voiture. Maladresse ? Non, narcissisme : il clame au monde que c'est lui qui a fait ça.
• Ceux qui se radicalisent ont commencé par se victimiser. (Ce qui est à la base de la paranoïa comme des théories complotistes.) Évidemment, tu ne fais pas ça tout seul : on te victimise, on te radicalise, on te pousse à la violence. Préciser qui est, ce qu'est ce ON est un enjeu primordial mais complexe. D'abord se dire et bien se persuader que personne n'est seul, que personne ne fait quoi que ce soit seul, même "en son for intérieur". Et donc voir qu'entrent en jeu toi (ton moi), c'est-à-dire ton histoire personnelle, ton vécu + les autres faisant partie de ton passé et aussi ceux de maintenant, parents, copains, amis, profs… ceux qui te parlent de loin, de Mollenbeek ou de Syrie, via téléphone ou Internet,  ceux qui ne te connaissent pas du tout et que tu ne connais pas du tout mais qui parlent de toi, parlent sur toi, à la radio, télé, journaux (blogs, aussi… comme ici…). Parmi tous, ceux qui te plaignent, te victimisent systématiquement mais aussi ceux qui t'ignorent de leur haut, t'humilient… et d'ailleurs ceux qui te plaignent t'humilient aussi…
• Que la paranoïa s'enrichisse de fumette et prise de drogue ne m'étonnerait pas. L'un des assassins du 13 novembre (j'aime autant oublier leurs noms… En plus citer leurs noms ça ferait islamophobe puisqu'ils ont tous des noms arabes…) tenait un bar à bière à Molenbeek et y recevait ses confrères apprentis djihadistes… Ils étaient donc bien "intégrés"… (La bière, c'est pas interdit par la charia ?). Mais c'était aussi un coffee shop, lieu de deal… Un sien voisin dit : « Il fumait beaucoup de cannabis. »  Ça n'explique pas… Une seringue dans un des appartements fouillés. Drogués ? Surement. Je me rappelle un témoin de la fin du tueur au parasol de Tunisie qui disait : « Il prenait des balles et il continuait, il avait l'air de ne pas sentir la souffrance. » Shooté à mort, vraisemblablement. Le Captagon ? (J'en avais parlé prudemment dans une précédente LO… mais on en parle aussi ici ou là, sans sortir des informations plus précises à ce sujet. Est-ce seulement une rumeur ?)

à suivre

dimanche 21 février 2016

Complément à l'article précédent

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Un article dans le Télérama de cette semaine :
http://www.telerama.fr/idees/etat-d-urgence-pourquoi-nous-souhaitons-etre-surveilles,138222.php  
(C'est moi qui souligne et fais quelques coupes)

État d'urgence : pourquoi nous souhaitons être surveillés
« La sécurité est la première des libertés »*, martèlent le Président et le Premier ministre depuis le mois de novembre. Comment sortir de cette ornière rhétorique ? Réponse d'Antoine Garapon, magistrat et secrétaire général de l'Institut des hautes études sur la justice.
# L'agitation politique actuelle dit bien la difficulté que nous éprouvons à mener le débat entre sécurité et liberté. Avec les attentats, celui-ci a changé de nature. […] Le néo-sécuritarisme actuel n'a plus rien à voir avec l'idéologie sécuritaire qui portait sur la longueur ou la dureté des peines à propos de faits divers ou de crimes. Aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de demander aux institutions politiques – police, justice – d'être plus sévères, que d'empêcher la survenue de nouveaux attentats. C'est complètement nouveau. Désormais, cela ne gêne plus une immense majorité de Français d'être "fliqués", à condition que l'État nous protège ; nous souhaitons être surveillés. Droite et gauche se rejoignent autour des mêmes questions : qu'ont fait les services de renseignement ? N'auraient-ils pas pu empêcher les attentats ? Que font-ils pour mieux surveiller la population ?
En effet, avec l'état d'urgence et la réforme pénale à venir, on ne reproche plus à des gens ce qu'ils font, mais ce qu'ils sont ou, plus précisément, ce qu'ils pourraient devenir. Il s'agit de prévoir les risques, de mesurer le potentiel de dangerosité d'un individu en fonction de ses convictions, avant même qu'il ait agi. Prédire l'avenir, aucune institution ne peut le faire. Mais de véritables défis nous sont posés : que faire de ceux qui reviennent de Syrie ? Que faire d'individus potentiellement dangereux, qui sont de nationalité française ? Grandit aussi l'illusion d'une prévisibilité totale des comportements grâce aux big data, d'un destin "algorithmique" où untel aurait telle propension à se radicaliser...
Le basculement est majeur. Et il laisse la critique en difficulté, parce que la menace est inédite, et nous fait peur. Nous sommes pris entre la nécessité du contrôle pour nous protéger – rôle premier de l'État – et la crainte d'une régression terrible : celle de faire peser une présomption de culpabilité sur chacun, alors même que la présomption d'innocence doit être garantie pour tous. […]
La restriction des libertés publiques soulève peu de débats au sein de la population. On peut y voir le signe que la France a changé, y compris le peuple de gauche, lui aussi gagné par la peur. Nous vivons un état d'exception démocratique ratifié par la population.
