lundi 30 avril 2012

BOURDIEU ENCORE


LO 476 (30 avril 2012) – (BOURDIEU ENCORE, puis quelques petites choses)
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GENÈSE DE L'ÉTAT
Dans le second article de Bourdieu, on revient un peu en arrière en évoquant la genèse de l'État et, partant, la genèse de "l'homme public", celui qui parle. 
L'État est décrit comme, au sein du monde social englobant, un champ social particulier au sein duquel se joue un jeu social particulier, le politique légitime. L'État crée les règles du jeu : l'usage de la rhétorique, la théâtralisation. L'homme d'État parle au nom du bien public, ce faisant il se l'approprie. Le parleur a le privilège de l'universel et ainsi monopolise l'universel. C'est déjà un processus de concentration. Concentration des ressources, de l'information, de la langue… et, partant, processus de dépossession : constituer une ville comme capitale (tête) concentrant le capital, c'est constituer la province comme dépossédée de capital. La langue française est à Paris, les autres sont des patois. Constituer la France, c'est déposséder les Provinces. Constituer l'Europe, c'est déposséder les Nations. (Ceci est comparable au mouvement des religions vers l'Universel (le Dieu unique). L'universel devient totalitaire, centralisateur. Paradoxalement, l'Universel s'exprime dans l'Unique. Dieu (le dieu unique) est le Roi, le Seigneur universel ; les incroyants polythéistes sont des païens, mot qui à la base signifie paysans. Il y a un parallélisme, voire une coïncidence historique, entre la démarche monothéiste et la démarche étatique centralisante.)
Ainsi la culture sera légitimée (légalisée) par l'État (institutions, diplômes, titres…) Concentration, cristallisation.
LOCAL vs UNIVERSEL
Là où il y avait du local, divers, dispersé, advient de l'unique, unifié, universel (prétendant à l'universel). Créer le système métrique universel, c'est unifier (étalon), cela facilite les échanges, le commerce, comme la langue unique, comme la monnaie unique. Mais les savoirs locaux, devenus folkloriques, sont disqualifiés. Gagnant en universalité, on concentre l'universalité… et certains monopolisent l'universalité. Ceux qui, révolutionnaires, ont monopolisé la lutte pour l'universel peuvent maintenant monopoliser l'universel. Du petit marché local, on passe au grand marché national. La prétention à l'universel de cette culture monopolisatrice la rend intouchable : on ne peut pas l'accuser d'être particulière ou "communautariste". (C'est le problème de la religion monothéiste et de sa prétention à l'universel. C'est de même le problème de "la science" et de sa prétention à l'universel.)
Ainsi, sur le petit marché endogame de province, le péquenaud du coin est dévalorisé par rapport au bourgeois venu de la capitale (ou même seulement de la ville voisine) ou à l'étudiant, voire à l'étranger (s'il est de provenance "supérieure", américain et non immigré arabe). La fille se faisant "enlever" à la ville accède à l'universel. Mais du coup c'est toute une classe sociale locale qui ne peut plus se reproduire.
On s'incline devant la force de l'Universel, venant de la ville, de la capitale-tête, des savants, l'universel mis en discours bien tourné, méthodique, du domaine de la théorie ou de la méthode et non du domaine de la pratique pragmatique de tous les jours, considérée triviale. On devient ainsi provincial, local, folklorique. L'État est devenu le lieu de gestion de l'Universel, monopolisateur de l'Universel et habitat de ceux qui monopolisent l'universel.
(Là, j'extrapole.)
Curieusement, nous restons adorateurs de la concentration. Tout le monde se désole quand une province fait sécession, un pays menace de se diviser (Mali, Syrie, Kurdes, tribus libyennes, Belgique… Europe…?) La balkanisation, c'est le mal, la décadence, la rechute dans le provincial folklorique, dans le petit, dans le paysan. Nous aimons le "grand". Nous gardons une habitude de pensée qui veut que croître, c'est mieux, donc réunir les petits dans une grosse unité, c'est mieux, que La France, c'est mieux que six Provinces. Plus on est grand, plus on est fort. Force démographique : plus on est nombreux, plus on est fort. (Il faut croire qu'on pense encore en termes de concurrence guerrière : un pays plus grand est susceptible de lever une plus grande armée.)
Ça a sans doute à voir, encore une fois, je me répète, avec le monothéisme, l'évolution des peuples vers l'idée d'un dieu unique, plus costaud qu'un tas de petits dieux locaux folkloriques.  On se laisse impressionner par la puissance du regroupement, de la centralisation. L'Europe Unie serait plus forte face aux Etats-Unis ou à la grosse Chine.
Néanmoins, bien sûr, la subdivision en unités territoriales plus petites, provinces, régions, pose des questions de survie économique : une région ne possède pas forcément et du fer et du blé… Mais le fédéralisme répond peut-être à la question. Entre l'assimilation de peuples disparates dans un grand État monopoliste et un puzzle de petits États concurrents, il y a le fédéralisme. Chacun garde son indépendance mais on mutualise certains besoins, certains moyens. N'est-ce pas ainsi que fonctionnent les USA, les Lander allemands, ou des pays multilingues comme la Suisse ou la Belgique ?



