LO 360 – 09/03/10
LES GRANDS RÉCHAUFFEURS, SUITE(S)
Comme j'ai laissé traîner la suite, petit rappel :
J'ai publié un truc sur lemonde.fr, le 20 février (2010), sous le titre "Les négationnistes climatiques" (Surtitre : "Et même si ce n'était pas de notre faute…") :
C'était déjà concis, mais je résume : certitude sur le réchauffement global (fonte des glaces, etc.), mais incertitude sur notre responsabilité dans l'effet de serre. Carottes glaciaires : la prolifération de CO2 dans l'atmosphère aurait suivi (et non précédé) les périodes de réchauffement global. Réchauffement lié essentiellement à l'activité solaire. Admettons. Évidemment, ça nous arrange : nous, pas responsables.
Pour ma part, je fais confiance au GIEC, mais je ne suis pas plus climatologue que Claude Allègre.
+ Arguments pragmatiques :
– même si ce n'est pas une certitude absolue, et étant donné l'enjeu, s'il y a une seule chance que nos activités soient responsables, alors agissons sur ce point.
– si c'est la faute conjointement au soleil, aux variations d'orbite terrestre, au volcanisme ET aux activités humaines, le seul point sur lequel nous pouvons influer, c'est les activités humaines… Avant tout : économies d'énergie.
On peut voir cette production humaine de gaz à effet de serre comme le résumé, le plus petit commun dénominateur de tout notre mode de vie fondé sur la surconsommation de tout. Donc, la nécessité de réduction de nos émissions serait de toute façon au moins "un bon prétexte" pour une vaste démarche d'économies d'énergie et de réduction d'un tas de pollutions.
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SUITE 1
D'abord, tiens, comme par hasard, le lendemain 21 février, j'ai vu-entendu sur Canal + Daniel Cohn-Bendit dire à peu près la même chose : « Il y a des doutes sur notre responsabilité dans le réchauffement climatique ? Faisons comme si nous étions responsables. »
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SUITE 2
Depuis, Claude Allègre, l'imposteur climatique hexagonal, a sévi à nouveau, avec ce ton très café du commerce qui fait sa gloire de "scientifique de haut niveau"… Et depuis encore, diverses réfutations lui sont tombées dessus, etc. Bref, le mammouth baigne dans l'huile (oil) et on attend juste que le réchauffement climatique entraîne son extinction définitive. On peut se reporter par exemple à l'article de Stéphane Foucart dans le Monde du 27 février : "Le cent-fautes de Claude Allègre", suivi de "La liste imaginaire des "cautions" scientifiques enrôlées par l'ancien ministre", articles qui mettent en évidence quantité d'approximations, détournements de sens, références inexistantes et simples erreurs qui truffent son dernier bouquin. Particulièrement savoureuse, celle qui consiste à citer une certaine Georgia Tech comme une personne (il s'agit du diminutif de Georgia Institute of Technology). Il parle par ailleurs d'une enquête auprès des "spécialistes américains du climat" qui se seraient montrés en désaccord avec les conclusions du GIEC. Les "scientifiques" en question étaient en fait les présentateurs météo des chaînes de télévision américaines. Sans oublier la citation de "spécialistes" qui sont en fait des consultants issus de think tanks conservateurs payés par les grands pétroliers. Sans oublier non plus ceux qui n'existent tout simplement pas.
— C'est aussi lui qui avait dit que l'amiante n'était pas un problème, non ?
— Ouais, si on se nourrit aux OGM, on risque rien.
— Il avait pas arrêté de son corps le nuage de Tchernobyl aux frontières de l'hexagone, aussi ?
Bref, « Claude Allègre est à la science ce que Botul-Henry Lévy est à la philosophie. », comme dit un commentateur du site. (Il y a aussi : « Et Claude Allègre est à la science ce que Charles Pasqua est à la politique. »)
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SUITE 3
Pour en finir avec C.A., je cite Hervé Kempf dans le même Monde :
L'imposture " croissanciste "
Le colloque du conseil scientifique du Front National sur le réchauffement climatique s'est tenu à Nanterre le 30 janvier. (Il y a donc un "conseil scientifique du FN" ! Grande nouvelle !)