Nous ne sommes pas les seuls. […] Les Américains, après le 11 septembre, se sont déclarés majoritairement favorables aux écoutes, même illégales. Parce qu'ils ont peur et qu'ils ne se sentent pas concernés par la privation de libertés – le terroriste, c'est l'autre... Joue enfin un phénomène de servitude volontaire, celui d'un homme démocratique fatigué, qui n'a plus ­envie de se battre pour des principes intouchables, comme il le faisait il y a encore quelques années.
Tout cela est à la fois très nouveau et très ancien. […] Notre pays s'est construit comme un État de police, c'est-à-dire non pas par des ­garanties externes au pouvoir – les fameux checks and balances anglo-saxons – mais par une autolimitation du pouvoir par ses serviteurs mêmes (dont la meilleure illustration est le Conseil d'État). La peur pousse à ne plus supporter les contrepouvoirs. Mais la France acceptera-t-elle de vivre longtemps encore ce déséquilibre croissant des pouvoirs ? Je n'en suis pas sûr. » 
Notes issues de quelques liens fournis par l'article ci-dessus :
* Article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression. »
Mais la sureté de 1789 ne s'entend pas comme la garantie de sécurité physique ou matérielle des citoyens contre des agressions civiles. Elle est la garantie offerte à chacun que ses libertés individuelles seront respectées contre une arrestation, un emprisonnement ou une condamnation arbitraire. C'est l'affirmation d'une rupture avec l'arbitraire du pouvoir monarchique. C'est donc au prix d'une lecture erronée de la Déclaration que certains hommes politiques invoquent aujourd'hui la « sécurité, première des libertés », pour justifier la limitation des libertés individuelles. […]
La sureté de la Déclaration est donc bien une autolimitation du pouvoir par ses serviteurs eux-mêmes, État, police, justice, et non pas "la sécurité".
La sécurité, c'est autre chose. Qu'il s'agisse de la dame susceptible de se faire arracher son sac, du bijoutier susceptible de se faire braquer ou de copains buvant un pot en terrasse susceptibles de se faire massacrer à la kalachnikov, la demande du citoyen à l'État, c'est que ça ne puisse pas arriver. On ne lui demande pas de nous faire peur, pas plus de nous rassurer comme des enfants, mais de nous protéger. Et si quelque chose nous rassure, c'est de bien voir qu'on est bien protégés. C'est de l'ordre du principe de précaution. Les caméras de surveillance sont alors perçues comme caméras de sécurité ou de protection.
Et… c'est bien ou c'est pas bien…? Je veux dire cette demande de protection, c'est normal ou c'est de la trouille infantile ? Monsieur Garapon, comme bien d'autres abusant du mot peur, renforce celle-ci. Avoir peur est rationnel. Avoir les moyens de surmonter cette peur, c'est autre chose. La question n'est pas d'avoir peur ou non. La question est de prendre en compte les faits et de prendre en mains la réalité. Individuellement et collectivement c'est-à-dire, entre autres, avec l'aide de l'État, le gouvernement, la police, la justice, les pompiers… Institutions auxquelles on est censé faire confiance (le problème est là…)
Se pose toujours la question du "nous". Quand Garapon dit « nous souhaitons être surveillés », c'est très ambigu à cause de ce "nous" qu'il emploie. Mais si on le complète avec ce qu'il dit plus loin : « le terroriste, c'est l'autre », on comprend mieux : parmi ce "nous" (disons : notre pays), il y a un "autre"… qui n'est pas vraiment "nous"… "Nous", toi ou moi, « on n'a rien à se reprocher », on est a priori innocents, donc la surveillance ne nous concerne pas, elle ne concerne que "l'autre" – et là, on exige qu'elle soit efficace. Panique paranoïaque ou attitude raisonnable ?
Si la sécurité n'est pas "la première des libertés", elle en est quand même la condition. Une des conditions. Sinon, on est dans une sorte de rêve, d'idéal hors-sol où "La Liberté" est une sorte d'absolu sans condition qui n'a rien à voir avec les faits, la réalité. Disons, pour essayer d'être fin, qu'un niveau correct de sécurité est la condition de la possibilité d'exercice de nos libertés. Exemple : comment exercer (l'esprit tranquille) sa liberté de prendre un pot en terrasse si l'on est (si l'on se sent) sous la menace permanente d'un attentat ? L'idée que la foudre ne tombe jamais deux fois de suite au même endroit, que les terroristes changent de cible selon l'inspiration, que ça peut donc être n'importe où, c'est-à-dire partout ou nulle part aussi bien, peut faire partie de la panique paranoïaque OU on peut ranger ça dans un coin de sa tête comme symptôme de léger et faire ce qu'on a à faire sans s'en faire plus que ça. Après, la présence d'une caméra de surveillance ou d'un flic armé au coin de la rue peut être supplément de rassurance… Ou le contraire. Et alors retour au point 2) de l'article précédent.
Selon le tempérament de chacun, sans doute. Mais avoir plus peur de notre gouvernement que des terroristes islamiques me semble typique de l'état d'esprit masochiste de la société française actuelle.
(à suivre)