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LA FONTAINE ET LE ROUSSEAU
Il me semble bien incongru de vouloir distinguer ou opposer puissance et pouvoir. La puissance qui est force de vie, élan vital, désir de durer (le conatus de Spinoza), suppose le pouvoir et la domination : parce qu'il faut manger. L'agneau, mangeant l'herbe du pré, la domine, lui impose son pouvoir (herbe qui n'est pas une chose mais un vivant qui a "le droit de vivre", non ?). Le loup mange l'agneau et donc le domine, lui impose sa loi. Ce n'est pas méchanceté et appétit de pouvoir mais appétit tout court : il a faim.
La Fontaine était un réaliste pessimiste : ses fables, sous couvert d'histoires animales "pour les enfants", montrent les hommes "comme ils sont", ne cachent rien de la vilenie humaine, des systèmes de pouvoir, de domination, de rivalité. Rousseau lui, serait un optimiste. Et naïf. Rousseau c'est l'agneau de la fable, qui croit l'homme né "bon" alors même qu'il piétine et dévore férocement l'herbe du pré. Rousseau, c'est l'agneau que le loup (tout aussi "né bon") va croquer.
Evidemment, nous humains ne nous mangeons pas (pas trop) les uns les autres et par ailleurs avons inventé des tas de concepts originaux et créations sociales originales : la fraternité, la morale, la justice, l'égalité, les lois…
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CHOMSKY se bagarrait contre la fabrication du consensus
Linguiste honoré, analyste des médias, il dénonce ceux-ci en tant que fabricants du consensus. Les médias l'accueillent… On pourrait dire qu'il profite de sa notoriété de linguiste pour avoir accès aux médias. Là, il peut les dénoncer. Il se sert des médias pour dénoncer les médias. N'y a-t-il pas là un paradoxe ou un piège ? (Mais comment faire autrement ?) Les médias, l'accueillant, ont beau jeu de lui rétorquer : « Vous voyez bien que vous n'êtes pas bâillonné, que vous êtes libre de vous exprimer, et que donc votre critique des médias est injustifiée. » Alors pourquoi y aller ? C'est qu'en refusant, il apparaît comme celui qui refuse la parole qu'on lui offre. En acceptant, il joue le jeu des médias, il se plie au système qu'il dénonce. Piègé !
Comment sortir de ce piège ? peut-être en s'exprimant dans d'autres médias, en particulier où il n'aurait pas à être invité, accueilli, admis.


