vendredi 4 novembre 2016

Malaise dans la civilisation


Souvent, quand on gratte le surface, on trouve encore de la surface.
Parfois on trouve du fond… ou on touche le fond.
Parfois, quand on croit toucher le fond, on découvre qu'il n'y a pas de fond.
Le dernier Psikopat tourne autour de la décadence. Y a du fond.
Ce texte n'y est pas, mais il aurait pu.

Le Progrès – pensée unique – se veut linéaire, unidirectionnel. Tout retour vers un point précédent sur la ligne est considéré comme un recul. (Morale militaire : de l'avant, toujours de l'avant ! Battre en retraite, c'est la honte !)  Tout changement de direction est considéré comme excentrique – désorientation, divergence. Cette marche en avant tendue vers un but – lui même indéfini – appuyée sur le "principe espérance", assure une illusion de sens, donc rassure : système simple. Quand le système tombe en panne, on se contente d'un échange standard : on reprend le même et on continue : on garde la ligne (de fuite).
La civilisation du Progrès – utopie active – vise la perfection, la pureté, la simplification, et pour ce, s'enferme et tourne sur elle-même. Mais chaque état de chose, naturel comme humain, poussé à son excès, se retourne en son contraire. Le "en trop", en proie à l'entropie, engendre la catastrophe (rupture, crise).
Le "principe catastrophe" est inscrit dans le devenir, il est le signe de la réussite (mettez des guillemets, si vous voulez). La réussite du capitalisme, c'est la crise financière. La réussite du progrès technologique, c'est la crise écologique. La réussite de l'Europe, c'est sa dislocation. La réussite de la physique nucléaire, c'est l'anéantissement de l'humanité.
La réussite de la civilisation, c'est la décadence.
La décadence, ce n'est pas la table rase, la remise à zéro, c'est le chaos, c'est-à-dire la complexité : tous les matériaux des précédents états (civilisés), sont en désordre, mais toujours disponibles. Partant, la décadence, lieu de mélange, de mixité, de diversité, laisse place à une vision non linéaire : panoramique. Chaque point de la ligne d'avenir est un carrefour en éventail, où de multiples options se proposent. L'avenir, au lieu de se dessiner dans un créneau étroit, une ornière, est ouvert, c'est-à-dire imprévisible… ce qui se rapproche de la réalité naturelle (non rassurante).
Le devenir se définit alors comme multidirectionnel, arborescent. Dans cette optique, quand on constate une erreur dans la trajectoire, type "mais comment en sommes-nous arrivés là ?!", on peut revenir au carrefour précédent et essayer une autre piste – et encore une autre… On a le droit, ce n'est pas mal, ou lâche, ou réac… C'est juste exigeant.
Et puisque chaque état de chose est voué à se retourner en son contraire, on peut supposer que le chaos, état d'indétermination, engendrera quelque chose de neuf : la réussite de la décadence, c'est la civilisation. Mais pas la même.

inédit


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