mardi 30 décembre 2008

GAZA

LO 270 (30/12/08)

LA TRÈVE DES CONFISEURS N'A PAS EU LIEU

« On fait l'civil…
Puis on s'envoie des missiles… »
(Alain Souchon "Tu vois pas qu'on s'aime pas ?)


MISSILES

Bricolés ou hyper-technoïdes, ils volent par dessus les frontières. Tirs au hasard (peu de morts) ou tirs ciblés — jamais assez bien ciblés : méthode américaine du tapis de bombe : pas mal de dégâts collatéraux = civils)
(Tuer un homme à mains nues, juste avec ses ongles et ses dents, ça doit être très difficile, très pesant, très éprouvant, alors que le tirer à 200 m avec un flingue quelconque – pu à 200 km, un missile, un avion… –, c'est si facile. Perversité de la technologie : on tue facilement parce que c'est facile.)
"Si vous devez tuer un homme — si vous y êtes forcé, que vous n'ayez pas le choix — j'ai l'impression qu'il faut que ce soit un acte sanglant, horrible, de façon qu'il vous brûle l'âme et s'y imprime à jamais pour vous apporter une meilleure conscience de la valeur de la vie humaine." (Roger Zelazny. La Veille de Rumoko, in Trois Futurs incertains. Fiction Spécial 20 (222 bis)

Encore et encore, l'escalade, la violence symétrique. Peu importe qui commence. Un gros con du Hamas bricole un missile à base de tuyaux piqués à la voirie. Il le balance vers Israël. Ça fait un mort ou deux. Ou zéro, mais ça fait peur. C'est le terrorisme : faire peur, maintenir l'autre dans la peur. Les Israéliens ont peur. Surarmés, supertechnologiques, ils réagissent militairement. Ça fait des morts.
(Souvenir d'il y a quelques mois). Un Israélien arabe (ou faut-il dire un palestinien habitant Israël ?) tire sur des étudiants talmudiques. Pourtant « Ce ne sont pas des combattants ». Des morts. L'un des étudiants est armé (je souligne : un étudiant talmudique est armé), il tire sur le terroriste. La police l'achève. Plus tard, manif israélienne : « Mort aux arabes ! » Côté palestinien, les gazaouis crient de joie : « C'est la vengeance de dieu ! » Le Hamas ("parti démocratiquement élu" - avec l'aide de Dieu et de son prophète, quand même – ; comme Hitler, comme Bush), le Hamas, mouvement sacrificiel, veut des morts. Chaque mort, meurtre ou suicide, le renforce. Programme de martyr.

C'EST QUOI, UN CIVIL ?
(Ou plutôt, "C'est quoi un militaire?" C'est un civil à qui on a mis un uniforme.) Alors toute guerre est une guerre civile ? Les combattants du Hamas dans la bande de Gaza, ou du Hezbollah au Liban, sont-ils des civils (= qu'il est très vilain de tuer) ou des militaires (= ennemis, et donc qu'il est bien de tuer) ? Les habitants (= civils) autour sont-ils des sympathisants ? Actifs ? Passifs ? Ou des gens "normaux" — c'est-à-dire qui voudraient bien vivre peinards — comme la majorité des gens dans le monde, arabes, juifs, bouddhistes ou euro-blancs (liste non exhaustive).

ŒIL POUR ŒIL
Le bruit des armes, ça rend sourd. Surdité volontaire de part et d'autre des murs et des armes. Les attentats amènent la répression. La répression amène les attentats. Israël devient une enclave (un ghetto) dans le proche orient. À l'intérieur d'Israël (terre ceinte), des ghettos de palestiniens emmurés. La bande de Gaza, un ghetto de plus d'un million d'habitants.
D'un côté comme de l'autre, rejet-peur de l'autre. Nationalisme ou racisme. Refus de la différence, du partage, de la communication. Clôture, repli sur soi-même, paranoïa, autisme. Et atrophie. Menace entropique : un système (en vase clos) qui n'échange pas d'information et d'énergie avec l'extérieur se dégrade, en proie à l'entropie. Comme dans tous les racismes. Ça commence avec l'endogamie. Sans échanges génétiques, pas d'évolution. Dégénérescence, décadence.