dimanche 29 avril 2012

LECTURES


LO N°475 (29 mai 2012) 
Cette LO un peu chiante (pas de dessin, presque pas d'humour) devrait être suivie de quelques autres du même acabit. Donc, si vous manquez de temps ou d'envie de lire, passez votre chemin.
 (Je pars de la lecture d'un ou plusieurs articles, en l'occurrence deux cours de Bourdieu retransmis par Le Monde Diplomatique N°694, janvier 2012. Mon sens auto-pédagogique m'entraîne à réécrire, à développer, tout d'abord pour moi, remettre les choses dans mon langage, pour vérifier en quelque sorte que j'ai bien compris. Et puis j'extrapole. Ce qui n'est pas sans risque : c'est de toute façon une interprétation, voire une trahison ("traducteur, trahisseur", disait mon prof d'Italien pour traduire "traduttore traditore"…) Mais qu'importe : Bourdieu est mort et je suis vivant. J'en garde quelques citations en italique et entre gros guillemets.)
L'OPINION PUBLIQUE
« Un homme officiel est un ventriloque qui parle au nom de l'État. » Il parle en faveur de ceux auxquels il s'adresse et au nom de ceux auxquels il s'adresse, il parle à leur place, en se présentant, consciemment ou non, comme représentant de l'universel, voix de l'opinion publique. Laquelle est censée être "l'opinion de TOUS" (c'est la définition "avouable").
Mais ça n'existe pas, "l'opinion de tous"… Alors, qu'est-ce donc que l'opinion publique ? une sorte de consensus, une moyenne statistique, peut-être. Mais n'est-ce pas « plutôt l'opinion de ceux qui sont dignes d'avoir une opinion » ?
Car une opinion digne de ce nom, légitime, doit être exprimée dans des formes conformes. Un critère tacite de choix de nos représentants (homme politique, représentant syndical, membre d'une commission, hommes officiels en général) est que celui que l'on choisit connaît les règles établies (même si elles sont tacites), pratique les formes conformes, la bienséance, le maintien, le langage des élites (la langue de bois, au besoin, dont "tout le monde sait" que c'est de la langue de bois)… Il joue le jeu, mais il va au delà, et ainsi, en allant au delà, il légitime le jeu. « L'excellence est l'art de jouer avec la règle du jeu, en faisant de ce jeu un hommage suprême au jeu. Le transgresseur contrôlé s'oppose à l'hérétique. » Il s'agit de respecter la règle du jeu jusque dans ses transgressions, c'est-à-dire de transgresser en profitant de sa position, en conservant le langage de l'élite. Le Cardinal peut se permettre de faire de l'humour anticlérical, pas le petit curé de campagne mal dégrossi. De même le haut commis de l'État, pas le petit maire de cambrousse à accent local.
LES SONDAGES
L'élu (au sens large), l'homme officiel, faisant appel à "l'opinion publique", bien souvent se réfère aux sondages. Qui sont censés faire remonter vers lui la voix du peuple, l'opinion publique, la majorité. « Dire "les sondages sont avec nous" est équivalent à "Dieu est avec nous". » (Même si, en douce, on dit "ce n'est qu'un sondage, bien sûr, ce n'est pas gravé dans le marbre.")
Pourtant, dans la réalité, comment se passe la création de l'opinion publique ? Comme dit une brève de comptoir, "les idées toutes faites, il a bien fallu que quelqu'un les fasse." Entre autres, par les sondages.
Il y aurait une "opinion éclairée" (contre la peine de mort, par ex) qui s'oppose bien souvent à une "opinion publique de sondage" (qui, elle, majoritairement, est pour). Comme on (l'élite éclairée) veut faire évoluer les choses, on crée alors un groupe de réflexion, une commission, par exemple, destinée à émettre une opinion restreinte mais éclairée, puis à la promouvoir, à l'instituer en opinion légitime. Et pour que ça marche, il faut que ce soit fait au nom de l'opinion publique. Laquelle, par ailleurs, pense peut-être le contraire ou n'en pense rien (ce qui est le cas sur bien des sujets.) La commission (élite) va donc chercher confirmation auprès du peuple en faisant un sondage (ou une votation). Autrement dit, un sondage (im)pose une question qui, a priori, ne se pose pas à la majorité. Et, en imposant la question, il impose la réponse (ou les réponses possibles, le plus souvent binaires, sans nuances : cochez la case pour ou contre… les sans opinion, on s'en fout, comme les abstentionnistes…). Ainsi, on impose à tous des problèmes qui ne se posent en fait qu'à quelques uns (à l'opinion éclairée) et donc on cherche à obtenir des réponses de tous sur des problèmes qui ne se posent qu'à quelques uns (des questions de bioéthique, par exemple). Et finalement, on en obtient des réponses, oui, mais en quelque sorte suggérées ou dictées par les questions mêmes, c'est-à-dire par l'élite éclairée qui a déjà émis son opinion éclairée. Les sondages seraient donc tout autant injection que sondage. En interrogeant une opinion publique prétendument préexistante, l'opinion éclairée ferait exister l'opinion publique en question.
