LO N° 318 (19 juillet 2009)
OÙ VA LE MONDE ?
# La Poste a confirmé, vendredi 26 juin, étudier un plan stratégique visant à dégager un milliard d'euros d'économies afin de faire face à la baisse structurelle de l'activité courrier. "Si des scénarios pessimistes se confirment sur l'évolution du courrier sur la période 2009-2015, nous avons un plan de réduction des charges de 1,5 % par an. Cela représente un milliard d'euros sur sept ans", a déclaré une porte-parole du groupe. # (Le Monde)
"Scénario pessimiste" ? Combinez réussite du courrier numérique et pénurie d'essence, et le destin de La Poste (de toutes les postes) est tout tracé. Peut-être pas disparition, mais certainement réduction à terme au minimum vital.
Là où La Poste perd, c'est sur le petit courrier. Les lettres, c'est clairement en perte de vitesse, suite à la prolifération d'e-mails. Les augmentations successives du timbre ne la sauvent pas, sauf sur les colis. (Ce qu'elle a bien compris : proportionnellement les colis ont augmenté beaucoup plus que les lettres, ces dernières années. À l'heure où on se met à faire nos courses sur Internet, il faut bien que les bouquins, disques, dvd arrivent chez nous).
Ce n'est pas non plus en vendant des timbres folkloriques dans un joli livret très coûteux en papier qu'elle rattrapera le coup. Rappelez-vous, il y a quelques mois La Poste communiquait sur ses nouveaux carnets de douze timbres imprimés sur la même surface que précédemment dix ! Wouah ! Le monde était sauvé ! Maintenant, elle nous propose des carnets "Flore des Régions : c'est ma nature !" de douze timbres grand format assortis de photos de jardins et de fleurs, le tout faisant en surface et poids de papier sans doute pas loin de 50 fois les timbres eux-mêmes.
Quant à l'ouverture à la concurrence, je souhaite bien du plaisir aux nouveaux intervenants qui vont se retrouver dans le même genre de cata que les numéros d'appel 118 dont tout le monde se fout.
CQFD (Ce Qu'il Faut Détruire)
Tiens je tombe sur ce canard que je ne connaissais pas. Présentation du même style que les hebdos Charlie ou Siné, ou La Décroissance, etc. Mensuel 3,50 €. Plein de dessins d'actu : Berth, Lindingre, Ferri et autres…
Et puis un entretien de quatre grandes pages avec Frédéric Lordon (économiste), sans doute ce que j'ai lu de plus intelligent à propos de LAKRIZ économique et financière et de l'idéologie qui y mène. Juste un extrait à propos de La Poste, pour faire suite au § précédent :
« On pourrait trouver que La Poste est un assez bon cas "d'idéologie économiste" ou "économiciste", qu'on pourrait redéfinir comme l'imposition exclusive des critères de l'économie à toutes les formes d'organisation collective […] … la vision du monde qui consiste à n'apprécier les opérations de La Poste qu'à l'aune de ce critère de la profitabilité, alors qu'on pourrait poser à La Poste de tout autres questions […] : l'aménagement du territoire, l'entretien d'un lien social par le maillage local, la fourniture d'une prestation de service public – c'est-à-dire le fait que le courrier est distribué sur une base d'égalité dans toutes les régions du territoire, etc. Ce sont là des finalités qui sont politiques et dont on peut juger d'une part qu'elles passent avant les critères de la pure économicité, ceux du profit, de la productivité, etc. – , et d'autre part qu'il n'y a pas plus bête que de poser des questions exclusivement économiques à des finalités politiques. Celles-ci ont suffisamment de consistance en soi, et de légitimité intrinsèque, pour qu'on accepte en leur nom que La Poste soit chroniquement en déficit. Ce déficit n'est que l'expression financière d'une préférence collective de nature politique, collectivement agréée. Eh bien oui, ça coûte de l'argent et on le paye, voilà. »
LA VIE – SOCIÉTÉ ANONYME
Déjà depuis longtemps, plus de nom de département sur votre courrier… puis plus N° de département sur votre voiture… La Poste devenue société anonyme… avec le 06 des téléphones portables… les 08… les pseudos des forums Internet… bientôt plus de caissières au sperm-marché… etc.
DE QUOI INTERNET EST-IL LE NOM ?
