dimanche 8 décembre 2013

AKHÉNATON, LES TALATAT ET L'AUTOCRATIE


Quezaco, "talatat" ?
Les talatat sont des "briques" de pierre extraites des carrières de grès du Gebel Silsileh
(160 km au sud de Karnak).
Elles ont servi à construire des appendices dédiés à Aton au temple de Karnak dès les premières années du règne d’Amenhotep IV, dit Akhenaton, dixième pharaon de la XVIIIe dynastie (–1355 ou 53 à –1338 ou 37), puis à la construction de la nouvelle capitale, la cité dite Akhet-Aton, "l’horizon du disque solaire" (aujourd'hui Amarna). Cette démarche est comparable à celle de Louis XIV quittant Paris et le palais du Louvre pour s'installer à Versailles dans son château flambant neuf et bien à lui. Louis XIV se proclama aussi Roi Soleil, ce qui le rapproche encore d'Akhénaton, Roi-Prêtre d'Aton, "le disque solaire", soit le soleil rendu à sa quasi abstraction de cercle lumineux au ciel.
Les rituels dédiés à Aton se faisant à ciel ouvert, les murs des temples n'étaient plus porteurs de lourdes toitures, si bien que l'utilisation de pierres de petit module était possible. Akhenaton, pressé de construire, aurait donc inventé le quéron, ou plus exactement, le moellon ou le parpaing, c'est-à-dire une pierre calibrée.
De nos jours, un quéron ou agglo, ou plot est un aggloméré de béton moulé à une taille standard. La brique aussi est une sorte d'aggloméré calibré. Les moellons d’Akhénaton, nommés talatat (le terme me semble être féminin et sans s au pluriel) sont des pierres (grès ou calcaire) dont la taille standardisée a été calculée pour être manipulable par un seul homme (1/2 x 1/2 X 1 cubit, unité de mesure traditionnelle égyptienne, soit 27 x 27 x 54 cm). D’où gain de temps, efficacité. Comme de nos jours avec des briques ou des agglos plutôt que des pierres qu’on doit tailler et ajuster une à une, ce qui demande des tailleurs de pierres, des maçons expérimentés, je dirais malins, rusés avec les pierres… de vrais artisans. Avec des agglos ou des briques, des manœuvres suffisent. Jeu de cubes standardisés, beaucoup moins de réflexion, de distinction, d'adaptation : toutes les briques se valent : poser, coller, poser coller… Les dimensions mêmes des murs, portes, fenêtres sont décidées par l'architecte en fonction de la taille des modules, de façon que les angles "tombent bien".
Autrement dit, il y a un patron tout puissant et des ouvriers "à la chaine". Ces deux expressions sont à double sens : le patron, c'est le maitre à qui il faut obéir, mais c'est aussi (comme le patron de couture) le pattern, la forme prédéterminée, le plan qu'il n'y a plus qu'à suivre aveuglément, sans initiative. Quant au travail à la chaine, l'expression suggère aussi l'enchainement de l'ouvrier à sa tâche, comme un bagnard à son boulet.
Cela concorde donc avec le monarchisme autocratique d’Akhénaton : le Roi-Soleil est le seul Maitre, le Prêtre du Dieu Unique, les citoyens sont des esclaves. (J'exagère, mais c'est dans l'esprit.) Les maçons n’ont plus d’initiative à prendre, plus à inventer, s'adapter, ils font du rendement sous la direction d’un unique architecte. Pierres interchangeables, hommes interchangeables. On entre en quelque sorte dans l'ère industrielle et totalitaire.
Mais les constructions d'Akhenaton, vite conçues, vites construites, seront tout aussi vite détruites. Par la suite, Akhenaton l'hérétique étant maudit par ses successeurs (Horemheb puis les Ramessides), ses constructions ont été abandonnées ou détruites et les talatat récupérées pour remplir d’autres constructions (pylônes).
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