L'opinion publique se fabriquerait donc à partir des opinions privées des élites (les mieux informés, les plus intelligents, les plus moraux : l'opinion "éclairée") réunis en commission, en petit comité. Le rapport de la commission, à travers sa divulgation médiatique – dont les sondages – répandrait cette opinion éclairée, celle des élites, dans la couche sociale suivante. Pas forcément "tout le monde", mais la classe sociale informée, d'abord, puis, par percolation, les couches dites inférieures. « La vérité des dominants devient celle de tous. » Le système serait pyramidal, la vérité (l'opinion légitime) descendant toujours du petit nombre haut placé (l'élite, l'opinion éclairée) vers le plus grand nombre.
Personnellement, je vois là une description des choses un peu simplificatrice, proche d'une théorie du complot, une compréhension du monde antiautoritaire et limite parano. Je crois au va-et-vient, aux allers-retours, aux boucles de rétroaction, je vois les élites comme une émanation : le sommet de la pyramide n'existe que de l'appui sur les niveaux inférieurs. Les élites ne tombent pas du ciel comme des extraterrestres, mais émanent du peuple – disons de la population. Comme la vapeur monte de l'eau qui bout. Les opinions éclairées doivent leur énergie-lumière autant de celle du feu qui bout sous la casserole que du soleil au dessus. Le culte s'appuie sur la culture et même sur l'agriculture. Le peuple crée son élite. La société crée son dieu-seigneur-chef, comme un égrégore, un résumé de son inconscient collectif, une cristallisation organisée de son âme collective chaotique.
RHÉTORIQUE
(Continuons avec Bourdieu.) L'homme officiel produit « ce au nom de quoi il a le droit de produire ». Un homme politique (F. Mitterand ou J.L. Mélenchon par exemple) qui articule une belle langue française (qui la met en forme, qui la théâtralise) produit "de la France". Et c'est cette France qu'il produit qui l'autorise à la produire. C'est ce qu'on appelle prosopopée ("figure de rhétorique par laquelle l'auteur prête la parole à un absent ou à un être inanimé" – j'ajoute : à une abstraction, un symbole, en faisant ainsi une allégorie). En mettant en scène le référent imaginaire au nom duquel on parle et que l'on produit en parlant dans les formes, on fait exister ce que l'on exprime et ce au nom de quoi l'on s'exprime. Et ce référent exprimé, réciproquement, nous autorise, nous légitime.
Moi qui suis fan des boucles de rétroaction (positives ou négatives) et actuellement lecteur de "La Méthode" de Morin, je ne peux que voir là une boucle auto-référente et auto-productrice. Mais Mélanchon n'est pas le seul. Tous les hommes publics officiels (politiques ou religieux) produisent leurs référents par leur rhétorique (même ceux qui parlent mal, et ainsi hélas dévoient la qualité de ce qu'ils produisent et la qualité de ceux qui les écoutent). "La Nation", "les Travailleurs", "le Peuple", "la Sécurité nationale", "la Souveraineté", "Dieu"… des fantômes, symboles, abstractions… Le but du discours est de faire croire que ces fantômes correspondent à "quelque chose" (et quelque chose de transcendant), qu'il y a un fondement réel (universel, légitime en soi, absolu) au discours, alors que ce discours est en fait auto-fondateur. Le discours fait exister ce dont il parle. Miracle et danger de la parole.
MAGIE
Baudelaire : « Manier savamment une langue, c'est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. »
Le discours réussi fonctionne comme une évocation magique, et ainsi produit des "miracles". C'est la vertu de la théâtralisation, du cérémonial. Communion : le groupe s'unit en consentant au discours qui l'unit – nouvelle boucle. Le cérémonial juridique, par exemple (robes, perruques, apparat) n'est pas un simple appareil, comme pour faire chic, c'est un dispositif qui fonde la justice. On ne dit pas la justice ni la messe en slip de bain et difficilement en complet veston. La pompe du discours, l'apparat, font le charisme, autant que la stature, la voix, le geste.
L'homme public doit afficher et encore plus théâtraliser sa foi dans l'universalité de son discours, de sa croyance, de sa conviction ; et affirmer son désintéressement personnel.  Un prof de physique doit manifester sa foi dans la physique, lui-même n'étant que l'intermédiaire, le vecteur modeste de quelque chose plus grand que lui. Une entité transcendantale, une "idée platonicienne". De même un prêtre sa foi en l'universel Dieu. De même un homme politique sa foi en le Peuple, l'Homme, l'Avenir.
FOI
L'ennui c'est qu'on en arrive à un état de mauvaise foi généralisée : tout le monde se ment et ment aux autres et pire : tout le monde le sait. La perte de confiance est totale (la confiance étant la foi partagée et réciproque).
(J'y reviendrai avec Giorgio Agamben.)
 Pour finir j'ajoute quand même une image

