mercredi 26 mars 2014

BOSCHIMANS


« Les Boschimans flairent de loin l'arrivée de personnes qu'ils ne peuvent ni voir ni entendre. Ils ont aussi un sentiment qui leur dit l'approche du gibier, et ils décrivent par quels signes leur propre corps fait reconnaitre cette approche. »
Exemple : « Il me semble que mon père approche, je sens la place de son corps où est sa vieille blessure. » Cette blessure est en quelque sorte "la caractéristique" de son père. Quand l'homme pense à son père, il pense à sa blessure, ou il a l'image de cette blessure comme superposée dans ses pensées à l'image de son père. Et surtout il la ressent dans son propre corps.
Autre exemple : Une femme sort pour quelque longue course avec son enfant attaché à son épaule par une courroie. Son mari reste seul. Plus tard, voilà qu'il sent la courroie de sa femme sur sa propre épaule. Il sait alors que sa femme revient.
Autre : Par une sensation aux pieds, les pieds qui "bruissent dans l'herbe" (mais sans que ce soit auditif), le Boschiman sent l'approche des antilopes. Il a aussi une sensation au visage, reproduisant le tracé de la rayure noire qui est sur le museau de l'antilope. Un autre sent dans ses propres mollets le sang de l'antilope qu'il portera quand il l'aura tuée.
Etc.
Évidemment, nous ne sommes pas (plus) des Boschimans, mais peut-être avons-nous parfois de ces pressentiments ou intuitions où l'imagination se joint à l'empathie, et peut-être devrions-nous en tenir compte.
(D'après Elias Canetti "Masse et puissance", Tel-Gallimard, 1966, rééd. 2004. P 358 et sq.)

Aucun commentaire: