LO N° 295
Tout étant lié, partant de l'argent-dette, j'en suis venu à parler de "protectionnisme/relocalisation", et je me trouve amené à enchaîner sur une série qui mûrissait lentement sur mon disque dur, et qu'on pourrait intituler
UTOPIE ? (Point d'interrogation inclus)
(OU UKRONIE ? OU RÉTROPIE ? OU RÉTROPÉDALAGE ? OU RETOUR À LA BOUGIE ? OU SCÉNARIO – OPTIMISTE - DU FUTUR ?)
CHAP 1
Tiens, je vais commencer par une sorte de fable.
LE PAYSAN ET L'ÉOLIENNE
1) Les habitant de tel ou tel village marocain (par exemple), traditionnellement agriculteurs (et plus précisément pratiquant une agriculture à usage principalement local, "vivrière", donc : c'est-à-dire qu'on vit sur place de ce qu'on cultive sur place ; je précise encore : on mange ce qu'on cultive ; on vend aussi aux villes voisines… toutes ces précisions parce que ça semble très loin de nous, ce mode de vie vivrier) ces ex-agriculteurs ("paysans" serait plus exact, d'ailleurs), donc, tirent maintenant leurs revenus du tourisme : hôtellerie, artisanat… Traduction : sont maintenant dépendants du tourisme et sont maintenant dépendants des importations — toute cette dépendance passant par l'argent, mais ce n'est pas le plus grave. Le plus grave, c'est, je précise encore, qu'ils sont devenus dépendants pour vivre, c'est-à-dire pour manger tous les jours, du tourisme et des importations. Eux et aussi les habitants des villes voisines qui, traditionnellement, étaient alimentés par – justement – ces paysans.
2) En France, on commence sérieusement à planter des éoliennes dans la Beauce. C'est bien accepté par les villages et les agriculteurs locaux, en particulier parce que ça leur rapporte beaucoup d'argent. Sans rien faire.
Un peu d'anticipation : On peut imaginer que ça rapporte tellement sans rien faire que les agriculteurs abandonnent l'agriculture et vivent sur le rapport des éoliennes. Pourquoi se faire chier ? Total : la Beauce ne produit plus de blé et les Beaucerons – et même tous les Français mangeurs de pain – se retrouvent dépendants (pour manger tous les jours) des importations de blé australien ou russe (par exemple)… donc dépendants des récoltes de ces pays… donc de la météo et du climat de ces pays (lointains)… et bien sûr dépendants du pétrole pour le transport.
Ce n'est pas une question économique (financière), puisque les éoliennes leur rapportent plein de fric EDF.
Mais l'électricité, ça ne se mange pas. L'argent non plus.
C'est une question de manger (tous les jours). Ce bon vieux problème de l'humanité qui redevient LE problème de l'humanité du 21ème siècle : manger tous les jours.
Partant de là, les suppositions catastrophiques sont faciles : par exemple les Australiens, subissant des sécheresses à répétition, décident de garder pour eux-mêmes le peu de blé qu'ils arrivent à produire, se disant (égoïstement peut-être, mais surtout très raisonnablement) qu'ils ont d'avantage besoin de manger tous les jours tout de suite que de vendre au loin à des Beaucerons, certes riches, mais dont, au fond, ils n'ont rien à foutre.
3) Avec tout ça, le pétrole devient si cher que le transport devient insupportable économiquement. D'abord pour les transports très lointains (Australie > France, par exemple), mais bientôt pour les distances moyennes (Maroc > Europe par exemple), et finalement même pour les distances courtes (paysans > villes voisines). Et même, encore plus finalement, le pétrole manque tellement qu'il n'y en a plus ou presque, puis qu'il n'y en a plus du tout… et donc, au delà des raisons économiques directes, le transport devient simplement impossible (sauf courtes distances, en ressortant charrettes et chevaux — mon dada).
Donc, (toujours finalement, mais ça n'en finit pas de finir, vous savez bien) le prix du blé ayant explosé, les Beaucerons se remettent à en cultiver. Tout en conservant leurs éoliennes, y a pas de raison.
Ils deviennent très très très riches.
Et les paysans marocains, alors ? Ben, comme y a plus de pétrole, y a plus de touristes, l'hôtellerie s'effondre, l'artisanat typiquement local pour touristes s'effondre, y a plus de dirhams, on ressort les charrues, les charrettes et les ânes, on cultive pour manger et pour vendre un peu à la ville voisine. Fin de la parenthèse "enchantée". Et fin de la dépendance au tourisme et aux importations. Adieu étranges voyageurs, adieux importateurs. (Après, ils peuvent aussi avoir envie d'aller vivre dans la Beauce…)
"Les mécanismes de la vie urbaine sont si compliqués qu'un rien suffit à mettre la machine hors d'usage ; à la campagne, au contraire, on bricole sur le tas, on rafistole comme on peut et la machine avance tant bien que mal. Il est plus facile de transformer un poêle à fuel en poêle à bois qu'un ordinateur en four à pain." (François Feder. La Crise ultime. Economica édit. 1981)
L'OBÉSITÉ ET LE PRIX DE L'ESSENCE
(Encore une sorte de fable…)
13% de l'augmentation du nombre des obèses aux Etats-Unis entre 1979 et 2004 seraient dus à la baisse du prix de l'essence. Une augmentation de 1 dollar du prix du carburant réduirait de 15% le nombre d'obèses en 5 ans, car on se déplacerait d'avantage à pied ou en vélo et on brûlerait donc plus de calories. Par ailleurs on sortirait moins au restau, or on mange plus sain à la maison, paraît-il. Mais comme on roulerait quand même, malgré l'essence plus chère, cette dépense supplémentaire forcerait à baisser son budget alimentation, donc la qualité de son alimentation… or c'est l'alimentation de mauvaise qualité qui entraîne l'obésité…
(D'après Charles Courtemanche, économiste US cité dans Courrier International 881 – sept 2007)
… Ou comment les jeux avec les chiffres finissent par ne plus rien dire du tout.