jeudi 26 avril 2012

ELECTION PESTILENTIELLE



LO N° 474 (26 avril 2012)
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PÂTÉ DE CAMPAGNE (ou pâtée pour chiens) POUR ÉLECTEUR BIPOLAIRE
« Comme il y a un "froid ressenti", il y a un "FN ressenti". » (Rufus Agnostyle Junior, "Trop blême la vie", Ducochon éditeur, 2012)
Au vu de tous les pas que Nénesse a fait en direction de l'extrême droite (le FN, Marine LP), on a beaucoup dit : stratégie perdante, en voulant siphonner les voix du FN, il a fait progresser celui-ci… en décomplexant ses électeurs, peut-être… et le résultat du premier tour semble le confirmer : ils ont préféré l'original à la copie.
MAIS ce qui compte, c'est le second tour, et c'est là que cette erreur-ou-stratégie peut se révéler finalement gagnante (peu importe qu'il s'agisse d'une stratégie préétablie ou d'un aléa imprévu) : car peu importe (pour l'électeur) que NS et L'Hume-Pet (*) crient leurs grands dieux "Pas d'alliance avec MLP et le FN", peu importe (pour l'électeur) que MLP dise encore qu'elle veut abattre NS… "l'électeur", cette entité abstraite, sournoise et indocile, n'est ni encarté au FN ni amoureux inconditionnel de MLP, l'électeur FN (le votant FN, plus exactement), voyant ces pas à-droite-toute effectués par NS depuis des mois, voyant ces garanties qu'il lui donne (Roms, immigration, sécurité, frontières européennes, manif pétainiste antisyndicale), peut se dire que la copie, finalement, est suffisamment conforme pour qu'on s'en contente. Faute de grive blonde, on mangera du merle brun et les frontières marines comme terrestres seront bien gardées.
Du coup, ex-votants de JLM, peu alléchés par l'offre PS, nous voilà quand même condamnés à voter Hollande, juste pour ça : tout sauf NS ! Je ne suis pas déçu par NS parce que je n'en attendais rien. Je ne serai pas déçu par FH parce que je n'en attends rien.
— Moi, j'ai pas envie de voter.
— Tu dis ça parce que t'es en colère.
— Exactement.
Et comme dit Hervé Le Tellier (Check-list du Monde.fr) : « On s'interroge à tort sur le comportement des électeurs de Bayrou, de Le Pen. La vraie question est désormais : puisque le Front national est au second tour, sur qui vont se reporter les voix de Sarkozy ? »
(Mais NS, il a eu ses 500 signatures, au moins ? Personne n'a vérifié.)
(*) Je sais que c'est un jeu de mot idiot, mais quand il s'agit d'injurier l'ennemi tous les moyens sont bons. Voir plus bas.
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CAMPAGNES
Les napoléons finançaient leurs campagnes (mirlitaires) par le pillage des pays vaincus. Les aristocrates, première espèce de racketteurs maffieux, pillaient les campagnes, leurs serfs. Les villes, encore, pillent les campagnes, la capitale capitaliste pille la province, et le colonisateur pille le colonisé : le pays colonisé est la "campagne" du colonisateur, que la colonisation soit guerrière, comme dans le temps, ou économique, comme maintenant.
Et que pillent les candidats pour financer leurs campagnes ? La quête du dimanche ne leur suffit pas. Rats mangeant à tous les râteliers, prenant tant au paysan qu'à l'ouvrier, au patron qu'à l'État, se pourcentant sur des ventes d'armes ou d'épinglettes à leur effigie, ils pratiquent intensément le rackett, le prélèvement maffieux.
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NOUVELLES DU CSA :
Mieux que le temps de parole égalitaire, le permis (de parler) à points : chaque fois qu'un candidat dérape (dit une connerie, un mensonge, un promesse intenable, un lapsuce), il perd un point à son permis, point décompté en temps de parole pour la suite. (Un seul tout petit – parce qu'on n'en finirait pas – exemple : NS annonce « des mesures, contre le chômage, le logement, etc. »)
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PERMIS DE VOTER ou VOTE OBLIGATOIRE ?
(C'est une question vaguement discutée entre Wens et moi entre deux dédicaces à Massillargues-Atuech. On n'a pas tranché.)
Il y a des tas d'autres solutions, d'autres manières de suffrage universel, d'ailleurs pratiquées ici où là dans le monde ou dans le passé  : par exemple, les élections "le loft" (le télélecteur vote par téléphone (payant), on vire les participants un à un, à la fin il n'en reste qu'un, qui gagne la clé de l'Elysée… Le match de foot avec tirs de penaltys ad libitum… Un seul tour…  Le vote par notes de 0 à 2… Le vote par approbation (on coche ou entoure un nom ou plusieurs dans une liste)… Le classement par ordre de préférence, etc. (Certaines de ces pratiques seraient actuellement testées à Caen, St-Etienne, Strasbourg, Ivry…)
Reste que le suffrage par le choix est de la nature de l'oligarchie ou de la kleptocratie et que le seul système vraiment démocratique est le tirage au sort (dit aussi stochocratie ou clérocratie ou lotocratie).
« S'en remettre au hasard est l'expression ultime de la liberté. » (Rufus Agnostyle Junior, "Ciel de traîne, mais bien dégagé derrière les oreilles", Prémolaire éditeur, 1988)
http://www.youtube.com/watch?v=M2ADw7hZiT0
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« Nous ne savons rien apprécier avec le regard d'une raison indépendante et moqueuse. Esclave de nos opinions comme de nos intérêts, à force de nous prendre au sérieux, nous devenons stupides.  La Liberté, comme la Raison, n'existe et ne se manifeste que par le dédain incessant de ses propres œuvres ; elle périt dès qu'elle s'adore. C'est pourquoi l'ironie fut de tous temps le caractère du génie philosophique et libéral, le sceau de l'esprit humain, l'instrument irrésistible du progrès. Les peuples stationnaires sont tous des peuples graves : l'homme du peuple qui rit est mille fois plus près de la raison et de la liberté que l'anachorète qui prie ou le philosophe qui argumente.
Ironie, vraie liberté ! c'est toi qui me délivres de l'ambition du pouvoir, de la servitude des partis, du respect de la routine, du pédantisme de la science, du fanatisme des réformateurs, de la superstition de ce grand univers, et de l'adoration de moi-même. » (Proudhon)
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« Que les délateurs prennent note : j'ai ajouté aux "métaphores zoologiques" l'ignominie des jeux de mot sur les noms propres. Aucun respect de la personne humaine ! Eh bien, je plaide coupable. Ce qui caractérise la politique, même si le capitalo-parlementarisme pousse sa domination jusqu'à vouloir le faire oublier, c'est qu'il y a des ennemis. Et pourquoi diable, si ce sont de vrais ennemis, me serait-il interdit de les injurier ? » (Alain Badiou, Le Monde, juillet 2008)
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VOTE SÉCURITAIRE…
Quand on est dans la peur, dans le sentiment d'insécurité, on est prêt à voter pour un régime policier, quelle que soit la cause de cette peur, quel que soit le contenu de l'insécurité. Si vous avez peur, à juste titre, du réchauffement climatique, des sécheresses et incendies de forêt qui en découlent, vous voterez flic.  Tous état d'insécurité (climatique, dans cet exemple) entraîne un réflexe sécuritaire qui se greffe sur n'importe quoi : les lois répressives, la police… C'est irrationnel, bien sûr, mais nous ne sommes pas des êtres rationnels, ou juste un peu. Nous sommes réactionnels, émotionnels, conditionnables. L'intelligence ne domine pas, elle se met au service des émotions.
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…ET SÉCURITÉ DU VOTE
On met des web-cam de surveillance dans les bureaux de vote, tant pendant les votes que pendant les dépouillements. C'est bien mais allons plus loin : des web-cams 7/7, 24/24 chez tous les élus, du président aux maires, en passant par ministres, préfets, etc.
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« Et n'oublions pas Bernard-Henri Lévy (BHL), dont les débilités prétentieuses sont probablement la pire chose que la France ait exportée chez nous depuis les Vache qui rit saveur pizza. » (Katha Pollitt, journaliste essayiste et poète américaine) (Courrier International)
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Eh oui, les urnes sont transparentes comme des urines saines, mais néanmoins bourrées. Élire ne suffit pas, pas plus qu'élimer ni miner. Il faut é-li-mi-ner.

