"Les mots seuls sont importants, tout le reste est
bavardage."
Se
rappeler que les mots ne sont pas neutres. Outre leur acception normale, disons
officielle, consensuelle, celle du dictionnaire, ils sont entourés d'un halo
affectif, une aura positive ou négative, un supplément de sens, péjoratif ou
mélioratif, qui peut être collectif, culturel, social (statistiquement
consensuel, mais pas forcément signalé par le petit Robert) ou au contraire
personnel, lié aux expériences que chacun y accole, consciemment ou non. Cette
valeur, quand elle est officielle, s'exprime parfois dans des terminaisons
typiques : rêvasser, courtaud, rimailleur, criard, feignasse, mais pas
forcément. Et ce qui est typique pour le péjoratif semble beaucoup moins
évident pour le mélioratif. Y a-t-il des terminaisons typiquement
mélioratives ? Il y a des augmentatives, comme dans rarissime. Des
diminutives de style enfantin (voire infantilisant) : mignonnet, poucet.
Des
tests collectifs sur quelques centaines de mots indiquent que ami et soleil sont les deux mots connotés positivement presque à 100%
De
même, mort, égoïsme ou animosité
sont très collectivement connotés négativement. Mais ce n'est pas étonnant.
Il
y a des curiosités aussi : gros,
grossir, charnu sont mal notés, alors que dodu est bien vu, ainsi que plein,
ample ou grand.
On
est parfois ébranlé dans ses convictions quand on se rend compte qu'un mot
auquel on attribuait une valeur positive est perçu au contraire par quelqu'un
d'autre, voire par la majorité. C'est là qu'on commence à saisir ce qu'est la
subjectivité.
Il
est amusant de voir aussi comment des mots se dévalorisent avec le temps (ou le
contraire) Une maison pour personnes âgées s'est appelée successivement asile,
refuge, hospice, foyer, centre d'hébergement, résidence – et ce n'est sans
doute pas fini. Entrent en jeu les valorisations et dévalorisations du langage
médiatique, de la mode, ou du détournement argotique avec ses inversions
complètes de sens : "trop mortel !", par exemple… le
politiquement correct (nègre > noir > homme de couleur > black >
keubla… jusqu'à ce qu'un poète revendique la négritude comme valeur).
De
même que le sens objectif des mots change avec le temps et/ou le lieu, leur
halo affectif évolue, et encore plus vite, avec l'époque, la région, l'âge ou
la classe sociale.
(D'après
article Louis Painchaud dans Communication et langages N° 70 (1986)
1 commentaire:
Une maison de retraite, aujourd'hui, se nomme : E.H.P.A.D. (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes)... Une horreur !
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