dimanche 17 janvier 2010

JANCO


LO N° 352
Jean-Marc JANCOVICI
Quelques citations fraîches. Les (( )) sont de moi. Les soulignages aussi.
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AVANT COPENHAGUE
http://www.manicore.com/documentation/articles/entretiens/FNSEA.html
# Un problème est que les électeurs voudraient que le réchauffement climatique soit évacué sans que l'on ne leur demande trop de concessions comme consommateurs. Or pour parvenir à un accord équitable et significatif, il faudrait que le bilan carbone d'un français soit divisé par 10 d'ici à 2050. ((Et moi qui parlais d'un quart d'ici 2020 !))
# Les émissions de gaz à effet de serre (GES) vont baisser quand même, car elles sont pour l’essentiel occasionnées par l'utilisation du gaz, du pétrole et du charbon, qui sont des ressources épuisables. ((En cours d'épuisement, même.))
# Selon l'Institut français du pétrole, les contraintes sur la production conduiront à un nouveau choc pétrolier d’ici 3 ou 4 ans. Pour le gaz, le pic avant le déclin est prévu dans 10 ans environ, et pour le charbon ce sera dans 50 ans tout au plus.
# Les limites de stock (sur les combustibles) nous imposeront de changer, mais idéalement cela doit se faire dans des conditions sociales et humaines acceptables.
# Il faut comprendre que l'on a mangé notre pain blanc et il n'y a plus de sortie facile. Il faut donc choisir entre « un peu mal » tout de suite – mais avec beaucoup de projets possibles – ou « beaucoup mal » dans un contexte de chaos, juste un peu plus tard.
# 5 degrés en un siècle pour la planète, cela se terminera en bain de sang.
# Concernant Claude Allègre, ce que j’ai lu de lui contient une densité d’âneries par page imprimée qui est proprement stupéfiante pour quelqu’un supposé avoir un doctorat en physique. ((J))
# Agriculture : L'avantage compétitif lié à la spécialisation des territoires ne va probablement pas durer très longtemps. Entre autres, les transports seront de moins en moins accessibles dans un monde à l'énergie contrainte. L'agriculture [aura alors besoin] de plus d'emplois pour favoriser la polyculture et la transformation dans des zones géographiquement plus circonscrites. 
Une bonne partie des exploitations agricoles, notamment les petites, ont tout intérêt à anticiper ce mouvement pour mieux passer les difficultés à venir. Le problème pour eux se situe plus au niveau des débouchés que des coûts ; il leur faut « tordre le cou » à la grande distribution en maîtrisant des circuits de proximité […]
# A lire : Le dernier livre de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, "C'est maintenant" (Editions du Seuil), pour bien comprendre l'ensemble de la problématique avec un ton humoristique et néanmoins pédagogique. Indispensable pour ne plus dire de bêtises sur le changement climatique.
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PENDANT COPENHAGUE
http://www.manicore.com/documentation/articles/entretiens/chat_metro.html
# Au départ, il s’agit de se mettre d'accord sur la manière de parvenir à remplir l'objectif de la convention climat, qui dit qu’il faut « arrêter la croissance des gaz à effet de serre dans l'atmosphère avant que cela ne devienne dangereux pour les hommes ». 
En pratique les négociateurs ont fini par dire que cela signifiait ne pas avoir plus de 450 millionièmes de CO2 dans l'air (nous sommes à 390, en gros). Personne n'a revu cela à la baisse… ((Mais)) pendant la COP, un chercheur australien de l'université du Queensland est venu expliquer […] en marge des négociations qu'à 450 millionièmes de CO2 dans l'air, tous les coraux seraient probablement morts en 2050. Un des plus grands spécialistes de la NASA (James Hansen) considère qu'il faut même redescendre à 350 !
((Ce qui confirme la démarche des groupes activistes du même nom dont j'ai déjà parlé : 350)). Mais arriver à implémenter physiquement ces objectifs en quelques années supposerait une augmentation tellement rapide du prix de l'énergie que les électeurs des pays industrialisés descendraient dans la rue.
# On ne peut pas se mettre d'accord à 192, et par ailleurs quand on rentre dans le dur, l'angélisme ne résiste pas souvent à l'épreuve des faits (quel Français est prêt à donner la moitié de ce qu'il gagne pour assurer la "convergence" avec les pays moins industrialisés ?) ((Et moi qui parlais de un quart – bis !!!))
# Entre 1,5° et 2°C de hausse, combien de morts ?
— Intéressante question.... Il faut commencer par définir ce que l'on appelle un mort, ça peut paraître sordide, mais c'est comme ça. Est-ce quelqu'un à qui l’on a enlevé 6 mois d'espérance de vie comme en 2003 ((la canicule)) ? Ou un mort est-il quelqu'un a qui on a enlevé 40 ans d'espérance ?
Et ce sont des morts en 2010 ou en 2080 ?
En outre, dans un monde qui va connaître à la fois un changement climatique, une raréfaction de l'énergie "facile" (pétrole et gaz) qui permet justement de s'adapter aux changements un peu amples, une érosion de certaines ressources en parallèle (réserves d'eau, sols...), comment attribuer à une cause en particulier ce qui se passe ?
Bref, ce calcul est tout sauf évident (c'est pareil pour les réfugiés climatiques : amusez vous à essayer d'en trouver une définition précise, ce n'est pas facile !) Disons que, déjà à ce niveau, on va beaucoup trop ajouter à l'instabilité du monde par rapport à ce que nous connaissons actuellement, et après, savoir combien de guerres, famines et maladies ça va déclencher devient un exercice de science-fiction.
Pour finir, je dirais que, à quelques degrés de hausse de la température planétaire en un siècle, il n'est pas exagéré de dire que nous jouons avec l'espérance de vie ou le confort de vie de quelques milliards d'hommes, mais en dire plus serait imprudent. Cette conclusion est déjà suffisante pour nous faire accepter de payer pour que ça n'arrive pas.