« Un scientifique a dit que l'intelligence de l'espèce humaine allait peut-être exploser grâce à Internet, à tout ce savoir, à toutes ces expériences accumulées, un peu comme si Internet était un cerveau qui n'arrêtait pas de grandir (tiens mais... ça me rappelle un thème de Gandahar !) » (Cedroide)
« Internet n'est pas une intelligence collective, comme on l'a dit parfois, mais un gigantesque inconscient groupal à l'échelle de la planète. » (Serge Tisseron. ITW dans PhiloMag N°16, à propos de son livre "Virtuel, mon amour".)
Via Internet, un maximum de gens se trouvent en interaction mais non en présence physique. On assiste à un rapprochement du lointain, certes, mais à un éloignement du proche = le corps. Le territoire de chacun devient la Terre entière, la distance est abolie, l'espace est aboli. On pourrait parler de non-lieu ou de délocalisation. Le temps lui-même n'est plus déterminé que par le décalage horaire qui s'introduit dans les interactions instantanées. Succession de moments présents, abolition de l'espace et du temps, abolition de la contradiction (un avatar est et n'est pas moi). Tout cela rappelle le domaine du rêve, ce que Freud appelait "les processus primaires". Ce qui permet de voir Internet comme un inconscient, et, dans la mesure où ce rêve est partagé, comme un inconscient collectif… De Freud à Jüng…
Quant à l'idée de confusion entre le réel et le virtuel, le danger n'est pas tant que nous considérions les objets virtuels comme réels, les avatars comme des humains, mais le contraire : un avatar sous pseudo est une chose – ou même pas une chose, un "objet virtuel" – et nous oublions facilement que, derrière, il y a un être humain. D'où, par exemple, les échanges d'injures sur les forums sous couvert d'anonymat. (Pour ma part, je me sers de mon vrai nom ou je ferme ma gueule. Question d'éthique, peut-être, ou juste de cohérence. Je suis ce que je dis, ou écris. Si j'écris sous pseudo, si je ne signe pas, qui suis-je, que suis-je ?)
NOUS SOMMES DÉLOCALISÉS
Les adresses Internet posent un peu le même problème untel@freeetruc.fr, c'est où ? En France, d'accord, en principe, mais… plus précisément ???
De la même manière, les numéros de téléphones portables, tous commençant par 06, ne donnent aucune information quant à la localisation. « Téoulà ? »
Et si on enlève les numéros de départements sur les voitures…?
Petit à petit, ainsi, on se délocalise, on se mondialise, on ne sait plus où on est ni qui on est. « On sait plus où on habite », comme on dit si bien…
La portabilité remplace l'identité, au grand dam de la géodiversité.
« Sur Internet, c'est la foule avec l'avantage qu'il n'y a personne. » (Brève de comptoir 2000)
EN UN SEUL CLIC !
Dans le même ordre d'idée, avec MySpace, Facebook, les blogs, les sites de rencontre, etc., avec cet étalage d'intimité (que Serge Tisseron nomme extimité, puisqu'on délocalise son intimité hors de soi), n'en arrive-t-on pas à une sorte de consommation de gens ?
La rencontre en un seul clic.
La rupture en un seul clic.
QUE SOMMES-NOUS, D'OÙ VENONS-NOUS, OÙ ALLONS-NOUS ?
Rencontres, échanges, communication font apparaître le NOUS. La noosphère (imaginée par Teilhard de Chardin comme champ global de la pensée humaine, de la même manière qu'on parle de biosphère ou d'atmosphère – et concrétisée de nos jours par l'Internet), la noosphère est une NOUSsphère. « Un NOUS synthétique infiniment plus riche de performances que le TU et le JE isolés. » (Ça doit être une citation puisque je l'ai noté entre guillemets, mais je ne sais plus de qui… peut-être toujours de Tisseron) Par "synthétique", je suppose qu'il faut entendre non pas "artificiel" (comme le nylon), mais "de synthèse" ou "synthétisant"… Un NOUS issu de la synthèse de tous ces TU et ces JE… Je dirais même de leur synergie. Les hommes, nous, vivent en échange, en communication, en communion, en solidarité (positive comme négative). Les éléments ne s'additionnent pas comme des cailloux dans un sachet, mais, porteurs qu'ils sont d'information et d'énergie, se multiplient les uns par les autres. Autant les forces du bien que du mal.
Esope disait que la langue est la meilleure et la pire des choses… comme tous les moyens de communication.
NITRO ET GLYCÉRINE
http://www.plusfortadeux.com/index.html#
lundi 20 juillet 2009
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