paru dans La Mèche

samedi 20 février 2016

En quel état j'urge ?

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À notre actuelle paranoïa collective, il y a deux versions complémentaires :
1) On a peur des attentats toujours possibles n'importe où n'importe quand, il y en aura, c'est sûr. Paranoïa "basée sur des faits réels". (Quand Valls le dit, on proteste parce qu'on ne l'aime pas, ce vilain qui fait rien qu'à nous faire peur, mais il ne fait qu'exposer une réalité. – Après, il y a la manière…) On ne sort plus de chez soi, surtout pas pour aller au concert, on se fait livrer ses courses, on vapote dans sa tête, etc. Disons qu'il y a de bonnes raisons à ça pour ceux qui ont été directement ou indirectement touchés par les attentats précédents, traumatisme, deuil, résilience à l'Olympia, mais sinon… pour la majorité de la population…?? (Je me mets un peu à part parce que, pas fou, je me planque à la campagne depuis longtemps… Je me suis en quelque sorte assigné à résidence moi-même…)
2) On a peur de l'état d'urgence conséquent aux attentats, "lois liberticides", "mesures disproportionnées", surveillance, renseignement, sécurité, flics partout, caméras, écoutes téléphoniques… bref : risque d'arbitraire, atteinte à nos libertés, ici, en France-pays-des-droits-de-l'homme, "pays où sont nées les libertés civiques", "sommes-nous prêts à sacrifier nos libertés ?", etc.  
Mais bon là aussi je me mets à part. Je risque davantage une intrusion de sangliers dans mon jardin qu'une perquisition sans mandat.
Donc, finalement, je n'ai rien le droit de dire ?
Seulement dire à chacun de se poser la question : "basé sur des faits réels", ou pas ?… Qu'est-ce que l'état d'urgence change à ma vie ? Je sais… on peut aussi se préoccuper des autres, de tous ceux qui sont susceptibles d'être couvré-feux, perquisés, arrêtés, gardavusés, déchétés… (y en a pas eu des millions, quand même…) et on peut aussi se méfier, non sans justification, de ce que ce genre de lois peut devenir "dans de mauvaises mains", etc. etc. (ces etc. signant l'état de parano…)
Cet état d'urgence (issu d'un État pris dans l'urgence frénétique de tout le bordel qu'il n'arrive pas à gérer… et des prochaines élections) sert en tout cas à faire vibrer notre fibre anarchiste libertaire (notre anti-autorité systématique bien française, tellement crispée sur nos droits, "nos libertés" – inaliénables, bien sûr), à continuer de râler (ce qui est bien français aussi) contre le gouvernement, qui, décidément, n'est plus de gauche, ne fait que des lois de droite, etc. (C'est sans doute vrai, mais cette manière de penser binaire droite/gauche est-elle encore pertinente et intéressante ? Avons-nous encore le temps pour ça ?)
Dé-confiance.
En se contentant de râler, on ne fait que nourrir la bête. Nous avons perdu confiance en le monde politique en général, nous soupçonnons tous les pouvoirs, le gouvernement (qu'il soit de droite ou de gauche) et l'État (qui n'est ni de droite ni de gauche, mais "État de droit"). Celui-ci nous le rend bien sous forme d'état d'urgence dont le principe actif est de soupçonner tout et tout le monde. En réaction, nous perdons un peu plus confiance, nous soupçonnons d'autant plus. La boucle de renforcement est en place. Elle est perverse.
Mais ceux qui y ont vraiment perdu en libertés, de mouvement et autres, c'est les morts, les blessés, les survivants de Charlie Hebdo, Hyper Cacher, Bataclan et autres, non ? L'état d'urgence n'est qu'un dégât collatéral des attentats djihadistes. Ceux-ci ont eu lieu, sont un fait, et un fait majeur, qui ne peut plus ne pas avoir eu lieu. Nous sommes bien obligés  de nous recomposer à partir de ce fait (sauf à nier la réalité).
Cela dit, « Faire face au terrorisme est très difficile pour une démocratie. La France en fait l'expérience. Trouver un équilibre entre sécurité et libertés reste, comme dans toute démocratie, l'objectif », dit-on (raisonnablement) dans El Pais.
En bref, voir la France comme devenue un État policier… Fopadéconner. On n'est ni sous Pétain ni sous De Gaulle. Encore moins chez Pinochet.
En complément, un article de Télérama de cette semaine.
http://www.telerama.fr/idees/etat-d-urgence-pourquoi-nous-souhaitons-etre-surveilles,138222.php  
Ça sera pour demain. (À suivre, donc)