# [Je ne suis] pas fondamentalement pessimiste. ((Heureusement qu'il le dit…)) Encore une fois, une partie de l'affaire est gagnée rien que parce que le sujet devient un élément des agendas présidentiels, et ce malgré la crise économique que nous vivons (ou peut-être même à cause de, parce que le lien commence peut-être à être fait entre les problèmes de ressources physiques – le pétrole sur les 8 dernières années – et l'économie).
# Il ne suffit pas de dire, après il faut faire.
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APRÈS COPENHAGUE
[…] Qu’est-ce qu’aurait été un succès, et où commence l’échec ? […]
Le succès aurait-il été l’élaboration d’un texte aussi bien ficelé que Kyoto… sur lequel la moitié des signataires auraient ensuite quand même pu s’asseoir sans autre forme de procès ? [Les pays qui soit ne l'ont pas ratifié, soit n'ont pas respecté leurs engagements]  n’en ont subi aucune mise à l’index sur le plan commercial ou politique, ni aucun inconvénient de court terme particulier.
En quoi un nouvel accord « juridiquement contraignant » […] aurait-il eu une efficacité garantie […] si les chiffres qu’il contenait étaient irréalistes au regard des possibilités qu’ont les dirigeants de ce monde à forcer les consommateurs et les producteurs, c’est-à-dire nous, à réduire les émissions à la bonne vitesse ?
Car Copenhague c’était cela, au fond : la confrontation de nos désirs de citoyens et de nos désirs de consommateurs, la bataille entre notre soif de jouissance immédiate sans limites et la triste finitude de notre planète.
Or dans les démocraties, si le consommateur est contre l’effort qui rend possible la baisse volontaire des émissions (taxes, quotas, normes, obligations….), le traité peut être mis directement à la poubelle, et prévoir des chiffres précis et une ratification solennelle en séance plénière n’y change pas grand-chose.
Ne pas vouloir la baisse sera bien sûr seulement la subir : c’est alors la finitude du monde (à commencer par le pic de production du pétrole et du gaz, l’un en cours, l’autre proche) qui s’en chargera […]
Déconsommer volontairement, ou déconsommer à cause des crises ? Ce choix n’est pas un choix de fonctionnaire ou de ministre, c’est un choix de peuples, donc de présidents. Et la bonne nouvelle de Copenhague, c’est qu’enfin la discussion se passe au bon niveau. Que les grands de ce monde aient passé une nuit blanche, enfermés ensemble dans une pièce, à mouiller la chemise pour rédiger un texte en commun est même une excellente nouvelle, car de mémoire de diplomate jamais 28 présidents n’ont procédé de la sorte pour discuter d’un accord international. Comment ne pas espérer que cet épisode va durablement impacter ce qui se passera désormais ? ((Moi, j'en doute, mais je prends bonne note de cette positivité.))