lundi 9 avril 2012

Dr CAC


LO 473 (09 04 12)
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CACARANTE
Les patrons du CAC 40 gagnent en moyenne 400 fois le SMIC.
400 fois.
Une journée de travail patron-CAC = un an de travail smicard (et même plus).
Une journée de vie d'un patron-CAC vaut une année de vie d'un smicard.
Si un smicard met 40 ans à se payer sa maison (ou sa retraite), un patron-CAC met un mois.
— Ah oui, mais (dira le patron-CAC ou le Sarko de service), qui c'est qui prend tous les risques ?
— Les risques ?!?!
Peut-il exister un écart de productivité de 1 à 400 entre deux individus ?
Invraisemblable.
On devrait
1) Établir un lien de proportionnalité entre salaire minimum et salaire maximum. (Mieux : entre revenu minimum et revenu maximum, histoire d'inclure les primes, bonus, stock-options, etc.) Ces minimum et maximum se situeraient par rapport au revenu moyen ou, mieux, au revenu médian. (Le revenu médian est défini par : la moitié de la population gagne moins, l'autre moitié gagne plus.)
2) Partant de là, le revenu maximum devrait ne pas s'écarter de ce repère plus que le revenu minimum. Autrement dit, si le revenu le plus faible est deux fois moins que le médian, le revenu le plus fort sera deux fois plus que le médian. Écart = 4… ni 40 ni 400 !
Et être payé 4000 € contre 1000, juste pour le mérite et la responsabilité, c'est déjà beaucoup.
(Ceci inspiré d'un article de Pierre Concialdi dans Siné hebdo… ou mensuel, je sais plus…)
Autre idée – complémentaire : Si on limitait les revenus à (par exemple) dix fois le salaire minimum, les plus hauts revenus auraient intérêt à faire monter le dit salaire minimum.
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CANNITALISME
Toujours se rappeler que les prêteurs sont des prédateurs. Ou que tout prêteur vit aux dépens de celui à qui il a prêté. Le capitalisme est un cannibalisme.
Quant aux spéculateurs-prédateurs, disons les spécuprédateurs, voire spétrouduculateurs. (ou "enculés", tout simplement.)
Se rappeler aussi que faire de l'argent n'est pas une justification suffisante de notre présence sur Terre.
Se rappeler encore qu'on ne peut pas compter sur la capitulation du capitalisme. Il faudra décapiter.
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ÉCOLOGIE vs ÉCONOMIE
Il est impossible de détacher la "crise financière" de la crise écologique globale qui se manifeste particulièrement dans le réchauffement climatique. Banques / banquises, même combat ? Pas exactement. Plutôt deux combats opposés et complémentaires : sauver les banquises en se débarrassant des banques, peut-être… Mais on voit bien, en cette période de sécheresse et d'élections, que la campagne manque de vert. Il s'agit toujours de sauver les banques plutôt que la banquise, le niveau de vie plutôt que celui des océans.
Il se pourrait bien qu'une vaste récession soit la seule méthode pour réduire nos émissions de CO2 et autres GES… Baisse du trafic aérien, baisse de la circulation automobile, des ventes des dites, baisse de la construction immobilière (béton, acier = énergie, = CO2). Le ralentissement de la production pétrolière, donc son renchérissement devraient concourir au même effet.
Sur le plan de l'analyse, viennent au jour de plus en plus les liens profonds entre la crise financière et la crise écologique. D'une part leurs schémas de fonctionnement sont très proches structurellement : hypercomplexité, phénomènes d'emballement, inconscience politique… D'autre part l'influence de l'un sur l'autre est de plus en plus patente. Je veux dire, plus exactement, la responsabilité du système libéraliste (ou capitalisme de casino, financiarisme) dans : – la crise financière, - la crise écologique (climat, biodiversité, etc), - la crise sociale (accroissement des inégalités, pas seulement entre le Nord et le Sud, mais à l'intérieur même de chacune de ces sphères.) « La lutte pour plus de justice entre les populations et la préservation des forêts brésiliennes sont fondamentalement le même combat. » (Eva Joly)
La logique de la vie à crédit ne s'impose pas seulement dans l'immobilier, l'automobile ou la "consommation des ménages", elle règne aussi bien dans notre exploitation des ressources naturelles : « On emprunte la Terre à nos enfants », oui, et on emprunte à la Terre, et en sachant fort bien qu'on ne pourra jamais rembourser.
Il faut "profiter de la crise" pour remettre la finance au service de l'économie, l'économie au service des gens, et ce dans une perspective à long terme. Tout cela paraît terriblement compliqué, mais en fait cela signifie une chose très simple : sortir de la fiction, revenir à la réalité. (D'après Weronika Zarachowicz, dans Télérama 3069, 5 nov. 2008)
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GRÈCE
L'Europe était censée former une grande famille, une grande fratrie ou fraternité ? Mais elle s'avère n'être qu'un père fouettard : le père qui punit les enfants pas sages.
On exécute le plan de sauvetage comme on exécute un condamné.
Tout le monde dit, ou projette, ou craint, que la Grèce va, ou doit, quitter la zone Euro. Et pourquoi ça ne serait pas l'Allemagne qui quitterait la zone Euro ?! C'est la thèse (paradoxale ?) que soutien un certain Martin Murenbeeld, dans Courrier International 1113 (1-7 mars 12). J'avoue ne pas très bien comprendre son jargon d'économics, bourré de "compétitif", "dévaluation interne", etc. Il propose même la sortie conjointe des Pays-Bas et du Danemark qui formeraient avec l'Allemagne un "euro du Nord" costaud face à un "euro du Sud" dévaluable…
Pourquoi la petite Grèce (2% de l'EU) peut-elle entraîner une catastrophe continentale ? A cause des CDS qui sont des assurances sur les dettes de l'État. Ces "produits" sont émis par les plus grandes banques. Le défaut de paiement d'un pays insolvable ou d'une grande banque déclenche les assurances et l'effet domino démarre…
Et les Grecs, réduits à la famine, mangent les olives par la racine.
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MONNAIE
Y a-t-il vraiment une différence entre "la monnaie" et "la fausse monnaie" ?
Sur l'excellent site "Philosophie et spiritualité" de Serge Carfantan, on en apprend beaucoup sur la monnaie (Leçon 167)
http://sergecar.club.fr/cours/echange7.htm#monnaie
et sur des recherches d'alternatives monétaires (Leçon 182)
http://sergecar.club.fr/cours/echange8.htm
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M, LE MOODY'S
Mr MAUDI'S, agent du financiarisme international, nous espeak : « Votre éventuel futur gouvernement socialiste veut taxer les transactions financières, imposer les riches à 75%, mettre les agences de notation hors service… Ne vous étonnez pas qu'on vous menace de baisser votre note AAA… »
(Le mot important est : menace.)
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PATATES !
Le financiarisme n'est pas un parasite venu d'ailleurs, ni martien ni virus chopé dans le métro, il est une émanation du système normal, certains diront "le couronnement", d'autres un cancer…
Par rapport à l'économie réelle, l'économie de finance (banques, traders, spéculation) est comme la peau de la pomme de terre… et c'est encore trop beau : la peau de la pomme de terre protège sa chair… Là, non, c'est une excroissance parasitaire. Le germe de la pomme de terre, alors ? Le germe pousse et grandit en absorbant la chair de la pomme de terre, ce qui vous vaut bientôt (si vous n'y prenez garde et ne dégermez régulièrement les pomme de terre étalées sur des claies dans votre remise) des patates toutes ratatinées. Mais le germe, encore, dans son principe même (et si le tubercule est remis en terre) est censé produire une nouvelle pousse, et donc de nouvelles patates à la saison prochaine. Et, oui, ce devrait être le cas avec la finance, logiquement, si celle-ci pratiquait réellement l'investissement, comme elle le prétend et comme le retransmettent, bêtement complices, les médias qui nous serinent "les investisseurs ceci, les investisseurs cela…". La finance moderne n'investit pas (dans l'économie réelle), elle spécule sur des échanges financiers, ce qui n'a rien à voir. Ses germes (stériles) ne font croître que d'autres germes (stériles) qui feront croître d'autres germes (stériles). Parasitage de parasites. Et pendant ce temps, les patates se vident de leur chair, se racornissent, se ratatinent – mauvais rata en vue.
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Dessin tout frais paru dans Zélium N°9