Mais déjà, même aux USA, l'augmentation du prix du gallon d'essence à la pompe entraîne de nouveaux comportements, plus économes. Il y a même des vieux cow-boys qui ressortent leurs chevaux. Logiquement, tout cela devrait aboutir à une meilleure santé générale et une baisse de l'obésité.
LE PÉTROLE N'EST PAS ASSEZ CHER
Il faut s'habituer à un pétrole cher, qu'ils disent.
Non ! Il faut s'habituer à un pétrole de plus en plus cher, maintenant, jour après jour, et, très bientôt, à plus de pétrole du tout.
Pour le moment (2007-2008-2009…), la demande augmente toujours alors que l'offre baisse. Déséquilibre incurable.
Le pic des découvertes (point de non-retour), on l'a déjà passé il y a 20 ans. Peu importe la date du pic de production. Les chiffres de réserves annoncés par les États ou les compagnies sont bidons (barils, même) ; ils sont surévalués pour raisons de stratégie commerciale, en fait, car si on disait la vérité, les cours s'effondreraient. De façon générale, il faut savoir que la spéculation (fonds d'investissement) ne fait qu'amplifier les hausses ou les baisses. Quant à la guerre d'Irak (pardon, l'intervention américaine), elle était censée libérer les approvisionnements que Saddam retenait dans ses petites mains avides et donc faire baisser les coûts (les coups ?), hé bien c'est raté ! Comme ils ont tout cassé, les installations, les puits, les pompes, les pipe-lines, les ports, les approvisionnements irakiens se sont cassé la gueule — d'où autre cause de hausse des prix.
Ce mouvement général à la hausse ne peut aller qu'en s'accentuant, malgré la baisse actuelle, factuelle, conjoncturelle, anecdotique, qui ne fait que nous faire oublier pour un temps qu'il faut absolument faire des économies, et donc ne fera qu'accélérer (un peu) l'épuisement de la ressource. Reculer pour mieux sauter.
QUE VA-T-IL SE PASSER ?
Par exemple, ça se manifeste par les martins-pêcheurs qui ne peuvent plus pêcher à cause du prix du gazul. "Pris en otages" par les émirs du pétrole, diraient les médias un jour de grève.
Mais de toute façon, y a presque plus de poissons. (J'exagère, oui, disons : déjà plus assez pour satisfaire notre demande.)
Tant mieux, donc, pour la préservation de l'avenir (celui des poissons et celui du contenu des assiettes — de nos enfants, c'est pas sûr, mais de nos petits-enfants). Et dommage (mais tant pis) pour les amers pêcheurs : ils ne sont que (parmi) les premières victimes de la décroissance obligée, provoquée par l'épuisement des ressources naturelles : poissons et pétrole en l'occurrence. Bien sûr, on peut subventionner ceci ou cela, distribuer des aides, histoire d'amortir la douleur de la flambée du prix, mais ce n'est que reculer pour mieux sauter, encore : il faudra bien y passer, à ce nouveau monde sans pétrole. (Il y aura de toutes façons des pots cassés…)
Nous sommes face, et ça va arriver de plus en plus souvent, à la coïncidence entre épuisement du pétrole et épuisement d'un certain nombre de ressources, alimentaires et autres. Mais tout particulièrement alimentaires, qui sont plus importantes que quoi que ce soit d'autre, question survie (ben ouais, on bouffe pas des bagnoles ni du béton — ni des éoliennes, d'ailleurs…). Le pétrole étant grand responsable de la dégradation du monde (pollutions diverses, gaz à effet de serre), sa raréfaction puis disparition va être la solution (douloureuse) de bien des problèmes.
Un "détail" entrant grandement dans la problématique est que, question énergie, puissance de travail, il est bon de savoir que UN litre de pétrole est équivalent à une journée de travail de six hommes. (Vous avez dit "problèmes de chômage" ?)
« Quand la ligne droite vous conduit à un mur, on apprend à faire des détours. On arrive alors où ne vont jamais ceux qui n'ont pas connu ce genre d'obstacles. » (Michel Butor. Le Retour du boomerang)
(De mes carnets de croquis "autour de Gaïa"…)
mercredi 1 avril 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
2 commentaires:
Et au fait, en quoi sont faites les éoliennes ? C'est pas une question piège, c'est juste que je ne sais pas très bien... Je vois souvent, pas loin de chez moi, passer des pales d'éoliennes, en convoi exceptionnel (ah mince, des gros camions, donc du gros carburant qui tache), et je me dis "chouette, c'est bon signe", mais a posteriori, je me demande s'il ne faut pas un max de pétrole pour fabriquer les matériaux -probablement légers et résistants, donc plastiques- qui servent à les construire. Parce que le pétrole ça ne va pas devenir rare que pour l'énergie, mais aussi pour la fabrication de tout un tas de trucs qui semblent difficiles à faire avec du bois, du métal, ou de la pierre...
Tu as parfaitement raison. Pour ma part, je ne sais pas en quoi c'est fait, une éolienne, et quelle quantité d'énergie pétrolière ça dépense pour sa fabrication et sa mise en place sur le terrain + les chemins d'accès qu'il faut tracer pour la pose et l'entretien + le raccord au réseau, etc… Finalement, il faudra peut-être faire des moulins à vent en pierre, bois et toile…
Enregistrer un commentaire