"VICTOIRES POSTHUMES
Le Hamas et le Hezbollah ne sont pas des mouvements qui se battent pour la construction d'un État, la Palestine, mais pour la destruction d'un pays, Israël. Ils ne luttent pas pour que tous les Arabes vivent en paix, mais pour que tous les Juifs meurent, ce qui n'a rien à voir. Et s'il faut en passer par la réduction en bouillie de tout ce qui respire au Proche-Orient, après tout tant mieux. Dans le tartare général, Dieu reconnaîtra les siens. Quitte à être nihiliste, autant ne pas mégoter." (Gérard Biard. Charlie Hebdo N°821. Mars 2008)

Y a-t-il une forte pulsion suicidaire du peuple Arabe et de l'Islam — civilisation comme religion ?

"Les nouvelles du Proche-Orient ont le mérite de rappeler au monde qu'on ne désespère jamais en vain. Si, au matin, pour une raison ou pour une autre, plutôt l'autre, vous avez envie d'en finir, il y aura toujours des roquettes lancées par le Hamas sur Israël, un sanglant raid de représailles de Tsahal sur Gaza, puis un attentat-suicide ou une fusillade à Jérusalem, ou encore une réaction de tel ou tel nervi officiel du monde arabo-musulman, pour vous remettre d'aplomb au saut du lit." (Philippe Lançon. Charlie Hebdo N°821. Mars 2008)
(Je signale bien la date parce que ça date – ou pas ? Et parce que je ne lis plus Charlie, mais Siné-H).

Pourquoi ce silence et cette inaction de la "communauté internationale" ?, entend-on à chaque fois.
Mais parce que PERSONNE ne sait quoi y faire !

ÇA NE FINIRA DONC JAMAIS ?!
Horreur et confusion…
À chaque fois, j'ai du mal avec ça. (Je veux dire à la fois que ça me fait mal, et que j'ai du mal à comprendre, et encore plus à prendre parti. À penser la chose, en fait, simplement. Ou à la penser simplement — la simplifier. Mission impossible. Il faut accepter la complexité, les contradictions internes et externes, les paradoxes, l'indécidable. Et ce n'est pas Edgar Morin qui dira le contraire !

Les Israéliens ont évacué les colons de la Bande de Gaza, est-ce seulement pour pouvoir tirer sur les Palestiniens plus librement ? Et ceux-ci qui se mettent à s'entretuer entre Hamas et Fatah. Fatalitas ! Et le Sinaï qui serait une base arrière pour les réseaux terroristes, paraît-il……… Mais c'est que ça a commencé il y a très longtemps : un certain Moïse a reçu des ordres, là, d'un certain Yaveh, surnommé le Buisson Ardent, à la suite de quoi il a envoyé ses troupes conquérir le pays de Canaan à grand renfort de massacres de cananéens.

On m'a fait passer ce bout de texte, extrait d'un livre que je n'ai pas lu mais dont j'adore le titre.
# En Israël, Dorit Bat Shalom a bâti "La tente d'Hagar et de Sarah" où se réinvente, à partir de la scission initiale que fut la répudiation d'Hagar, le balbutiant dialogue des femmes israéliennes et palestiniennes. "Au delà du bien et du mal, (du vrai et du faux, du juste et de l'injuste, pourrait-on ajouter) il y a une prairie verte où je t'attends". Ce vers de Rumi est leur royaume.(...) Un espace fou, un espace logiquement impossible, politiquement incorrect, rationnellement indéfendable, où les morts de tous bords — terroristes et victimes, kamikazes et passants assassinés, combattants et civils tués — viennent se bercer en silence. Et de cet espace-là naît un champ de conscience qui se répand comme une odeur subtile et qu'aucun mur n'est en mesure d'arrêter. Qui l'inspire est contaminé. #
(Christiane Singer - "N'oublie pas les chevaux écumants du passé".)