 
(paru, en son temps, ds Zélium)

jeudi 18 février 2016

Service civil et civique pour tous et toutes


(Quelques commentaires de mes "suiveurs" préférés m'incitent à prolonger cette idée sur un article. Parce que j'ai un peu répondu en post-commentaires, mais dans l'improvisation hâtive. Pousser la réflexion et la clarté de l'écriture un peu plus loin ne fera pas de mal.)
C'est forcément "pour les autres", oui, qu'on peut faire ce genre de proposition. Nous (moi et mes interlocuteurs sur ce blog, sauf exception ?), on a passé l'âge. Il faut voir aussi que, entre l'époque où nous avons fait ou évité de faire le service militaire, la situation sociale a bien changé. (Et puis j'insiste : ce dont je parle ici, ce n'est vraiment pas le service militaire, plutôt un prolongement de l'école avec "thérapie" associée. Rien à voir avec la téléréalité de M6.)
La réponse pragmatique c'est toujours l'éducation, et elle commence dans la famille (parents, frères, sœurs, voisins) dès la naissance, et même avant. Il faudrait donc commencer par faire l'éducation des parents avant qu'ils n'enfantent. Mais pour ce qui concerne les djeuns de maintenant, c'est trop tard, on ne voyage pas dans le passé. Alors quoi ? Ils sont là… on les jette ?
• Pour le présent, il faut bien commencer par agir sur les symptômes. Faire baisser la fièvre, en urgence. Garrot ou sparadrap, oui… rustine sur des jambes de bois. Il est peut-être naïf de croire à une possible rééducation ou "reprogrammation" d'individus de 18 ans – c'est un travail complexe exigeant des psychothérapeutes-sociothérapeutes, pas des sergent-chefs. Des techniques et du temps. Un serment de citoyenneté exigé sans préparation, comme le fait Michaud, ce serait comme faire passer le bac au sortir de la maternelle. C'est pourquoi je vante l'idée du service civil. (Je me rends bien compte que certains vont hurler devant des mots comme rééducation ou reconditionnement ou reprogrammation, mais, même si j'y mets une part de provoc', je le dis sans rire, en behaviouriste : nous sommes des êtres sans essence, fabriqués (conditionnés) par notre éducation ou manque d'éducation et donc susceptibles d'être partiellement reconditionnés, ce qui est une vision optimiste de l'individu humain, comme susceptible d'amélioration au cours de sa vie. "Sois ce que tu deviens" plutôt que "deviens ce que tu es".)
• Quant aux solutions pour l'avenir, on doit démarrer le travail d'éducation le plus tôt possible, et donc, si on ne veut pas en venir à enlever les enfants à la naissance pour les faire élever par des crèches d'État ou des robots (on sait les catastrophes humaines que ça a produit en URSS ou en Allemagne nazie), on ne peut travailler que sur l'école. (Sinon, il faut prendre les choses encore plus en amont en rendant la contraception obligatoire et en imposant une formation à l'éducation des enfants et un permis de procréer…)
Quant à l'aspect "religieux" de ce rituel, une sorte de religion laïque de la République (avec cocarde bleu-blanc-rouge en pin's ?), ce serait quand même mieux que le foot, question religion profane. On peut sans doute se reporter à quelques idées émises par Régis Debray sur "les communions humaines"… une sorte de nécessité pour la vie sociale. Idée de néo-réac ou d'anthropologue ?
Mais, à 18 ans, donner un an de sa vie à la République, à l'État ?
D'abord il faudrait quitter une vieille idée anarcho-libertaire qui veut que l'État soit notre ennemi, idée qui n'est en réalité que de l'anti-autorité adolescente. Et donc, prendre conscience que l'État, la République, la nation, le pays, le peuple français, c'est nous. Nous tous qui, au minimum, payons des impôts et taxes, votons ou non, roulons sur les routes, profitons ou non de la sécu, d'un passeport français, etc. Cette participation au commun, au collectif, au mutualisme, se fait par les impôts et taxes prélevés sur notre travail et notre consommation. Et donc il faudrait déjà bien se rendre compte qu'on donne beaucoup plus de notre temps de vie et de travail à la collectivité par les impôts qu'en un an de service. Et avec ce défaut que ce n'est que de l'argent. De l'argent qui masque que c'est de notre travail, donc du temps de notre vie. L'impôt est prélevé sur l'argent gagné par notre travail "normal", celui que nous faisons en vue des besoins et désirs personnels et familiaux, nous nourrir, habiller, loger, etc., et qui, a priori, dans notre ressenti superficiel égocentré, n'a rien à voir avec un don de temps de notre vie à la collectivité. Le prélèvement est vécu comme une captation, un vol arraché de force par l'État sur un bien qui nous est dû, qui est à nous, acquis par notre travail. Et donc, c'est mal vécu. Notre libertarisme n'est pas loin du Tea-Party US et de son anti-Étatisme anti impôts névrotique.
En fait, participer au bien collectif seulement par les impôts, ça me fait penser à ces  journaux ou chaines TV… ou ces blogs créatifs qui ne vivent que de la pub… dont les auteurs admettent de se faire rémunérer "par la bande", par un système parasitaire et non directement par les amateurs pour ce qu'ils proposent, leur travail, leur temps, leur art. (Ils n'ont donc aucune fierté ?!)
De même, l'État (la République, la collectivité) ne se nourrirait que des impôts, de la captation financière parasitant notre travail individuel, au lieu de profiter de notre temps, vie, travail lui-même… Dit dans l'autre sens : nous ne voudrions donner au collectif, partager, que de l'argent, avec la distance que cela suppose, pas du temps de vie direct, que de l'indirect ? (Et en râlant.)
Parce que, évidemment, le service civique n'est pas qu'un lieu de rééducation individuel, c'est aussi un lieu de don solidaire, de participation au bien commun, je n'ai peut-être pas assez souligné ça. (Il faut aussi se rappeler qu'en temps de guerre (ce n'est pas si loin) chacun était censé donner sa vie pour la patrie… Là aussi, les temps ont changé…)
Un an de vie donnée 24h/24 peut être mal vécu aussi, d'accord, surtout si on se fait chier dans des travaux absurdes ou un rien-faire encore plus absurde. Mais si on apprend tous les jours quelque chose ? des choses utiles… si on découvre et se découvre ?… (Personnellement, je n'ai pas souffert de l'internat au collège-lycée parce que j'avais plaisir à apprendre et si mon service militaire a été bien trop long, il n'a pas été fait que de temps perdu. Mais évidemment ce que j'en ai tiré ne venait pas du système militaire lui-même, à part le permis de conduire, mais des copains dits "de régiment", question de chance d'avoir été en compagnie de dessinateurs, graphistes, monteurs-son et étudiants sursitaires avec 6 ou 7 ans de plus que moi, des grosses têtes, agrégés d'histoire, de psycho et autres. Et à tendance gauchiste.)
Qui dirigerait un service civil est une lourde question. Il faudrait fonder un corps spécial d'éducateurs, ni l'armée, ni l'enseignement tel qu'il est, ni des psy, ni des profs de gym, ni des moniteurs de colo, ni des curés… mais sans doute un peu de tout ça (sauf les curés) et des artistes. Des gens formés à la pédagogie et sachant manier l'autorité. (Toujours cette question d'une éducation pas seulement bienveillante, mais encadrante, posant des limites, par la sanction quand il le faut. Faire régner la discipline ce n'est pas faire marcher au pas… encore que le pas de l'oie fasse travailler les abdominaux et la coordination collective… mais la danse, c'est pas mal non plus, pour ça…)
Sinon, oui, le mal, ce n'est pas l'école, la République, l'État… et ce n'est pas seulement la radicalisation, c'est la religion, mais comment l'éradiquer ? (C'est aussi – beaucoup ! – le capitalisme libéraliste financiariste mondialisé, mais ça aussi, comment l'éradiquer ?)
Et donc, de religion, islam et autres, je reparlerai, et de laïcité (liberté d'avoir une religion, de quitter une religion, de n'en point avoir du tout…) 