mercredi 4 avril 2012

BIPOLAIRE


LO N° 472 (04 04 12)
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LA CHUTE (L'écologie politique, espèce en danger)
Pour ma part, faisant partie des écolos de la première heure, ceux qui, dans les années 70, lisaient et faisaient "La Gueule Ouverte", je n'ai jamais cru à "l'écologie politique", sentant dès le début que cela ne pouvait que mener à ces compromissions, ces jeux de partis que l'on ne connaît que trop. J'étais et reste persuadé que l'écologie est d'abord une science ou en tout cas une démarche scientifique complexe, et que, ensuite, l'écologisme, c'est-à-dire la militance écolo, avait intérêt à agir hors des partis.
Je reprends ici en particulier les dires de Dominique Simonnet, écrivain et journaliste, ancien président des Amis de la Terre, dans Le Monde daté de ce 3 avril 12. « A l'évidence, dans les préoccupations des Français frappés par la crise, l'environnement passe après le retour à l'emploi, le pouvoir d'achat et la protection sociale », certes, et pourtant l'écologie va bien, oui, elle préoccupe les Français, oui, mais ce n'est pas par les partis que ça passe.
La situation actuelle ne fait que le confirmer. Au moment où Eva Joly, déjà bien bas dans les sondages, se casse la gueule dans l'escalier, elle entraîne avec elle l'EELV… à moins que ce soit l'EELV qui l'entraîne. (Et je dis ça comme quelqu'un l'aimant beaucoup, l'Eva ! Et si je pense que Nicolas Hulot aurait été un candidat plus populaire, je n'imagine pas qu'il aurait fait beaucoup mieux.) Et pourquoi ? Parce que, si l'écologie politique est laminée par cette campagne politique, la crise et tout le bazar, l'écologie tout court, la vraie, ou l'écologie militante, elle, a réussi : elle est entrée partout, dans le milieu associatif, dans les écoles, et dans la conscience collective. (Et souvent, contrairement à toute attente, par la télévision !)
« L'écologie, appellation fourre-tout, désigne en réalité une myriade de groupes, mouvements et associations engagés pour une planète vivante et vivable, pour le développement des énergies renouvelables, la préservation des espaces naturels, la mer, l'air pur, le climat, les oiseaux, les baleines, les requins, les hippocampes et que sais-je encore...
Cette écologie-là […] s'exerce dans la société civile. Elle peut certes peser dans des instances locales, régionales – et bien sûr internationales – pour pousser les dossiers de l'environnement, mais elle ne se situe pas dans le jeu politicien. Telle n'est pas sa nature. L'écologie est culturelle, sociale, philosophique peut-être, voire poétique. C'est une pratique, un regard porté sur le monde. Ce n'est pas une politique. »
Alors les idées d'une « économie postindustrielle fondée sur des ressources durables, des relations plus harmonieuses entre la planète et l'individu, une articulation plus éclairée du savoir et de la technologie, une plus grande autonomie donnée aux entités locales... », tout cela n'est pas à l'au, tout cela nage sa brasse tranquille, parfois sous-marine, sous les tempêtes de surface.
« Un parti écologiste n'a pas plus de sens qu'un parti humanitaire ou féministe. Voilà pourquoi, dans leur majorité, les écologistes, ceux de la première heure comme ceux des nouvelles générations, ne voteront pas pour les Verts. Ils le savent, eux : l'écologie politique est morte. Et ils ne souhaitent qu'une chose : que vive l'écologie ! »
(Tiens, je suis chiément optimiste, aujourd'hui !)
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BIPOLAIRE
La [fibre] bipolaire est-elle deux fois plus chaude que la polaire ?
D'après Courrier International N°1103-04 de fin 2011, des psychiatres et électroniciens suisses auraient inventé un tee-shirt "intelligent", c'est-à-dire capable de détecter vos humeurs et changements d'humeur et de les communiquer à votre smartphone qui, lui, si j'ai bien compris, les communiquera à votre médecin. Car ce système est conçu pour le suivi des bipolaires (dits aussi maniaco-dépressifs) et autres cas plus ou moins psychiatriques en liberté. (Je ne nomme personne, mais enfin j'ai des idées.) Le médecin pourra alors rappeler au patient de prendre son lithium. A moins que le smartphone le fasse lui-même (une appli) ou même que le tee-shirt ait une seringue intégrée qui shoote le malade sans rien demander à personne – gagnons du temps..
Une autre solution, plus collective, voire plus politique, consisterait à mettre du lithium dans l'eau du robinet pour calmer les angoisses et dépressions quotidiennes des populations. C'est ce que propose, sans rire, un Dr irlandais qui veut faire baisser le taux de suicides.
C'est ça ou sucer des piles.
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Réussite des journaux gratuits.