Pour ceux qui n'auraient pas les références, j'ai ressorti ma Bible hébraïque (dite aussi Ancien Testament). Abraham, le premier patriarche d'après le déluge, né à Ur en Chaldée (sud Mésopotamie = Irak), a épousé Sarah, présentée d'emblée comme stérile. Pendant très longtemps, ça n'a pas l'air de poser de problème. Mais voilà : Yaveh promet à Abraham une descendance aussi nombreuse que les étoiles. C'est mal parti. Alors qu'ils vivent quelque part en Canaan (= Palestine), dans le Néguev, Sarah finit par offrir à Abraham (qui a alors dans les 85 ans, faut plus traîner) les services de sa servante Hagar (originaire d'Égypte). Apparemment, ça se faisait. La mère porteuse accouchait même sur les genoux de la femme stérile, pour faire semblant, en quelque sorte. Hagar tombe enceinte, comme on dit. Alors, elle frime devant sa patronne : "Niaque niaque bisque bisque, c'est moi qui porte l'enfant de ton homme et pas toi." Classique. Sarah tourne verte de jalousie. Classique aussi. Sarah se plaint à Abraham, qui se garde bien de se mêler des querelles de femmes. Classique encore. « Traite-la comme tu veux. Moi je veux pas le savoir. » Sarah en profite et maltraite Hagar au point que celle-ci s'enfuit dans le désert. Mais Yahvé vient la voir et la renvoie à sa maîtresse, tout en lui assurant qu'elle aura une descendance innombrable (toujours cette même promesse à la con), en commençant par un fils qu'elle nommera Ismaël. (Bien sûr, c'est un fils, sinon on n'en parlerait même pas.) Hagar revient donc auprès de Sarah qui semble se faire une raison et accepter la cohabitation.
Quelques années plus tard, alors qu'Ismaël a 13 ans, Yahwh ordonne à Abraham de circoncire tous les mâles de sa tribu, Ismaël compris ; et lui promet d'autres descendants, plein, des tas, car Sarah enfantera, oui, finalement, un fils (ce sera Isaac). Yhaweh dit surtout que Ismaël, bon, d'accord, il s'en occupera, il le bénira, le rendra fécond, il engendrera tout un peuple, comme promis... « MAIS c'est avec toi, Abraham, avec ton fils Isaac, avec ses descendants, peuple pur Hébreu, que je fais mon alliance éternelle. »
(Je passe sur l'épisode de Sodome qui se situe alors, ainsi que celui, croustillant, de Loth et ses filles, juste pour dire que toute l'histoire d'Abraham et autour n'est qu'une énorme histoire de cul. Si vous êtes sages, un jour je vous raconterai tout ça.)
« Yahvé visita Sarah comme il avait dit et il fit pour elle comme il avait promis. Sarah conçut et enfanta… » (Déjà, donc, 2000 ans avant l'ange Gabriel et la petite Marie du Joseph…) Sarah, enfin mère (vers les 100 ans) ne voit plus de raison de ménager Hagar et Ismaël et exige d'Abraham qu'il les renvoie. Les deux partent donc avec une outre d'eau et une miche de pain. Ils manquent crever au désert mais Yahveh leur montre un puits et le chemin du sud, vers Havilah (= l'Arabie).

C'est donc là, alors, dans cet épisode biblique largement mythique, que se fait la coupure Juifs-Arabes. Abraham (Ibrahim dans le Coran) a engendré deux fils, tous deux circoncis, de deux femmes différentes et d'origines différentes (Mésopotamie pour Sarah ; Égypte pour Hagar : les deux grands empires rivaux de l'époque !)
Ismaël sera le père des Arabes — et donc des musulmans.
Isaac sera le père des Hébreux — et donc des juifs.
Frères ennemis rejouant encore et encore la fable de Caïn et Abel. (Et un peu plus tard dans la Bible, Isaac aura deux fils, Esaü et Jacob, et encore ça se passera mal, et encore il faudra des séparations et des exils, au point que la légende fera d'Esaü le rouquin le père des Romains !… Et combien d'autres frères ennemis ?!)