à suivre

lundi 15 février 2016

Bizutage

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Pour aller dans le sens de Georges Bormand qui, suite à mon article du 31 décembre, avait fait moult remarques (appréciées), dont « Là, cela correspondrait plutôt à une notion de Citoyenneté qui, elle, serait effectivement un acquis à valider... », j'ai le plaisir de rendre compte d'un article du dernier Philosophie Magazine (N°96) : un entretien entre Yves Michaud, philosophe, initiateur de '"L'Université de tous les savoirs", et Fethi Benslama, psychanalyste et professeur à l'université Paris-Diderot. (Toujours dans l'idée de comprendre, il serait sans doute bon de lire ses "La Guerre des subjectivités en islam" et 'L'Idéal et la cruauté. Subjectivité et politique de la radicalisation".)
• Je reprends intégralement la première intervention de Fethi Benslama : « Qui bascule dans l'islam radical ? Partons des données fournies par les rapports gouvernementaux. Les 2/3 des "radicalisés" ont entre 15 et 25 ans. Le principal dénominateur commun des apprentis djihadistes est la jeunesse. Dans les civilisations modernes, l'adolescence s'est étendue dans le temps. Celui qui va devenir un homme affronte des problèmes redoutables : transformation de l'identité, recherche d'idéaux, de vécus émotionnels intenses ; il y a parfois du ressentiment et la mort est très présente. Les autres points communs entre les radicalisés sont plus ténus : 40% d'entre eux ne sont pas issus de familles musulmanes ; ils n'ont pas tous été délinquants ; ils ne sont pas tous originaires de banlieue. D'ailleurs, contrairement à ce qui est souvent dit, la banlieue n'est pas un tout homogène de classes défavorisées. Donc le fait majeur reste le suivant : des adolescents en pleine crise d'identité rencontrent l'offre djihadiste et sont prêts à l'adopter avec l'illusion de se sortir de leur impasse. Les suicidaires et les meurtriers trouvent là l'occasion d'anoblir leurs actes destructeurs par la cause de Dieu. »
Beaucoup de chose, dans ce §. En résumé : un adolescent ou adulescent désespéré, ou plutôt sans espoir, en recherche de sens à sa vie (idéal) et d'émotions fortes de type suicidaires ou potentiellement meurtrières (comme dans les sports extrêmes ou les déconnages dangereux, bizutages et autres descentes en caddy type abruti.com et dans les jeux vidéo).
Traduit en termes simples : besoin d'une cause, envie suicidaire, désir d'être un héros reconnu : le martyre répond à ces trois désirs et satisfait aussi les pulsions meurtrières. À la limite, peu importe la cause à défendre ou à sauver, l'important c'est la possibilité de "passage à l'acte", impossible dans la vie quotidienne. Avec ça, l'islam, oui, quand même, comme norme à penser. On peut ajouter ignorance, illettrisme, pauvreté du vocabulaire, absence de repères historiques, nullité en science… L'échec du système scolaire tient au fait que l'école, "l'école de la République", est censée décoller le jeune de son milieu d'origine, famille, ethnie, religion, et lui apporter non pas une identité tout faite mais, par les connaissances, les moyens de s'en construire une. Mais celui qui va mal n'est pas en état d'apprendre, et encore moins de se former à l'esprit critique, d'où réceptivité et adhésion à des propagandes simplistes comme aux théories complotistes (c'est un peu la même chose, d'ailleurs : les superstitions, Dieu ou le Grand Complot…) Les nouveaux médias et rézosocios en sont, on le sait, grands pourvoyeurs et transmetteurs.
• Les recruteurs (comme dans toutes les sectes) s'adressent à l'individu, créent une relation d'intimité, cernent sa problématique subjective, sa douleur identitaire, prennent le temps, séduisent. Paternels, maternels, fraternels… Le vocabulaire : se nommer les uns les autres "frères" et "sœurs"… comme dans les monastères, crée le sentiment de grande famille, la communauté.
• Après, pour aller à l'encontre, il va falloir parler éducation, donc école, donc pas seulement la bienveillance recommandée par les directives ministérielles, mais les interdits, les sanctions, les limites posées. (Ce N° de Philosophie Magazine se consacre essentiellement à la question de l'enseignement de la morale à l'école, "Le bien et le mal, ça s'apprend ?" Le point d'interrogation fait partie intégrante du titre comme il fait partie de la démarche philosophique.)
J'ai déjà fait allusion au documentaire "Les Français c'est les autres" et à ce drame de voir tous ces enfants d'une classe, qui sont français (sur leur carte d'identité) et qui ne se sentent pas français. Mais il se pourrait, selon Michaud, que la question soit mal posée, qu'il faudrait moins se fixer sur cette question identitaire nationale (relativement mécanique pour la plupart d'entre nous : on nait avec. L'identité nationale, c'est une question d'histoire-géo, pas de droit), mais plutôt sur la question de comment se considérer, se vivre comme citoyen de la République française, ce qui est un peu différent.
Sujet citoyen. Un point important concernant l'école est que d'une part, OK, il y a de pures connaissances à ingérer, du savoir ; là, l'élève est récepteur, objet creux à remplir, mais il devrait y avoir un meilleur usage des disciplines où il est acteur, c'est-à-dire sujet (car il s'agit bien de ça : former des sujets) : arts plastiques, langues, l'Histoire comme enquête, écriture, parole, théâtre, musique…
Mais la musique… Le fameux imam de Brest qui promet aux enfants de finir singe ou porc (pas tout de suite, quand même, à la fin des temps) s'ils aiment la musique… Ce n'est pas du djihadisme, mais c'est du conditionnement susceptible de préparer à –, à long terme. (Benslama précise que les fanatiques n'aiment pas la musique parce qu'elle n'apporte pas de sens, de discours tout prêt, elle nous ouvre à notre espace intérieur, l'endroit où naissent des questions*. Or les questions, le questionnement, c'est le doute, c'est la philosophie, c'est le mal. Le Coran, on ne le lit pas, on l'apprend par cœur. Là encore, différence entre adepte objet et lecteur sujet, c'est-à-dire qui "discute" avec le livre.)
Un contrat social. Rousseau, Hobbes, Locke sortaient des guerres de religion et cherchaient donc le contrat social qui permettrait de faire tenir ensemble une société de gens aux croyances et opinions dissemblables et opposées, antagonistes. Ne sommes-nous pas dans une situation similaire, en plus complexe encore ?
Dans l'article, Michaud fait la proposition d'une prestation de serment du citoyen, mais sans évoquer de préparation autre que l'école. Mais je pense au rôle qu'a joué le  service militaire, y compris les  bizutages et les vaccins de cheval, comme creuset social pour mettre ensemble, intégrer des jeunes gens de toutes provenances. (Quand je l'ai fait, vers 1960-61, il n'y avait pas d'Africains ou Maghrébins à "intégrer", mais je me rappelle quelques Alsaciens ou Bretons du terroir qui parlaient à peine français… se sentaient-ils français ?) Moi, oui, je rêve d'un service civil et civique d'un an, obligatoire, pour les filles aussi, qui serait un lieu d'instruction civique, de formation à la citoyenneté, usant entre autres d'autorité, de discipline. Sans omettre les apprentissages techniques, ceux dont chacun aura besoin à un moment ou un autre dans sa vie : informatique, permis de conduire, cuisine, contraception, bricolages divers… et les services publics et "travaux d'intérêt général" : pompiers, secourisme, secrétaire de mairie, cantonnier, facteur, et pourquoi pas une part d'apprentissage militaire…
Ce service se conclurait, j'y viens, par une cérémonie de prestation de serment. Un rite de passage à l'âge adulte et d'accès à la citoyenneté, avec ses droits (vote, etc.) et devoirs (solidarité). Il y a quelques années, je ne sais plus qui chez les ci-devant UMP proposait un "serment d'allégeance aux armes" pour tous les jeunes Français. "Allégeance aux armes", beurk ! mais un serment républicain, oui. (L'idée remonte à Rousseau et s'est pratiquée dans les années suivant la révolution de 1789.) Une adhésion solennelle plutôt qu'une allégeance, une sorte de "contrat de mariage" à signer avec la République. (Et après la cérémonie, une grosse teuf !)
Ce serment jouerait le même rôle de rituel initiatique que, dans le domaine religieux, la confirmation, la bar mitzvah ou la chahada (mais sans croix ni kippa ni voile). Le texte citerait des élément de la constitution, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : égalité hommes-femmes, liberté d'expression, laïcité, et aussi ses devoirs (solidarité, fraternité, engagement en vue d'un bien commun…). Une trahison patente du contrat, comme tuer ses concitoyens, justifierait la déchéance non pas de nationalité mais de citoyenneté.
(Michaud se mélange un peu, d'ailleurs, puisqu'il commence par dire que la question n'est pas la nationalité mais la citoyenneté et qu'ensuite il propose la déchéance de nationalité et n'hésiterait pas à faire des apatrides… J'ajoute que poussé par la curiosité, je suis allé voir la page FB du dit Yves Michaud. Il y partage beaucoup d'articles du Figaro, dit du mal d'un peu tout et tout le monde sans prendre de hauteur, ce qu'on pourrait attendre d'un philosophe… et ne me semble pas un homme très sympathique…)


(* Henri Texier dit un peu la même chose : « Que ma musique serve à faire de la place dans la tête des gens. »)
 


