Quand
l'État fait auprès des enfants une campagne anti-obésité, il ne peut pas interdire les spots publicitaires pour
des barres céréales-chocolat. Dommage ? Oui, sans doute. Il y a quand même
des systèmes de contrôle de la pub, contrôles que les producteurs de pub
travaillent sans cesse à détourner, un peu comme les hackers travaillent sans
cesse à craquer les codes anti-piratage. Escalade symétrique.
Le
problème, c'est que le producteur de barres céréales-chocolat ne veut qu'un
truc : vendre ses saloperies, faire du chiffre. Toute régulation de la pub
ou de la distribution est qualifiée d'entrave au commerce, crime majeur en
société néolib. L'Eglise du Saint Commerce, secte la plus puissante du monde,
se conduit comme les religieux qui exigent non seulement la liberté de croire
et de pratiquer, mais encore que rien ne puisse entraver leur culte (et son
expansion), ni critique, ni moqueries.
A la
limite, on n'a même pas le droit d'en parler : un prof qui photocopie des pages
du Coran pour préparer un cours sur la religion se fait engueuler comme
sacrilège par ses élèves. Au début de son Traité d'athéologie, Michel Onfray
témoigne de sa discussion avec un musulman choqué du fait que lui, incroyant,
lise le Coran et puisse en citer des sourates. Où est la tolérance ?
A la
limite, afficher son athéisme peut être vu comme une agression, une entrave à
la liberté de croire. Le même Michel Onfray reçoit des menaces de mort, juste
pour avoir cité les sourates guerrières (destruction des infidèles par l'épée),
antisémites et misogynes.
Pour
ma part, question liberté d'expression, je ne suis pas sûr qu'il faille
autoriser la pub pour les barres chocolatées (comme pour l'alcool ou le tabac),
parce qu'il s'agit de pub – à but lucratif, donc, c'est-à-dire pas vraiment du
domaine de "l'expression". Par contre je tiens beaucoup à ce qu'on
soit libre de critiquer une religion, comme un parti politique ou une nation,
de caricaturer, de moquer. La limite entre "opinion sur–" et
"injure à–" étant la pierre d'achoppement de cette liberté. Quand
Houellebeck déclare dans une interview : « L'Islam, c'est quand même la
religion la plus con, non ? », c'est une opinion. La brutalité de
l'expression en fait-elle une "injure pour tous les
croyants" ? (Et il y aurait
nombre d'exemples plus récents, côté Charlie-Hebdo, par exemple… J'en
reparlerai.)
Que
ceux qui sont vexés fassent un procès. À la Justice de trancher. La Justice
laïque d'un pays laïc.
—
Touche pas à ma religion !
—
Touche pas à ma laïcité !
Dessin paru dans Psikopat. A retrouver très bientôt dans un nouveau recueil de dessins de presse : "Y en aura pour tout le monde (ou pas ?)"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire