dimanche 4 février 2018

ALONE ON MOON / 10


Des planctons électroluminescents se sont installés dans le lac. Ils empêchent les tanches de dormir.
Ça et les ablettes qui jouent un symposium font que la nuit passe trop vite et ne se retient pas, couverture écossaise, de laine légère et verte.
Des branches découpent le ciel, des racines le sol (déracinent le sol ?).
Les serpents rampent à sénestre. Vénéneuses sont leurs larmes. (Dis-moi ton secret, ophidien aléatoire !)
Les étoiles chantent Jeanne la Française avec des airs de fête foraine.
Des nains jardiniers entonnent un chœur de chants de brouette.
Je reste au dessus de l'horizon, au dessus de la ligne de flottaison.
Le plafond a fondu. Je ne dors pas et mon matelas s'ennuie – insomnuit.
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Obsèques obscènes.
Le roi des eaux est probablement dans sa tombe, recouvert de plumes colorées. Là, il fait noir comme dans une taupe, il fait froid comme dans un cadavre, mais il est vivant : il a juste besoin d'air et de soleil.
(Retransmise, l'image, aux nymphes hystériques, leurs croissants sauvages et leurs fourbes escarpins.)
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Des météorites en flammes s'échouent dans les Sargasses de l'automne.
Quand le grand visionneur revint de l'espace, il s'intégra comme une fleur dans les entrailles d'Ève – la velue. Il naquit peu après et prit le nom d'Adam. (Car, si vous ne le saviez pas et contrairement à ce qu'on raconte partout, Adam est né d'Ève, mère de toutes les sources.)
Il laboura les eaux de l'océan : il en poussa des poissons violents.
Il balaya les sables du désert : il en poussa des guitares à douze cordes et des flutes enchanteresses.
Il féconda le champ des vœux et n'en exauça aucun.
— Les dieux inexpérimentés créent des planètes lentes.
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Les archéologues, ivres d'alzheimer, explorent les vestiges, les épaves éparses du navire à la rive. Mais le temps passe plus vite qu'eux.
Dans les cimetières anciens, paysages sages, des gnomes avares ont leurs repaires.
Le soleil se couche sur les os, ardemment.
Les os… Ils sont censés préserver les morts : le souvenir n'en démord pas (mais les morts n'existent pas – par définition). Les architectures de pierre ne guérissent pas les sépultures et la paléontologie est un métier d'apocalypse.
Chacun s'affaire. Les céramiques antiques communient avec les racines des arbres. Les minotaures bâtissent des pyramides où Ariane file des étoiles. Les scarabées ne font pas exception : ils creusent des canyons angoissés et érigent des cercles de pierres stressées.
Du Paléozoïque au Protozoïque, les insultes résistent : c'est la tyrannie des âges.
Les archéologues en sont tout désordonnés : en allant se coucher (de bonne heure), ils laissent des vertiges partout : des fresques à ciel ouvert, des mosaïques ensablées, des statues de sel, des scories de crânes de plâtre, des momies enrubannant des princesses inconnues.
La sérendipité les sauve.
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