à suivre

vendredi 12 février 2016

Justice et civilisation


• Le temps présent est un 11 septembre permanent… La fin du monde, c'est maintenant…
Bruno Étienne, après le 11 septembre 2001, parlait des "amants de l'apocalypse"… Ils en veulent à l'Occident ? Certes, mais plus : adeptes d'une secte apocalyptique, ils en veulent à l'humanité, à tous les sens du terme. Et donc l'humanité doit les combattre, en finir avec, les détruire.
• Mais nous, on est bien gentils, bien tolérants, pas si racistes qu'on veut bien le dire (d'ailleurs, voyez, depuis les attentats, on se tient plutôt bien, pas d'amalgame ! Il n'y a pas eu un déferlement de haine antimusulmane, de ratonnades, comme on disait à une autre époque pas si lointaine, d'incendies de mosquées et d'arabes jetés à la Seine…). (Les Corses, calmez vous !) Des incidents, oui – toujours trop, bien sûr – mais pas des massacres.
C'est que nous sommes tous des objecteurs de conscience. Parmi les morts du Bataclan et des terrasses voisines, il y avait 129 objecteurs de conscience. Tous non-violents et pour la non-violence. Tous pacifistes… comme dans les années 30. 
• Quand les navy seals ont éliminé Ben Laden, Obama a dit « Justice est faite ». C'est ce qu'on disait quand la tête du condamné tombait dans le panier de la guillotine. Ce n'était pas "la justice", en fait, juste de la vengeance. Ou de la dératisation.
Ici, dans la situation post-13 novembre, les tueurs qui ne se sont pas explosés d'eux-mêmes sur place ou été éliminés par le raid, qu'est-ce qu'on en fait ? La loi, la justice, ça ne veut pas dire la punition (le châtiment !) ou la vengeance. La justice, c'est ce qui se tient sur la frontière entre les faits et la culture locale. (Locale, parce qu'il n'y a pas de justice dans l'absolu.) Elle n'émane pas de Dieu ni de l'individu mais de "la société" (l'État, les lois instituées…)
Une facette de la justice est de l'ordre de la punition.
Une autre de la dissuasion (on espère calmer les velléités des autres criminels potentiels par la crainte de la punition – la fameuse peur du gendarme).
Une autre serait la réhabilitation des criminels – il arrive que ça marche.
S'y ajoute ce que souvent on ne veut pas voir et dire parce que c'est cyniquement pragmatique, à l'américaine, ce que j'ai nommé plus haut "dératisation" : il s'agit de retirer de la circulation des éléments jugés dangereux pour la société et qu'on ne sait pas soigner. La loi sur la récidive, la rétention de sureté, c'est ça… ce n'est ni de la morale ni de la justice, seulement du principe de précaution. Si ce n'est pas humaniste envers les coupables, on peut trouver ça humaniste envers les victimes et les virtuelles futures victimes. En ce sens, la possibilité donnée par la loi de déchoir de la nationalité française (et d'expulser, bien sûr, sinon à quoi bon ?) les auteurs d'attentats ayant la double nationalité, quelle soit de naissance ou acquise, serait un moyen a minima de débarrasser le territoire de quelques "traitres à la patrie" et restant potentiellement dangereux. Mais… voir un article précédent et quelques échanges sur FB, et quelques informations pêchées ici et là depuis : total : loi inapplicable, qui de toute façon ne concernerait que quelques cas.
(Par contre qu'on n'aille pas me dire que depuis qu'on discute de ça, tout à coup, les malheureux gamins binationaux ou simplement issus de l'immigration ne se sentent plus français à part entière. Essayez de voir ou revoir le docu "Les Français, c'est les autres", vous verrez si depuis 10, 20, ou 30 ans qu'ils sont ici et étiquetés "français" sur le papier, ils se sentent français… Pas un.)
• Mais bi- ou mono-français, on ne peut pas faire des apatrides, parait-il. (Les binationaux, en fait, c'est des veinards : ils ont un autre pays, on ne les abandonne pas dans les eaux internationales…) Et pourquoi pas faire des apatrides, après tout ? D'abord, le mot est assez joli… comme athée. On prendrait un coin du monde dont personne ne veut, une ile déserte, on la déclarerait patrie des apatrides, l'Apatridie ou l'Apatristan et on les installerait tous là. (De préférence une ile qui culmine à un mètre au dessus du niveau de la mer, histoire que le réchauffement climatique règle la question, à long terme. Sinon, l'ile de Pâques… ou l'Islande… Je dis ça méchamment, pour faire mon malin, mais en fait, une Apatridie serait une sorte d'utopie intéressante…) Et, c'est amusant, Taubira, dans son pamphlet (que je n'ai pas lu) se demande aussi « Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables ? Faudrait-il imaginer une terre-déchèterie où ils seraient regroupés ? » (Déchu = déchet de la République…?)
Amusant aussi, dans le dernier Psiko, Caritte fait une page montrant le sort d'un expulsé : son autre pays n'en veut pas non plus… Suit une sorte de match de tennis où il se fait renvoyer d'un pays à l'autre parce que personne n'en veut… jusqu'au moment où il n'a plus le choix : il ne peut atterrir qu'au Califat, puisque ce n'est pas un pays… et puis Daesh veut bien de lui, même qu'on lui offre une ceinture…!
Et par la même occasion, on devrait y expulser, dans cette Apatridie (ou chez Daesh), les financiers et entreprises binationales voire multinationales hébergées fiscalement dans des paradis offshore, et des Depardieu et consorts qui ne savent plus très bien s'ils sont français, belge ou russe…
Sinon, quoi ? La prison à vide ? Rétablir la peine de mordre ? L'élimination discrète ? L'épilation intégrale ? Pas très civilisé, tout ça, je sais…


mardi 9 février 2016

Une guerre "de civilisation"


