Couverture de
Minute : "Maline comme un singe, Taubira a retrouvé sa banane".
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"Malin comme un singe", on
dit ça depuis longtemps, c'est une simple expression populaire.
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Ça n'est considéré comme injure raciste que si on l'applique à un(e) noir(e).
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Ce qui, en soi, est du racisme : ça sous-entend qu'il y aurait une sorte
de cohérence génétique à appliquer cette comparaison à des noirs ? Barack Obama
aussi y a eu droit… et les footeux… Si on comparait tel ou tel noir à un lion
("fort comme un lion") ou à un mouton ("doux comme un
agneau"), ou à un renard ("rusé comme…") serait-ce perçu comme du
racisme ?
—
Le racisme aura disparu quand on pourra appliquer l'expression "malin
comme un singe" à un noir sans plus de problème qu'à n'importe quel blanc-bec.
…
"Avoir la
banane" est aussi une expression populaire
imagée plutôt sympa. Avoir un grand sourire. Rien d'injurieux ni de raciste a priori… sauf si on l'applique à un(e)
noir(e) ?
…
Ensuite,
bien sûr, ce qui entre en jeu,
1)
c'est la réunion des deux expressions (et elle pourrait aussi avoir "le
rythme dans la peau", sans doute…) ;
2)
c'est le contexte d'actualité (le "quand") ;
3)
c'est de qui ça vient (le "qui").
Contexte :
Précédemment, Madame Taubira avait été comparée à un singe (une guenon), photos
à l'appui, sur le site d'une candidate FN aux municipales, Anne-Sophie Leclere.
(Candidate d'ailleurs ensuite désavouée, qualifiée d'"erreur de
casting", par son parti qui fait des efforts de politiquement correct.)
De
même, lors d'une manifestation du "printemps français" anti mariage
gay à Angers, une gamine de douze ans brandissait une banane et clamait quelque
chose comme "Mange ta banane, la guenon". Ses parents trouvaient sans
doute ça très drôle. De même, dans une manif Civitas, un prêtre en soutane
(vrai ou faux ?) affichait "Y a bon Banania, y a pas bon Taubira !"
(Ce qui vient d'être repris sur un blog par un UMP, à son tour désavoué.)
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Faut-il faire interdire le Banania ?
Tout
cela s'inscrit dans les même vieux clichés agglutinant Afrique, singes,
bananes, nègres. (A cette occasion, c'est toute une époque coloniale qui se
rappelle à nous. Moi, gamin, j'aimais bien l'image du tirailleur sénégalais sur
les boites de Banania, image et slogan "y a bon" qui n'y figurent
plus, me semble-t-il depuis des années (cf page Wikipédia)… J'aimais aussi
"Tintin au Congo" ou "Les Cassebouffigues en Afrique".)
Ensuite, il y a
d'où ça vient, de qui ça vient ?
Question de support de presse, avec son passé, sa réputation, et de complicité
entre émetteur et récepteur. La même blague émise par Minute ou par Charlie
Hebdo, ou Siné Mensuel, Psikopat, etc. n'a forcément pas le même sens. Et ce même
si Minute peut revendiquer l'humour, le clin d'œil à ces fameuses manifestations
ou le second degré. Parce que, oui, c'est emmerdant de l'admettre, mais c'est
de l'humour (bon ou mauvais, ça n'est pas la question). Au point que, s'il y a
procès, ils ont toutes les chances de s'en tirer parce que la justice française
est préoccupée (à juste titre) de liberté de la presse et reconnait et protège le
droit à la caricature, à la satire.
Par
contre, le racisme – ou plutôt l'expression du racisme – n'étant pas une
opinion mais un délit, il y aura discussion ferme sur la question de savoir si
cet humour-là est "du racisme"… pas si simple, comme j'ai essayé de
l'exposer plus haut et plus bas.
Au
niveau de l'opinion personnelle, la mienne par exemple, plus que la qualité, c'est le contexte et l'origine qui la déterminent : venant de Minute, C'EST
du racisme, et s'ils revendiquent le second degré, ça ne peut être que du faux
second degré. Mais sur le plan judicaire, c'est une autre question ; un
juge peut être forcé de les acquitter, même si c'est tout en vomissant. (D'ailleurs
la rédaction de Minute a pris ses précautions en consultant un avocat.)
Car
la question de l'humour, oui, mine de rien, c'est compliqué. De qualité ou vulgaire… Premier
degré… second degré… et faux second
degré. On a tellement pratiqué (depuis les années Hara-Kiri) le second
degré que n'importe qui peut maintenant sortir n'importe quelle dégueulasserie
sous prétexte de second degré… ou la sortir premier degré et, selon les retours
de manivelle qu'il se prend, se défendre avec « Mais vous êtes idiots,
vous pensez bien que c'est du second degré, haha ! C'est pour rire ! »
Total : la confusion est à son comble, à laquelle ne peuvent répondre que,
sur le plan individuel, l'intime conviction (« De la part de Machin, ça ne
peut être que du vrai second degré, alors que de la part de Truc… etc. »),
ou, sur le plan social et politique, la loi de la république, le jugement d'un
juge patenté.
Et
rappelons-nous encore qu'une caricature sincèrement "second degré"
peut toujours se retrouvée détournée et mise au service de l'adversaire.
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Tu as des exemples ?
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Euh… non. C'est juste ma parano…
2 commentaires:
"Malin comme un singe", ça veut dire quand même un peu con, je ne crois pas que ce soit une expression aussi sympathique que "rusé comme un renard". On ne dit jamais de Schopenhauer qu'il est "malin comme un singe", par exemple. Le titre de Minute, c'est une provocation, c'est clairement raciste, mais c'est malin comme un singe de faire ça, je pensais que ce journal n'existait plus depuis longtemps, maintenant je sais qu'il est partout !
( Pendant l'occupation, on avait au moins quelque chose à faire )
Wens was here
Oui moi aussi je croyais que ça n'existait plus, Minute……… (comme "Je suis partout"…)
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