# Jean-Marie Le Pen a conclu le colloque. Citant Claude Allègre, il a exposé combien était fausse la théorie selon laquelle l'activité humaine causait le changement climatique en cours. « Il s'agit d'un dogme. Un dogme, par définition, se passe de toute preuve rationnelle. »
[…] Le Pen a révélé l'enjeu idéologique de l'affaire : « Sachant que la dépense d'énergie est à la base de la croissance économique, la recherche de la croissance entraîne donc le réchauffement climatique », a-t-il expliqué. En effet, « il ne peut y avoir croissance s'il n'y a pas développement de l'économie, et donc de l'énergie qui la sous-tend ». #
Le Pen, autre vieux mammouth qui a fait bien de l'usage, serait-il en train de basculer vers la décroissance ??? Non. Hervé Kempf continue :
# Conclusion implicite : comme il ne faut pas remettre en cause la croissance économique, il est nécessaire de ne pas reconnaître la responsabilité de la consommation d'énergie dans le réchauffement climatique. #
Je souligne en gras, parce que ça résume tout, toute la démarche des climato-sceptiques (dits aussi négationnistes ou négâteux).
HK : # Par coïncidence, c'est la semaine où les climato-sceptiques occupaient micros et caméras que Nicolas Sarkozy a relancé la Commission pour la libération de la croissance française , présidée par Jacques Attali. Il faut, indique l'Elysée, le 23 février, que la France « s'inscrive sur un chemin de croissance forte et durable ». #
(La semaine suivante, en conclusion du salon de l'agriculture et pour faire plaisir à la FNSEA, il disait que bon, l'environnement, ça commence à bien faire !)
HK : # La croyance dans les bienfaits de la croissance est-elle un dogme ? Je laisse ce point à la sagacité des lecteurs.
En tant qu'objecteur de croissance, notons que deux illusions animent les " croissancistes ".
• La première est de croire que l'on peut revenir à une croissance forte du PIB. […] Le rythme de la croissance, en France, diminue régulièrement depuis 1960, c'est une tendance historique de fond dont rien ne permet de penser qu'elle peut s'inverser.
• La seconde illusion est de croire que la croissance entraîne nécessairement une baisse du chômage. Au contraire, l'économiste Jean Gadrey démontre dans Alternatives économiques de février qu'il faut découpler ces deux grandeurs. « Produire des biens (ou des services) de façon écologiquement durable ou socialement préférable exige plus de travail que produire les "mêmes" biens en détruisant les ressources naturelles et le climat, ou en industrialisant les services. » Eh oui : on créera plus d'emplois en accordant plus d'importance à l'écologie. Encore faut-il reconnaître la gravité du changement climatique et la crise écologique. #
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SUITE 4
Dans le même temps, on apprend qu'un iceberg grand comme le Luxembourg s'est détaché de l'Antarctique et que le réchauffement climatique n'y est pour rien. Par contre, comme ce n'est pas de la banquise mais un morceau de glacier continental, sa lente fonte en mer contribuera à l'élévation du niveau des océans. Avec ceux qui glissent du Groenland, ça finira par faire…
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SUITE 5
Autres lectures conseillées :
http://www.alternatives-economiques.fr/a-quoi-servent-les-climato-sceptiques_fr_art_633_48136.html
Extrait conclusif :
« […] Faut-il prendre les climato-sceptiques au sérieux ?
Certes, les scientifiques peuvent se tromper. Ils peuvent être tentés, dans un monde ultracompétitif, de tordre un peu leurs résultats. Mais je ne crois pas un instant que cela puisse avoir été le fait de la communauté des climatologues tout entière, quasiment unanime sur le sujet. Et de toute façon, sans être un spécialiste, je ne vois pas comment le fait d'avoir décoffré depuis plus de deux siècles maintenant les millions de tonnes de charbon, gaz, pétrole enfermées depuis des millions d'années dans les replis de la croûte terrestre pourrait rester sans conséquences sensibles sur le climat.
Pourquoi ça marche alors ? L'écho que trouvent les climato-sceptiques auprès de l'opinion tient, je pense, davantage à la psychologie qu'à la qualité scientifique de leur discours. Ils jouent en effet sur du velours sur deux plans à la fois. Ils incarnent tout d'abord des Astérix dans leur village gaulois face au large consensus environnant. Une figure qui attire toujours la sympathie, même lorsque c'est pour vendre de la marchandise intellectuelle avariée. De plus, à force d'explications, on avait presque fini par convaincre les opinions des pays développés qu'il n'y avait pas d'autre solution que d'accepter une profonde remise en cause de leur mode de vie. Et voilà que des gens arrivent pour leur dire qu'en fait, on peut parfaitement continuer comme avant. On les accueille évidemment comme des sauveurs. Ceux qui jouent à ce jeu-là, non seulement les vedettes climato-sceptiques elles-mêmes, mais aussi ceux qui, dans les médias ou le monde politique, les encouragent et les mettent en scène, portent une très lourde responsabilité vis-à-vis des générations futures. Leurs enfants leur en voudront. »
(Guillaume Duval, rédacteur en chef d'Alternatives économiques. 22/02/2010)
Et :
http://www.lemonde.fr/opinions/chronique/2010/02/23/climato-sceptiques-ou-effrayes-climatiques_1309957_3232.html
Climato-sceptiques ou effrayés climatiques ? par Julien Cochard, thésard, mécanique des solides. 22.02.10
Extrait conclusif :
« […] Nos sociétés connaîtront des changements profonds au cours de ce siècle, non seulement du fait des changements climatiques, mais aussi de la raréfaction des ressources naturelles et de la destruction systématique des écosystèmes que nous sommes en train de causer. Le vrai débat, celui qui devrait mobiliser les foules, n'est plus de savoir si le réchauffement est réel ou si l'humanité en est responsable. La question est de savoir si nous acceptons d'éviter le pire en changeant notre course aujourd'hui, ou si nous préférons continuer comme si de rien n'était pour subir impuissants les conséquences dramatiques de notre inaction dans un futur proche. Face à la menace, l'ignorer n'est pas une option, le fatalisme non plus. Il ne tient qu'à nous de faire face. »
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Il y aura encore des suites, des fuites et des dégâts collatéraux.