• "Guerre de civilisation", ce mot étant au singulier, ça ne veut pas dire "choc des civilisations", qui désignerait l'affrontement d'une civilisation contre une autre, ça veut dire guerre pour la civilisation. Ça veut dire la guerre de la civilisation (en général) contre son contraire : la barbarie, ce terme dont on abuse, en l'occurrence l'islamo-fascisme ou I.T.I. – Internationale Terroriste Islamiste (on peut y mettre Al-Qaïda, Aqmi, Boko-Aram, Daesh, les talibans, etc., etc.) Cette I.T.I. est un défi lancé à la civilisation tout entière.
Bien sûr, la civilisation, ça consiste en particulier à régler les conflits par la négociation, par la parole, par la loi… alors comment se débrouiller avec le mot "guerre". Mais cette guerre, puisque, oui, guerre il y a, ce n'est pas "nous" qui la voulons, c'est "eux" qui nous l'imposent, que ces "eux" soient là-bas loin ou soient français de nationalité. Il faut donc bien aussi se demander si la notion de nationalité a encore quelque valeur, dans ce cas… De nouveau revient l'idée de "guerre civile mondiale"…
• Ce n'est pas une guerre contre les musulmans ou contre les arabes, OK, on a compris,  pas d'amalgame ! Mais il faut bien reconnaitre que les agresseurs, les  tueurs en question, qu'ils soient français, belges ou syriens de nationalité sont, en gros, des arabes. Et, en gros aussi, des musulmans. (Je dis bien "en gros"… Ou faut-il mettre entre guillemets  tous les termes comme arabe ou musulman ?) Ils ont en tout cas des allures et des noms arabes et en tout cas ils se revendiquent de l'islam, le clament bien haut, tuent au nom d'Allah qui, comme chacun sait, est grand, et de son prophète qui, comme chacun sait, était un grand pacifiste et par ailleurs est mort depuis 1400 ans. Et donc la police, la justice et les renseignements municipaux ne peuvent que s'intéresser a priori à des gens de cette origine, ça n'a rien d'étonnant ni de scandaleux (contrôle au faciès, racisme…), il vont pas faire une descente dans la communauté suédoise de Paris ou de Sète (pourquoi de Sète ? Y a des Suédois, à Sète ?!). C'est chiant pour les arabes musulmans innocents mais voilà, il se trouve que le danger vient, en gros, de là.
• La démocratie laïque, malgré tous ses défauts, ses insuffisances, ses manques et ses conneries, mérite d'être défendue. Comme l'Europe de 1940 méritait d'être défendue contre le nazisme. L'Organisation État Islamique, dit Daesh ou Califat, on a compris, on sait ce que c'est : théocratie, nazisme, fascisme, totalitarisme. Il ne mérite qu'une chose : disparaitre. Califat delenda est. De toute façon, on ne peut pas négocier avec les terroristes islamistes, pas pour des raisons géopolitiques ni pour des raisons morales, non : pour des raisons de santé mentale. On ne négocie pas avec le fanatique, il est inaccessible à la raison, au compromis, c'est un pur, un idéaliste, c'est la foi qui le guide, Dieu est son droit, aucun dialogue possible. Aucune rédemption ou réhabilitation possible ("déradicalisation", mon cul !). Pur, pureté, idéal, idéalisme = danger mortel.
Albert Camus : « On ne peut parler et communiquer avec un être asservi. » ("L'Homme révolté".)
Jean-Claude Carrière, dans "Fragilité", titre un chapitre "Cet obscur besoin de subir". Et dit aussi : « Mais comment soigner une foule ? »
Ça voudrait donc dire qu'il faut les tuer ? Comme on tue les vers qui nous parasitent les boyaux ou le virus de la peste bubonique ? Ce ne serait PAS de la vengeance ni de la punition, ce serait se défendre, se préserver, préserver l'humanité (notre culture, la démocratie, la civilisation, l'humanité, oui…) (Mais – je sais – tuer les gens, c'est pas bien, c'est pas civilisé, c'est pas humaniste…)
• En principe et par principe, je pense avec un certain humanisme "de principe". Type : tous les hommes sont égaux et ont le droit de vivre, respect de la vie humaine, qui est sacrée, droits universels de l'homme, etc. Mais quand des crétins croyants se battent entre eux, sunnites contre chiites (et quelques autres sous-sectes), juste parce qu'ils sont sunnites et chiites, je ne vais pas pleurer sur eux.  Comme disait le Pr. Choron : qu'ils crèvent. Et puis tant qu'ils se foutent sur la gueule entre eux, ils ne nous tuent pas. Mais comme, en plus, ils nous tuent……… J'avoue que je n'ai aucune empathie, aucun principe humaniste qui tienne face ces psychopathes. On les oublierait au fond d'un cul de basse fosse jusqu'à la fin du monde que ça ne me ferait ni chaud ni froid.


dimanche 7 février 2016

Amalgame (comme chez le dentiste) ou généralisation ?

• Quand certains disent que comprendre c'est déjà excuser, il ne faut pas confondre. Quand on parle de comprendre, il ne s'agit pas de comprendre au sens de « Comme je te comprends, mon pauv'vieux ! », ou, comme dans les séries télé « Je sais ce que tu ressens », ou « Faut les comprendre, ils ont eu une enfance malheureuse, on les a pas aidés, etc. »… Ce qui, effectivement, serait déjà excuser, justifier. Il s'agit de comprendre les faits, les tenants et aboutissant, les enchainements de cause à effet. Ça inclut psychologie (individuelle et de masse), politique (interne et internationale), religion (et laïcité et athéisme), histoire (récente et séculaire), décryptage des médias, etc., etc.
Comprendre, c'est prendre tout partout et réunir, chercher les liens, connecter. Mais sans faire un gros amalgame, au contraire, défaire les nœuds, tirer les fils, trier.
• On nous répète à tue-tête de ne pas faire d'amalgame (mot d'origine arabe, d'ailleurs). OK, mais je préfèrerais le terme "généralisation". Notre cerveau, c'est vrai, a une propension déraisonnable à généraliser, et surtout dans le négatif. Exemple : un escroc m'a fait un sale coup. Il se trouve qu'il est juif. Dans ma tête se déploient une série de cercles concentriques qui aboutissent à la généralisation « les juifs sont des escrocs ». (Autres exemples disponibles à base de noirs, d'arabes, de musulmans, d'amish, de Belges………) Cette propension (naturelle ou culturelle, peu importe) à généraliser est une des sources du racisme ordinaire et de la xénophobie ordinaire (mais c'est aussi une nécessité de la pensée scientifique). Faut démêler le bazar dans sa tête, ce n'est pas forcément facile. Parce que, en plus, le système généralisateur du cerveau individuel est en permanence renforcé par les échanges dans le réseau du cerveau collectif, lui aussi généralisateur, que ce soit en famille, au troquet ou sur le net.
• Par ailleurs quand j'ironise sur cette injonction de « Pas d'amalgame ! », ça ne veut pas dire que je suis pour l'amalgame ou la généralisation. Quand j'ironise sur une autre phrase maintes fois répétée (les Boubaker et autres imams politiquement corrigés) : « Eux, ce n'est pas l'islam ! L'islam c'est la paix ! », c'est pareil, ça ne veut pas dire que je pense que l'islam c'est la guerre (même s'il y en a un certain nombre qui font tout pour nous en persuader…) Je me moque surtout de cette antienne répétée comme un mantra – méthode Coué, autopersuasion. Partant, j'ai surtout envie de leur dire : « Si les terroristes, ce n'est pas l'islam, montrez-nous, vous, expliquez-nous ce que c'est, en vrai, que l'islam de paix, parce que dire "l'islam, c'est la paix", OK, j'en prends bonne note… mais encore ? Dire ça, c'est à la portée du premier curé venu, du pape, de Plantu. On ne demande pas mieux. Et qui oserait se déclarer sans baver pour la guerre et pour la tuerie ? Oui, Bush, Donald Trump… et, justement, l'organisation de l'État islamique, ces gens qui « n'ont pas honte de leur cruauté » (T.E.Lawrence). Et donc un musulman, un vrai, un bon, c'est quoi ? Celui qui ne demande qu'à "exprimer pacifiquement ses croyances", si c'est juste prier X fois par jour à quatre pattes, porter le foulard et manger halal… ce n'est ni très intéressant ni très honorable en soi… »
Pour moi, ironiser là-dessus, c'est donc d'une part ironiser sur cette répétition mécanique médiatique, phrases toutes faites, prêt-à-penser martelé ; mais d'autre part, plus important, c'est affirmer que tout argument tiré de la religion elle-même, de la foi elle-même, quelle qu'elle soit, est nul et non avenu. Tout argument tiré de commandements dits divins, de révélations, de prophéties, est nul et non avenu. Qu'on nous donne des arguments non religieux, réels, concrets, pratiques, sociaux, politiques, éthiques, philosophiques… pour nous dire que l'islam (le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme…) c'est bien, que ça fait du bien aux gens et au monde, des arguments sans référence à tel ou tel verset du Coran ou tel hadith où on trouve tout et son contraire, sourates de paix, sourates guerrières, chacun pioche à son gré.
Ça nous aiderait.

