vendredi 3 janvier 2014

LES MOTS


"Les mots seuls sont importants, tout le reste est bavardage."
Se rappeler que les mots ne sont pas neutres. Outre leur acception normale, disons officielle, consensuelle, celle du dictionnaire, ils sont entourés d'un halo affectif, une aura positive ou négative, un supplément de sens, péjoratif ou mélioratif, qui peut être collectif, culturel, social (statistiquement consensuel, mais pas forcément signalé par le petit Robert) ou au contraire personnel, lié aux expériences que chacun y accole, consciemment ou non. Cette valeur, quand elle est officielle, s'exprime parfois dans des terminaisons typiques : rêvasser, courtaud, rimailleur, criard, feignasse, mais pas forcément. Et ce qui est typique pour le péjoratif semble beaucoup moins évident pour le mélioratif. Y a-t-il des terminaisons typiquement mélioratives ? Il y a des augmentatives, comme dans rarissime. Des diminutives de style enfantin (voire infantilisant) : mignonnet, poucet.
Des tests collectifs sur quelques centaines de mots indiquent que ami et soleil sont les deux mots connotés positivement presque à 100%
De même, mort, égoïsme ou animosité sont très collectivement connotés négativement. Mais ce n'est pas étonnant.
Il y a des curiosités aussi : gros, grossir, charnu sont mal notés, alors que dodu est bien vu, ainsi que plein, ample ou grand.
On est parfois ébranlé dans ses convictions quand on se rend compte qu'un mot auquel on attribuait une valeur positive est perçu au contraire par quelqu'un d'autre, voire par la majorité. C'est là qu'on commence à saisir ce qu'est la subjectivité.
Il est amusant de voir aussi comment des mots se dévalorisent avec le temps (ou le contraire) Une maison pour personnes âgées s'est appelée successivement asile, refuge, hospice, foyer, centre d'hébergement, résidence – et ce n'est sans doute pas fini. Entrent en jeu les valorisations et dévalorisations du langage médiatique, de la mode, ou du détournement argotique avec ses inversions complètes de sens : "trop mortel !", par exemple… le politiquement correct (nègre > noir > homme de couleur > black > keubla… jusqu'à ce qu'un poète revendique la négritude comme valeur).
De même que le sens objectif des mots change avec le temps et/ou le lieu, leur halo affectif évolue, et encore plus vite, avec l'époque, la région, l'âge ou la classe sociale.
(D'après article Louis Painchaud dans Communication et langages N° 70 (1986)

1 commentaire:

Justin Hurle a dit…

Une maison de retraite, aujourd'hui, se nomme : E.H.P.A.D. (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes)... Une horreur !