dimanche 1 novembre 2009

SPETH & KEMPF


LO N° 331 (30/10/09)



Dessin du Suédois Riber Hansson. Grand Prix from Press Cartoon Europe 2009.





Cet article sur Rue 89 précise ce que j'esquissais dans la LO précédente avec les citations de Kempf et de Speth, à savoir qu'on ne s'en sortira pas sans sortir du capitalisme. Pas le choix. Ou plutôt, partant de ce retournement drastique, l'ouverture à tous les choix, à tous les possibles. Un autre monde est possible, dit-on. Il est même indispensable, dit Kempf. Pessimiste, ou tout au moins dubitatif, je me permets de retourner la formule et de l'interroger. Un autre monde est indispensable, oui, mais est-il possible ?

Cela dit, clarté de la pensée, concision de l'expression, je recommande des deux hémisphères la lecture de Kempf, ses bouquins et ses articles dans Le Monde…

Sur Rue 89, un article du 01/2009

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Ecologie : pour sauver la planète, les petits gestes ne suffisent pas
Par Hélène Crié-Wiesner | Ecrivain, spécialisée en environnement.
(J'ai fait quelques coupes)
# Deux ouvrages, aux Etats-Unis et en France, montrent les limites des efforts individuels, et prônent une rupture avec le capitalisme.
Sortir du capitalisme pour sauver la planète, c'est dans l'air des deux côtés de l'Atlantique. Mais là où les Américains prennent des précautions de sioux pour ne pas être accusés de communisme, les Français n'ont pas ces pudeurs : ils osent volontiers les mots « utopie », « coopérative » et autres « rapports de classe ».
— James Gustav Speth, doyen à l'université Yale de la School of Forestry and Environmental Studies, a publié en 2008  (traduction approximative) : "Le Pont du bout du monde : le capitalisme, l'environnement, et le passage de la crise vers la durabilité."
Gus Speth y pose notamment la question suivante : « Comment expliquer ce paradoxe ? La communauté de ceux qui se soucient de l'environnement -à laquelle j'ai appartenu toute ma vie- ne cesse de grandir, de se sophistiquer et d'accroître son influence, elle lève des fonds considérables, et pourtant, les choses vont de pire en pire. »
— "Pour sauver la planète, il faut sortir du capitalisme", Hervé Kempf. (Seuil, 2009)
Kempf y reprend des éléments de sa démonstration initiale ("Comment les riches détruisent la planète"), et expose sa méthode, analogue à celle de son confrère américain, mais en tournant moins autour du pot : « Pour sauver la planète, il faut sortir du capitalisme, en reconstruisant une société où l'économie n'est pas reine mais outil, où la coopération l'emporte sur la compétition, où le bien commun prévaut sur le profit. » (…) « Dans “Comment les riches détruisent la planète”, j'ai décrit la crise écologique et montré son articulation avec la situation sociale actuelle, marquée par une extrême inégalité. (…) L'économie des sociétés humaines est dominée par un ressort, la tendance à rivaliser – à se comparer à autrui pour le rabaisser. Le but essentiel de la richesse n'est pas de répondre à un besoin matériel, mais d'assurer une ‘distinction provocante’, autrement dit d'exhiber les signes d'un statut supérieur à celui de ses congénères. (…) Cela nourrit une consommation ostentatoire et un gaspillage généralisé.»

A l'origine de la catastrophe écologique, des dérives individualistes
Dans ce nouveau livre, Kempf laisse un peu tomber les super riches - il leur a déjà réglé leur compte - pour nous enfoncer, nous, gens ordinaires souvent pleins de bonne volonté, le nez dans notre caca. En gros, au cours des trente dernières années, le capitalisme a exacerbé l'idéologie individualiste au plus haut point, « en valorisant à l'extrême l'enrichissement et la réussite individuelle au détriment du bien commun ». (…) « Car pour la personne à qui l'on répète sans arrêt que sa vie ne dépend que d'elle et que les liens sociaux sont d'importance secondaire, la satisfaction se trouve d'abord dans la satisfaction matérielle : elle est source de plaisir – un plaisir qu'on ne trouve plus dans l'interaction et le partage avec les autres. »

Gus Speth balaie les conclusions naïves d'Al Gore
Il leur démontre gentiment que la technologie, la science, le progrès technique, dont les Etats-Unis sont si fiers d'être souvent leaders, ne suffiront pas à restaurer l'état de la planète, ni à assurer à l'humanité le train de vie dont les pays riches se prévalent. En gros, il balaie l'assurance donnée par Al Gore à ses concitoyens dans son film “Une vérité qui dérange”, où l'ex-vice-président explique qu'avec un peu de bonne volonté individuelle et beaucoup de technologies nouvelles, on peut inverser le cours des choses. Speth estime que cette approche est dépassée : « La situation requiert des changements plus profonds et plus systémiques que l'approche environnementale en vigueur aujourd'hui. On doit complètement changer le système. »
Hervé Kempf ménage encore moins ses lecteurs. Pour lui, les fameuses technologies vertes dont on nous rebat les oreilles, nous promettant grâce à elles le retour de la croissance (verte, la croissance ! ), sont plus dangereuses qu'utiles à la bonne santé de la planète. Non pas intrinsèquement (c'est toujours mieux de produire de l'électricité avec du vent qu'avec du charbon), mais parce que pour Areva, Suez, EDF, Endesa, E.ON, Enel, etc., il n'y a aucun changement de modèle énergétique en jeu, seulement une opportunité à saisir dans la compétition en cours entre grands producteurs. Le mot d'ordre reste : produire.

Les conseils écolos se situent toujours du point de vue de l'individu
Kempf massacre la « bien-pensance écologique, nichée dans les détails », qui a contaminé les plus fervents écolos : « Tous les guides expliquant comment vivre en “vert” se situent du point de vue de l'individu, jamais du collectif. (…) “Je me préserve des grosses chaleurs”, “je réutilise mes objets”, “je refuse les traitements chimiques”, “je démarre en douceur”, etc.
Etre consom'acteur, chez Nature et Découvertes, invite à “consommer engagé”, puisque “consommer = voter”, et range les actions entre “ma cuisine”, “ma trousse de toilette”, “mon garage”, “mon atelier"… EDF, dans son guide "E = moins de CO2", range l'univers entre "ma planète" et "ma maison". (…)
Dans le paradis capitaliste, il suffit que nous fassions "les bons gestes pour la planète", et "les politiques et les industriels suivront". »
Gloups. A quoi ça sert de faire des efforts si on est tellement ridicule ?
Kempf et Speth sont en accord sur ce point : seule l'action collective, massive, stratégiquement concertée, a des chances d'inverser la tendance.
« Je ne suis pas en train de vous dire : Arrêter de recycler, écrit Gus Speth, mais je dis : Bâtissez un mouvement collectif, et confrontez la consommation avec une nouvelle éthique d'autosuffisance. »
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PS
INVEST IN MACEDONIA
Parfois, je me réveille avant 6 h du matin et je vais finir ma nuit avec un café devant EuroNews. Hier matin, j'ai halluciné devant un spot publicitaire poussant les investisseurs à investisser en Macédoine. J'ai d'abord cru que c'était un gag des Yes Men…
Je ne le retrouve pas sur le net, mais j'ai trouvé ça.





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