— C'est parce qu'ils sont positifs, il paraît.
— Séropositifs, oui.
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Le resserrement sur soi (ou protectionnisme) est inéluctable.
Regardez l'information, telle qu'accessible aujourd'hui, via Internet. Vous n'en pouvez plus, y en a trop. Tellement d'info officielle, officieuse, tant de in, tant de off, et le rumeurs, et les fuites, et les dénonciations, et les piratages qui ouiquilixent… Et tout ce qui disponible à portée de clic, musiques, films, livres. Trop, de toute façon trop.
Alors vous vous limitez, vous vous resserrez autour d'un seul centre d'intérêt, ou de quelques uns. Tel style de musique, tel genre littéraire, tel domaine d'info (politique France… Econo… Ecolo… etc.) Vous vous posez des œillères et vous avez raison : c'est indispensable car, oui, tout est intéressant, mais vous ne pouvez pas profiter de tout.
En plus, vous avez envie ou besoin de partager avec des amis ou connaissances ou inconnus, mais des gens ayant peu ou prou les mêmes centres d'intérêt. Donc vous adhérez à un réseau social, et, à l'intérieur, à une communauté : les amateurs de BD, de SF, les fans de jazz, etc. et vous allez en rester là, vous limiter… parce que sinon, ce n'est carrément pas possible. Donc vous vous communautarisez. Pour vous protéger.
Maintenant, reportez ce schéma sur les voyages, les rencontres, l'économie, les langues, les cultures, les échanges commerciaux, industriels, scientifiques, etc. On ne peut pas échanger de tout avec tout le monde (7 milliards de terriens). Et donc, il faut bien se restreindre, se protéger, poser des limites.
(Bon, je suis passé de l'excès d'infos à l'excès d'échanges commerciaux. Est-ce cohérent ? Disons que c'est "à bâtons rompus" : je compile des notes éparpillées.)
Je reviens aux infos.
Les Français adorent la météo, paraît-il. Les chaînes et radios d'infos en balancent par bulletins entiers. Il y aurait même, paraît-il, une chaîne télé spécialisée : de la météo 24/24 h ! Pourtant, quand il neige, par exemple, les Français (et d'autres) sortent quand même leurs bagnoles pour les faire pisser, puis ils s'étonnent ou se scandalisent de rester coincés pendant quatre heures avec froid aux pieds. (Pareil pour la pluie, les orages, les inondations, la sécheresse, la canicule, les tsunamis, Fukushima…)
Il y aurait comme un clivage entre "ce qu'on voit à la télé" et la réalité. "Sur le terrain", comme on dit, ou "sur zone", comme disent les mirlitaires, imités par les médiatiques. Comme face à n'importe quelle catastrophe prévisible, on sait, mais on ne croit pas. Les courbes des graphiques statistiques prévisionnels sur un écran sont une chose, la réalité en est une autre. On ne fait pas le lien. La carte météo ne nous dit pas quelles chaussettes il faut mettre. (Ah bon, il faut qu'on te dise tout, quoi ?) On ne se sent pas vraiment concerné.
C'est un aspect. L'autre est que l'on compte sur les "pouvoirs publics". Qui sont censés réagir à la minute (dégager la neige, saler, etc.) et peut-être, oui, nous dire quelles chaussettes il faut mettre. Etat providence ? Surtout demande du public que l'Etat soit Providence. Et même plus qu'une demande, une exigence. On paye des impôts, merde ! Faut faire des lois !
La paralysie neigeuse est normale. En quelques heures, la nature, aussi vieille que le monde, fait la loi. Alors… faire le dos rond… attendre que ça passe. Le parisien ne connaît pas la neige, l'urbain en général, car c'est bien de ceux-là que je parle quand je dis "on" : les urbains. C'est-à-dire, maintenant, plus de la moitié des Terriens. Quatre milliards d'humains qui ne connaissent pas la nature (la Terre), seulement la télé et l'informe information.
J'ai dit plus haut Fukushima. C'est pas la nature, ça ! Ah oui… Mais c'est qu'on est entré dans la nouvelle ère : l'anthropocène, l'âge des hommes, où la technosphère génère une "seconde nature", complémentaire de la première dans le meilleur des cas, mais bien souvent concurrente de la première, voire antagoniste. Ou agoniste… Ce qui voudrait dire que le "on" téléspectateur qui ne connaît pas la nature ne connaît pas non plus la seconde nature, la sienne. Et c'est grave ? Hum, on dirait, oui… quand on voit Fukushima (où on a tout essayé pour colmater les fuites et refroidir : l'eau de mer, l'eau douce, le canon à eau anti-manif', les pompiers, les hélicos, le béton, le papier et la sciure encollés, le verre soluble (?!), l'azote… A quand le fromage fondu, le chewing-gum…?) et qu'on imagine que la prochaine sera chinoise, arménienne… ou française.
Mais non, le nucléaire est sans danger : la preuve, l'Atomium de Bruxelles.
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Dessin paru dans le dernier Psikopat, spécial élections, en vente dans tous les bureaux de vote.