dimanche 30 mars 2014

SOLIDARITÉS MÉCANIQUES


Les abeilles volent du pollen aux fleurs pour se nourrir et nourrir leur reine-matrice, mais, ce faisant, pollinisent, c'est à dire fécondent les fleurs et donc les fruits et légumes qui s'ensuivront, rien qu'en capturant dans leurs poils le pollen de l'une et le déposant dans l'autre – sans le faire exprès. Intérêts réciproques, système gagnant-gagnant. 
L'herbe nourrit les lapins ou les chèvres et bien d'autres herbivores – sans le faire exprès –, les herbivores nourrissent les carnivores – sans le faire exprès –, carnivores qui, eux-mêmes ne négligent pas le miel produit par les abeilles. Les excréments produits par tous ces bestiaux nourrissent l'herbe, les plantes, les arbres, d'autres insectes… (N'avez-vous jamais vu un magnifique papillon butiner une crotte de chien ?)… Sans oublier que la mort de l'herbe ou des feuilles nourrit la terre et les vers et…… Sans oublier les charognards, que nourrissent – sans le faire exprès – tous les bestiaux morts………
Etc, donc… et encore etc !
Et j'ai bien dit, sinon à chaque fois, du moins le plus souvent possible : "sans le faire exprès". Car il n'est pas question de dire que les abeilles butinent pour polliniser les légumes, ni que ceux-ci pourrissent pour nourrir les lombrics, ni que ceux-ci font des galeries pour aérer la terre, ou encore que les renards font caca pour fertiliser le sol et nourrir l'herbe, laquelle pousserait pour le seul plaisir de se faire bouffer par les chèvres.
Il n'y a pas de pour, dans tout ça. Il n'y a pas de solidarité ni de collaboration ni de concurrence au sens où nous l'entendons : un sens humain qui est souvent un sens moral : la collaboration, c'est bien, le parasitage ou la prédation, c'est mal.  Si on veut employer ces termes, bien se dire que le prédateur et sa proie "collaborent", en fait, sont "solidaires", ne sont pas en concurrence. Il n'y a pas de volonté, de but, de sens. Ça marche comme ça, c'est tout. Je me vois forcé d'employer le terme "mécanisme", même si ça semble lourd et trivial. (Et même si ça évoque une image qui ne me convient pas du tout : celle du mécanisme d'horlogerie qui laisse supposer un Grand Horloger !)
Plus abstrait que "mécanisme", et sans doute plus juste, serait "un jeu d'interactions".


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