2 commentaires:
Je ne puis qu'approuver.
Parce que même si l'activité humaine n'est pas déterminante sur le climat, quand le réchauffement (ou l'inverse, on ne sait plus) va nous tomber sur la tronche, on aura intérêt à avoir un air, une eau, un sol, une nourriture, pas trop pollués. Donc oui, certes, "faisons comme si".
MAIS...
J'aime pas qu'on me raconte des bobards.
Et c'est pas un problème moral, c'est un vrai problème technique. Quand on crie sans arrêt "au loup !", fut-ce pour la bonne cause, le jour où le loup se pointe, plus personne n'y croit, et tout le monde se fait bouffer. Or là ça y est, les bobards ont atteint le seuil critique, ça commence à se savoir, que dirigeants et orateurs bien intentionnés nous ont administré des "vérités" qui n'en étaient pas (au sens où en fait personne ne savait si c'était vrai, mais c'était bien présenté comme tel), des arguments "scientifiquement prouvés" (juste parce que c'était annoncé par des mecs en blouse blanche comme dans les pubs pour les brosses à dents conçues par ordinateur). Comment allons-nous faire pour croire ces gens, le jour où ils auront un truc vraiment sûr, vraiment important, vraiment nécessaire à nous annoncer ?
Il aurait fallu (et c'est encore possible) qu'on cessât de prendre les gens pour des cons, ou plus exactement pour des gamins à qui on ne peut pas expliquer parce que c'est trop compliqué, voire parce qu'on a honte de leur avouer que ceux qui dirigent le pays ne savent pas, ou pas encore, tous les tenants et les aboutissants, n'ont pas encore tous les éléments pour juger, mais que ça n'empêche pas de faire gaffe, d'agir en adultes responsables, en "bons pères de famille".
C'est comme pour le tabagisme passif : la clope c'est très mauvais pour la santé, et on se doute bien que c'est pas bon pour la santé de ceux qui respirent le même air que les fumeurs. Mais on nous a raconté des bobards sur le nombre de victimes dues chaque année au tabagisme passif, nombre pipeauté par une agence américaine dans les années 80, "pour la bonne cause". Moi qui suis farouchement anti-tabac, ça m'a fichu un coup...
C'est encore "pour la bonne cause" qu'on nous a inondés de vaccin anti-grippe, etc.
Alors oui, j'approuve le choix de dépolluer, de décroître, de recycler, de préserver.
Mais je ne peux pas accepter qu'on banalise le mensonge au nom d'une "bonne cause". Si on ne sait pas, ça n'est pas une solution de balancer des "c'est sûr", des "tout le monde le sait", des "c'est prouvé", parce qu'on croit que ça va dans le bon sens. Il me semble plus raisonnable de dire : "allons dans le bon sens".
Mais évidemment, les gens ne voteront jamais pour un type qui avoue humblement ne pas savoir, mais vouloir chercher, comprendre, et agir dans ce qui lui paraît le bon sens. Les gens préfèrent qu'on assume à leur place la responsabilité d'une certitude illusoire, et qu'on leur offre d'y croire, parce qu'un mensonge consenti par naïveté c'est toujours plus confortable qu'un doute dont on accepte de porter le poids, mais qui vous laisse quand même le devoir d'agir, au lieu d'attendre que de hauts responsables agissent pour vous.
Donc oui, oui, oui, j'abonde, j'approuve, je plussoie, moins de CO2, plus de vie !
Mais bon sang, moins de bobards, aussi, moins de mensonges "pour la bonne cause". Les contre-vérités, les omissions coupables, les principes de précaution déguisés en démonstrations scientifiques sont aussi dangereuses que le CO2 !
J'en prends bonne note, BB, et ça me servira pour la suite des blatérations…
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