Quezaco, "talatat" ?
Les talatat sont des "briques" de pierre
extraites des carrières de grès du Gebel Silsileh
(160 km au sud de Karnak).
Elles ont servi à construire des appendices dédiés à Aton
au temple de Karnak dès les premières années du règne d’Amenhotep IV, dit Akhenaton, dixième
pharaon de la XVIIIe dynastie (–1355 ou 53 à –1338 ou 37), puis à la
construction de la nouvelle capitale, la cité dite Akhet-Aton, "l’horizon
du disque solaire" (aujourd'hui Amarna). Cette démarche est comparable à
celle de Louis XIV quittant Paris et le palais du Louvre pour s'installer à
Versailles dans son château flambant neuf et bien à lui. Louis XIV se proclama
aussi Roi Soleil, ce qui le rapproche encore d'Akhénaton, Roi-Prêtre d'Aton,
"le disque solaire", soit le soleil rendu à sa quasi abstraction de
cercle lumineux au ciel.
Les rituels dédiés à Aton se faisant à ciel ouvert, les
murs des temples n'étaient plus porteurs de lourdes toitures, si bien que
l'utilisation de pierres de petit module était possible. Akhenaton, pressé de
construire, aurait donc inventé le quéron, ou plus exactement, le moellon ou le
parpaing, c'est-à-dire une pierre calibrée.
De nos jours, un quéron ou agglo, ou plot est un
aggloméré de béton moulé à une taille standard. La brique aussi est une sorte
d'aggloméré calibré. Les moellons d’Akhénaton, nommés talatat (le terme me
semble être féminin et sans s au pluriel) sont des pierres (grès ou calcaire)
dont la taille standardisée a été calculée pour être manipulable par un seul
homme (1/2 x 1/2 X 1 cubit,
unité de mesure traditionnelle égyptienne, soit 27 x 27 x 54 cm). D’où gain de
temps, efficacité. Comme de nos jours avec des briques ou des agglos plutôt que
des pierres qu’on doit tailler et ajuster une à une, ce qui demande des
tailleurs de pierres, des maçons expérimentés, je dirais malins, rusés avec les
pierres… de vrais artisans. Avec des agglos ou des briques, des manœuvres
suffisent. Jeu de cubes standardisés, beaucoup moins de réflexion, de
distinction, d'adaptation : toutes les briques se valent : poser, coller,
poser coller… Les dimensions mêmes des murs, portes, fenêtres sont décidées par
l'architecte en fonction de la taille des modules, de façon que les angles
"tombent bien".
Autrement dit, il y a un patron tout puissant et des
ouvriers "à la chaine". Ces deux expressions sont à double sens : le
patron, c'est le maitre à qui il faut obéir, mais c'est aussi (comme le patron
de couture) le pattern, la forme prédéterminée, le plan qu'il n'y a plus qu'à
suivre aveuglément, sans initiative. Quant au travail à la chaine, l'expression
suggère aussi l'enchainement de l'ouvrier à sa tâche, comme un bagnard à son boulet.
Cela concorde donc avec le monarchisme autocratique
d’Akhénaton : le Roi-Soleil est le seul Maitre, le Prêtre du Dieu Unique,
les citoyens sont des esclaves. (J'exagère, mais c'est dans l'esprit.) Les
maçons n’ont plus d’initiative à prendre, plus à inventer, s'adapter, ils font
du rendement sous la direction d’un unique architecte. Pierres
interchangeables, hommes interchangeables. On entre en quelque sorte dans l'ère
industrielle et totalitaire.
Mais les constructions d'Akhenaton, vite conçues, vites
construites, seront tout aussi vite détruites. Par
la suite, Akhenaton l'hérétique étant maudit par ses successeurs (Horemheb puis
les Ramessides), ses constructions ont été abandonnées ou détruites et les
talatat récupérées pour remplir d’autres constructions (pylônes).
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