(à suivre)

vendredi 5 février 2016

Quelque chose comme le chaos (dans les têtes et dans le monde)

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• La guerre, normalement, laisse entrevoir une fin, la possibilité d'une victoire ou d'une défaite. La guerre concrétise une situation, l'explicite, permet une lucidité : on a peur, mais la peur connait son objet réel. La terreur, par contre, est sans début ni fin. Quand l'objet est fluide, invisible et omniprésent, c'est l'angoisse qui domine.
Pendant l'occupation, le résistants français étaient qualifiés de terroristes par l'occupant et les collabos. Mais lancer une bombe sur un convoi militaire allemand en criant « Vive la France ! », ça n'a rien à voir avec le terrorisme islamiste international actuel. Les tueurs du vendredi 13 ne sont pas, que je sache, les résistants d'un pays occupé. Ce ne sont pas non plus exactement des agresseurs venus d'ailleurs, comme une cinquième colonne vouée au sabotage. Ça y ressemble un peu, si ? quand même ? non…? Oui, mais… Succession de définitions et de non-définitions ponctuées de "oui peut-être", "mais non peut-être," "ou bien…?" qui aboutissent à l'idée que rien n'est simple, tout se complique = quelque chose comme le chaos.
• Histoire de confirmer qu'il s'agit d'une "guerre civile mondiale" (le pape parle d'une "guerre par morceaux"… oui… et qui laisse des gens en morceaux…), on peut examiner le calendrier de ce mois de janvier :
Valence : attaque automobile contre les soldats en faction devant la mosquée.
Tel Aviv : attaque à une terrasse de café.
Cologne : agressions sexuelles de masse.
Paris, La Goutte d'Or : attaque d'un commissariat avec couteau et ceinture d'explosif factice (!)
Marseille : un lycéen attaque un prof juif à la machette en se revendiquant du Califat.
Jakarta : attentats.
Istanbul : attentat.
Ouagadougou : attentats.
Quant à la Libye………
Et j'en oublie surement tout un tas : je ne cite que ce qui sort aux infos les plus courantes.
On peut aussi appeler ça "chaos planétaire", comme le fait Willem dans Charlie Hebdo.
• Ce qui entraine, "dans l'intérêt de la raison", la nécessité de trier. Pour ça il faut soit enculer les mouches coupées en quatre, soit inventer des mots nouveaux, soit tourner autour du sujet en spirale, c'est-à-dire en prenant successivement différentes grilles, différents point-de-vue, et surtout, après avoir affirmé un point-de-vue, examiner son inversion. (Ça donne par exemple ces inversions : le politique qui instrumentalise la religion ? ou la religion qui instrumentalise le politique (les deux !), comme : la radicalisation de l'islam ? ou l'islamisation de la radicalité – formule venant de Olivier Roy – ? Les deux !)
Soit encore trancher, c'est-à-dire simplifier en récupérant un vocabulaire peut-être brutal mais clair : – C'est une guerre. – Celui-là est notre ennemi. – Il faut l'exterminer. – Notre civilisation mérite d'être défendue, etc. Partant, retrouver une puissance (un potentiel d'action). Ça, c'est plutôt le problème des hommes politiques, qui ont effectivement à agir.
• Entretemps, je suis tombé sur un article de Médiapart qui rend compte de trois bouquins sur le sujet des djihadistes et de leurs motivations.
- "Les Nouveaux somnambules" de Nicolas Grimaldi, qui évoque non pas des motivations mais "un rêve"… des gens envoutés dans une fiction (fable, chimère, hallucination…) mais dont les actes – problème ! – s'inscrivent bel et bien dans la réalité. J'aime assez cette vision des choses, qui correspond à l'idée de secte, de gens sous emprise, comme "possédés"…
- "Tueries" de Franco "Bifo" Berardi, qui, lui, évoque les différentes tueries de masse dans la monde, aussi bien les américaines de campus que la bande à Baader et les islamistes. Derrière toutes, une seule cause profonde : le "capitalisme absolu" comme apocalypse. Ce qui m'apparait comme une de ces simplifications idéologiques auxquelles je me refuse.
- "Les Enfants du Chaos", d'Alain Bertho, anthropologue. Au delà des "passages à l'acte" individuels, voir le sens collectif : historique, politique, culturel. Lui aussi évoque l'idée d'islamisation de la radicalité, ou comment les échecs des revendications sociales, l'espèce d'impuissance qui nous étreint face au ventre mou du monde politique, entrainent un passage à la violence terroriste, laquelle trouve un cadre favorable dans l'islamisme… Mais je dirais, aussi bien, entrainent le vote FN, autre radicalité.
Des trois (que je n'ai pas lus), il me semble quand même ressortir l'idée globale du nihilisme. Le projet terroriste a toujours une part suicidaire qui s'idéalise dans une fiction, une métaphysique eschatologique : il est plus facile d'imaginer la fin du monde que la fin de ce chaos civilisationnel que nous ressentons (nous tous, pas seulement les djeuns' plus ou moins musulmans), donc la demande d'une "conversion" (dans le sens de metanoïa), d'une apocalypse dans son vrai sens de révélation, d'une "fin de l'histoire", avec la mort hallucinée comme libération, accès au paradis, à la cité céleste. (Ou à l'enfer sur Terre… J'entendais il y a peu un reportage radio sur un collège et ce que lisent les adolescents en SF : du post-apo…)

(Pour les mots bizarres, comme eschatologie, pas de panique, c'est pas un gros mot, mais l'étude du thème de la fin des temps. Et la metanoïa, c'est l'idée d'une mutation accompagnée d’une renaissance, au point d’aboutir à une inversion des valeurs, une transmutation. Ça peut concerner l'individu (conversion religieuse ou dé-conversion : apostasie) ou un groupe, une société. On parle aussi de "changement de paradigme".)
à suivre