TERRE (COM)PROMISE
Plus j'en apprends sur les origines d'Israël, en lisant ou relisant l'Ancien Testament, et aussi, par exemple, "La Bible dévoilée" d'Israël Filkenstein et Neil Asher Silberman, ainsi que quelques autres commentaires bibliques, plus deux certitudes s'imposent :
— Les Hébreux, sans attendre la diaspora des premiers siècles EC, ont toujours été plus ou moins errants, mais plus exactement "errants qui cherchent à s'installer quelque part." Tribu née nomade, sans terre, sans pays, "apatride" déjà. Tribu d'éleveurs sur des terres pauvres, forcément nomades, donc, mais espérant toujours s'installer quelque part, parce que, à la longue, ça fatigue. Mais personne ne voulait d'eux, toujours suspects, un peu pas propres, un peu pillards : c'étaient les marginaux ou les gitans du coin.
Alors la violence : ils bousculaient les tribus sédentaires qui occupaient les meilleures terres, Cananéens, Philistins, Samaritains… style "ôte-toi de là que je m'y mette". Ils s'installaient, fondaient des pays, des patries : royaume de Juda, royaume d'Israël… ça n'a jamais tenu longtemps. De nouveau, ils se faisaient rejeter, massacrer ou disperser, exiler par tel ou tel conquérant, Egyptiens, Babyloniens, Assyriens, Grecs, Romains... Et toujours ils recommençaient, obstinés dans leur volonté de conquête d'une "terre promise".
Encore aujourd'hui, avec Israël. Et c'est voué à l'échec. Terre compromise.
— L'autre certitude c'est que les Arabes… c'est les mêmes. La blague la plus courte et la plus parlante sur le proche orient, c'est : « C'est un juif qui rencontre un autre arabe. » Mêmes origines linguistiques, culturelles. Quand on dit "antisémite", on devrait comprendre que les Arabes y sont inclus : le caractère "sémite" est un caractère non génétique mais linguistique : l'hébreu, l'arabe, l'araméen, et quelques autres langues de la région, sont des langues sémitiques. Et le Coran est en quelque sorte une suite de la Bible hébraïque, une histoire divergente à partir d'un même père fondateur, Abraham-Ibrahim. Eux aussi errants, éleveurs nomades, caravaniers, peuples de la tente, un peu pillards à l'occasion. Les uns comme les autres monothéistes à tendance fanatique.
Vit-on, encore, au 21ème siècle, en fonction de fables vieilles de 4000 ans ?

LECTURE
Edgar Morin. "Le Monde moderne et la question juive" (Seuil, Oct. 2006)

ET PENDANT CE TEMPS…
Un certain Dieudonné s'enfonce irrémédiablement dans la connerie la plus noire (euh, disons "la plus glauque", sinon ça va faire raciste…)

PÉTITION (à toutes fins utiles)
http://www.avaaz.org/fr/gaza_time_for_peace
# […] Après plus de huit années de diplomatie américaine et mondiale inefficaces, et en ce jour le plus sanglant dans l’histoire récente de Gaza, nous devons lancer un cri d’alarme global demandant aux dirigeants mondiaux d’aller au-delà des déclarations s’ils veulent construire la paix dans cette région. L’ONU, l’Union européenne, la Ligue arabe et les États-Unis doivent désormais agir de concert pour assurer un cessez-le-feu. […] # Etc.

Je n'ai pas de dessin de circonstance.

2 commentaires:

JOSEN a dit…

excellent comme toujours, mais n aurait il pas ete mieux de devellopper l histoire avant les avis perso meme une petite intro pour l ensemble ?
la vie est un eternelle jeu de chaos et de creation, ce qui a ete fut, ce qui n'est pas sera. on peut esperer tout de meme une amelioration ? je ne pense pas, quelque chose de different, l'age d'ombre ?

Philippe Caza a dit…

Merci. Quant à résumer l'histoire de la Palestine………!!! Non, en fait, je ne fais pas travail d'historien (j'en serais bien incapable), mais de la réaction à (plus ou moins) chaud… en tâchant d'apporter des informations "autres", un regard un peu différent. Ici, avec les éléments bibliques dont je découvre chaque jour qu'ils sont très peu connus.