Par contre, […] en 24 heures, la realpolitik crue a balayé les pratiques préexistantes, envoyant bouler de fait fonctionnaires et ONG, et nous nous sommes retrouvés au G20, c’est-à-dire dans une configuration où les puissants de la planète cherchent à établir seuls des règles du jeu en l’espace de quelques jours, sans faire dans le détail, […] et sans s’encombrer de la signature d’un traité.
Cette évolution a un double avantage incontestable : le premier est que les fonctionnaires de la négociation (qui est permanente […]) ont désormais un mandat politique clair et partagé sur l’ordre de grandeur de ce qu’il faut négocier dans les détails, alors que ce n’était pas du tout le cas jusqu’ici. […]  Le deuxième, c’est que les déclarations faites par les présidents à l’occasion de cette conférence rendent un peu plus probable la mise en place de règles domestiques, les seules qui comptent tant que les traités non respectés ne signifient ni amendes ni invasions militaires. L’avenir du monde dépend un peu plus des subventions à l’énergie en Chine et aux USA que de la signature d’un traité […] déclaration d’intention….
Juger Copenhague à la seule lumière d’une analyse ligne à ligne du texte signé serait donc une erreur […] L’accord de Copenhague […] ne peut pas être dissocié du contexte dans lequel il prend place.
Un exemple parmi d’autres : quand Barack Obama explique que l’accord est bon pour la sécurité énergétique des USA, il dit implicitement qu’il va mettre les bouchées doubles pour limiter les émissions de CO2, car 40% de la consommation d’énergie américaine est liée au pétrole, dont la production mondiale est désormais au maximum, et va baisser d’ici 5 à 15 ans. ((Hum, les USA sont aussi de gros consommateurs de charbon – qu'ils produisent at home…))
Quand le document final parle d’une commission qui doit réfléchir à la mise en place de « source alternatives de financement » pour dégager des fonds, il faut peut-être comprendre, entre les lignes, que l’avènement d’une taxe Tobin souhaitée par la Grande Bretagne et la France n’est plus impossible : qui l’aurait cru il y a seulement un an ? ((Que la commission ne réfléchisse pas trop longtemps, quand même…))
L’histoire – et probablement une histoire assez proche – dira si nous venons de vivre la fin des haricots ou si, tout au contraire, nous venons d’enclencher l’accélération du passage à l’action. Et, d’une certaine manière, c’est à nous, acteurs économiques et consommateurs, de se manifester pour que les mois qui viennent permettent de garder le meilleur et d’éviter le pire. Plus que jamais, dire haut et fort à nos dirigeants que nous avons compris que nous étions à l’heure du passage à l’action, que cela était le sens de l’histoire, et que nous étions prêts à prendre notre part à l’effort, est crucial. #

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Alors échec ou juste temps perdu ? Je trouve Janco plutôt réaliste quand il parle de « la confrontation de nos désirs de citoyens et de nos désirs de consommateurs, la bataille entre notre soif de jouissance immédiate sans limites et la triste finitude de notre planète. Or dans les démocraties, si le consommateur est contre l’effort qui rend possible la baisse volontaire des émissions, le traité peut être mis directement à la poubelle […] Arriver à implémenter physiquement ces objectifs en quelques années supposerait une augmentation tellement rapide du prix de l'énergie que les électeurs des pays industrialisés descendraient dans la rue. »
La bataille individuelle et collective est bien là : entre nos désirs de citoyens maintenant avertis et conscients et nos désirs de consommateurs abrutis, qui ne sont pas "les autres", mais tout aussi bien nous. Il vaudrait mieux prendre ça en compte vite. Plus on tarde, plus ce sera dur – et cher.
« Rendez-vous dans un an à Mexico. »
Bon, il y aura d'abord une nouvelle réunion à Bonn…
Mais chaque mois compte.




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