… du coup, "les animaux ont-ils une âme ?"

L'animal c'est l'être animé, c'est la définition même du nom. En termes chrétiens, on dit qu'il "a une âme", ce qui ne veut pas dire grand chose ("avoir, posséder" une âme, comme on possède une chose ?!), mais cette âme animale ne serait pas immortelle, comme celle de l'homme, ce qui confirme le ridicule de l'idée de l'âme comme chose (ou substance : c'est le grand tort des noms, des substantifs posés sur des faits ou des abstractions : ils substantifient = réifient = chosifient…)

Tu es animé tant que tu es vivant. Quand tu es mort, par définition, tu n'es plus animé. L'âme, c'est l'animation, le fait d'être animé, ce n'est pas une chose, même très très subtile, qui serait liée au corps (qui, lui, serait une chose lourde), et qui le quitterait à la mort. Les légendes spiritualistes, c'est joli, oui, le Ka égyptien sous la forme d'un oiseau bleu, les petits anges qui montent au ciel ou les spectres qui s'attardent sur Terre jusqu'à vengeance accomplie… c'est joli mais ça n'a rien à voir avec la réalité.

Par contre que les animaux soient sensibles, "sentients", comme on dit en anglais, donc susceptibles de ressentir du plaisir et de la douleur, c'est de plus en plus évident pour la science, comme ça l'était déjà pour l'intuition primitive, avant que Descartes ne les déclare "machines".

Vercors, "Les Animaux dénaturés", un roman où l'on rencontre le fameux "chainon manquant".

Bien vu, bien dit : dénaturés nous sommes, ce qui ne veut pas dire pervertis mais extraits de la nature. Chaînon manquant : animal ou homme ? Un trouble s'installe et persiste. Hantés que nous sommes par le principe de non contradiction, nous voudrions que la réponse soit évidente : homme OU bête. Tiers exclu. Au contraire : homme ET bête. Tiers inclus. En fait nous ne sommes pas du tout hors de la nature. Le fait d'être un homme ne nous empêche pas d'être un primate. Et vice versa : le fait d'être un primate ne nous empêche pas d'être un homme. Pensons inclusion ou emboitement (poupées russes) : à l'intérieur du vivant, il y a le règne animal ; à l'intérieur du règne animal, les animaux terrestres ; à l'intérieur, les mammifères ; à l'intérieur, les primates ; à l'intérieur, les humains.